Elles ne se sont pas toutes réfugiées dans la variété sirupeuse (Ofra Haza et son tube mondial Im Nin’Alu en 1985, Noa une décennie plus tard) ou le kitsch de l’Eurovision (Dana International, Netta l’an dernier). La scène féminine israélienne ne manque ni de panache ni d’audace. Et ces cinq filles-là n’ont vraiment pas besoin de chanter «sans chemise et sans pantalon» pour nous attirer dans leurs filets.......Portraits........
Roni Alter
Elle s’est invitée, le 8 février, comme révélation aux Victoires de la musique. Juste sur la base d’un EP. L’album Be Her Child Again, dominé par une voix altière et des arrangements d’une clarté aveuglante (excellence et cohérence de l’ensemble dues en partie à l’implacable doublette Clément Ducol-Maxime Le Guil), est sorti le jour de la cérémonie.
Grandie entre les disques de Billie Holiday, Ella Fitzgerald et la passion dévorante du père - compositeur de bandes originales et cinéaste - pour Randy Newman, Roni Alter est passée par la chorale classique et l’école de jazz avant de s’installer à Paris en 2012.
Tandis qu’elle ne cesse d’opérer de remarquables allers-retours entre la sobriété folk et la fluidité pop, la genèse du disque est fondée ici sur les racines. Elle dit notamment le harcèlement sexuel vécu lorsqu’elle était enfant (Devil’s Calling) et l’incompréhension de la relation avec sa mère (Save Me).
Mais si Roni Alter continue d’offrir des chansons aussi élégantes et accrocheuses, on sera nombreux à vouloir bientôt l’adopter.
Keren Ann
Evidemment qu’elle est plus que jamais identifiable, Keren Ann. A la suite de son immense contribution au retour d’Henri Salvador au début des années 2000 (l’album Chambre avec vue, coécrit avec Benjamin Biolay), la Franco-Israélienne s’est taillé une place de choix dans le paysage de la pop.
Du moins du côté des initiés. Multipliant les projets parallèles à destination d’autres disciplines, elle revient le mois prochain avec Bleue, son huitième album, le premier en français depuis Nolita en 2004. Keren Ann n’y a jamais aussi bien chanté.
Voix enveloppante et précieuse. Disque à la mélancolie cotonneuse, plein de cordes sensibles et de nappes laconiques, riche de quelques fulgurances (le Goût d’inachevé, en duo avec David Byrne, et le fringant la Mauvaise Fortune), mais un brin monocorde et à l’émotion distante.
Noga Erez
Sombre et analgésique, la musique de Noga Erez n’est d’apparence pas toujours très aimable. Produite par le beatmaker Ori Rousso, la jeune femme a rejoint Tel-Aviv à l’âge de 18 ans et a vite délaissé son attrait pour le jazz. Artiste en liberté donc, délivrant des messages politiques dans ses morceaux et souvent comparée à FKA Twigs.
Son album Off the Radar, paru en 2017, est une vraie petite bombe à retardement qui se déploie en volutes répétitives et intoxicantes, en secousses insidieuses et en beats décalés. Chez elle, de l’apesanteur vénéneuse et du décollage à la verticale, de l’acid-house minimaliste et du trip hop à l’exquise torpeur.
Morceaux âcres, mordants et sur lesquels chacun est libre de poser ses propres dispositions.
Ester Rada
Née en Israël de parents juifs éthiopiens, Ester Rada a plusieurs cordes à son arc puisqu’elle est aussi actrice dans son pays. Elle attire surtout comme un aimant toutes les ondes sonores de la planète.
Celle que les mirauds pourraient confondre avec Grace Jones brasse une mixture de soul-afrobeat-raw funk-jazz à la robe cuivrée et saupoudrée de groove éthiopien.
Il y a aussi la voix à la justesse savoureuse et la profondeur chaleureuse. Il y a l’album Different Eyes (2017) qui a des allures rétro mais qui n’est pourtant pas étanche à l’air du temps avec ses contours pop.
Un melting-pot judicieusement dosé qui s’apparente à un cocktail qu’on goûterait autant pour l’ivresse que pour le simple rafraîchissement.
Lior Shoov
Même l’étape tant redoutée de l’enregistrement du disque, elle l’a passée l’an dernier avec brio. Parce que cette fille à l’expressivité affolante, formée aux arts de la rue et des clowns, prend une dimension hors norme sur scène.
Si unique qu’on ne l’imaginait pas capable de pouvoir graver un objet dans le marbre. Lior Shoov courtise l’imagination, l’improvisation et la théâtralité. Des concerts ?
Plutôt des performances. Elle est physique, son corps est traversé par le chant. Elle est funambule, du mime à la parole, du bourdonnement à des bruits de bouche.
Elle est élastique, sa musique ne tient qu’à un souffle. Elle est ludique, son artillerie d’instruments n’est pas toujours des plus traditionnelles (tubes en plastiques, jouets, bouteilles, sanza, clochettes). Lior Shoov, une amazone poétique du tendre et du décalé.
Vous nous aimez, prouvez-le....