lundi 25 février 2019

Noémie Schmidt, la Valaisanne à qui tout réussit


Bientôt à l’affiche de la comédie suisse «Wolkenbruch», à découvrir en avant-première avec L’illustré, l’actrice valaisanne de 28 ans est aussi visible sur Netflix et sera l’héroïne d’une série policière.......Rencontre avec une idéaliste qui monte.........



Sous un ciel plombé, lardé d’éclaircies ­aurifères, Soleure attend Noémie ­Schmidt, 28 ans. 
La comédienne valaisanne arrive au palais baroque de Besenval le visage englouti dans la capuche de son manteau. 
Sa silhouette longue et fine disparaît dans un pantalon large, un pull d’hiver. Elle est chaussée d’imposantes Doc Martens. Soudain, sa petite tête émerge, charmante. On l’a beaucoup comparée à Julia Roberts pour sa fraîcheur, son sourire kilométrique. 
On la sent plus proche de Hilary Swank. Beauté atypique et nature, un peu garçonne, sans entraves, exaltée s’il faut défendre un point de vue, une conviction, des idées.
La demoiselle pleine d’énergie revient de deux jours d’équitation chez des amis à Yverdon-les-Bains (VD). 
Le shooting photo peut démarrer. Un brin farouche, Noémie refuse net qu’on lui retouche une mèche qui rebique. Notre photographe ne lui a pas encore expliqué ses intentions. 
Il lui parle de clairs-obscurs, cite le Caravage et ça lui parle. Devant l’objectif, la jeune femme aux allures d’ado joue sa partition. Elle est elle-même et une autre à la fois. 
De la série Versailles, en épouse aussi costumée que dévêtue de Philippe d’Orléans éprise de Louis XIV, à une gosse binoclarde chez Dany Boon ou dans la peau d’Elisabeth Eidenbenz, Suissesse au destin héroïque durant la guerre civile espagnole, Noémie mène sa barque cinématographique au gré d’aventures toujours librement consenties.
Si le photographe lui a demandé de «jouer» la mélancolie, dans la vie, Noémie aime rigoler, danser et faire la fête.
Dès le 6 mars, elle est à l’affiche d’un film suisse. Phénomène outre-Sarine avec 300'000 entrées l’an dernier, «Le merveilleux voyage de Wolkenbruch» est une comédie épatante signée Michael Steiner («Grounding»). Elle raconte le parcours de Motti, un jeune juif orthodoxe sensible aux charmes interdits de Laura.

Casser les carcans

Cette shiksa l’éveille au monde et à l’amour. 
Elle l’attire, le trouble, le révèle à lui-même en le mettant en porte-à-faux avec une tradition immuable et ses parents. La mère juive, campée par Inge Maux, atteint des sommets de drôlerie.
L’émancipation de Motti le déchire intérieurement. A certains égards, son itinéraire rappelle celui de la comédienne romande. 
«Son destin me parle et me touche dans le sens où, très jeune, comme lui, j’ai eu envie d’être libre, de casser les carcans de ce que je connaissais, de ma vie en Suisse. Je voulais m’installer ailleurs, me confronter à des gens qui pensaient différemment, avaient d’autres habitudes, d’autres coutumes, parlaient d’autres langues.»
A la majorité, Noémie a voyagé aux Etats-Unis en bus, en stop et à vélo. Depuis toujours, elle explore. Parfois à ses dépens. L’intrépide en garde une cicatrice au front. 
«Ça exprime bien la dynamique de mon enfance. J’ai appris à skier avec mes parents à Crans. Après une descente, je leur ai dit, du haut de mes 4 ans: «Je sais, je peux y aller toute seule.» Ils m’ont dit: "OK." Et je me suis pris le premier poteau. Ça a eu le mérite de me faire apprendre par moi-même sans me calmer!»

Famille chérie

Elle chérit sa famille, parents, frère et sœur. «Je suis riche de leur amour. Quand tu grandis et que ton père et ta mère (avocat et biologiste, ndlr) ne t’ont pas menti, c’est un cadeau. La confiance que je donne aux gens, c’est grâce à ça, dit-elle. 
Ce sont eux qui m’ont connectée à la nature et à l’instinct.»
En parlant, Noémie laisse parfois échapper un très léger accent belge, souvenir de quatre années de comédie à Bruxelles; elle mange ses doigts sans arrêt. Une façon d’extérioriser un bouillonnement qu’elle peine à canaliser. «C’est difficile de calmer le flux du mental. 
Notre société occidentale est gouvernée par l’intellect. On a du mal à se brancher à notre ventre, qui est notre premier cerveau. J’aimerais bien réussir à me recentrer, à calmer ma culpabilité judéo-chrétienne…»

La place des femmes...

Chez elle, vivre libre ne veut pas dire vivre seule. A Paris, elle s’est installée en communauté artistique amicale, joyeuse et prolifique où comédiens, auteurs et musiciens échangent. 
«J’ai une fascination pour l’idéologie libertaire et l’humanisme. Remettre l’humain et la liberté au centre.»
Elle qui, en Amérique, a vécu au milieu de hippies ne regrette pas d’être une femme en 2019. «Je suis très heureuse de ne pas avoir grandi en 1969. Les femmes n’avaient pas encore le droit de vote. Et tout juste obtenu celui d’ouvrir un compte en banque sans l’aval de leur mari.»
La femme, sa place dans la société, la lutte contre les réflexes sexistes conditionnés par l’éducation sont ses priorités. 
«La femme est la première victime des conflits dans le monde. Une femme meurt sous les coups tous les trois jours en France. L’émancipation de la femme passe par l’émancipation masculine et la sortie des carcans de virilité extrêmement violents que l’on impose aux hommes. Il faut que l’on dépasse cela tous ensemble.»
Ainsi parle Noémie Schmidt. «Je crois en l’humain malgré tout, même si je suis révoltée par énormément de choses.» 
Elle en dresse l’inventaire. «La fraude fiscale, la concentration des pouvoirs par une élite, l’homophobie, le racisme, la misogynie, la gynophobie… Je pourrais ajouter le manque de solutions durables apportées par les politiques pour le climat, les violences policières, les inégalités sociales, le capitalisme.»
Dans l’épatante comédie suisse «Le merveilleux voyage de Wolkenbruch», sur nos écrans à partir du 6 mars, elle séduit le jeune Motti, un juif orthodoxe en quête de lui-même.
Invitée lors d’une conférence TEDx à Martigny, elle en a profité pour exprimer non pas cette indignation-là, mais la confiance en l’autre. «L’été dernier, je suis tombée en panne à la périphérie de Bordeaux. 
J’étais seule sur la route à des heures du lieu où se trouvaient mes amis et dans l’incapacité de les joindre. Deux hommes ont proposé de m’aider. Pas très engageants de prime abord. 
Ils ont appelé des copains pour réparer ma voiture. Ensuite, ils ont fait les 300 kilomètres pour m’amener là où on m’attendait.» Gratuitement, sans contrepartie. 
«Dans notre monde où tout est basé sur le profit et l’intérêt personnel, ça m’a raconté une autre façon de voir et de répondre à notre individualisme. C’est la base de la cohésion sociale. Nous sommes les soldats de la colle humaine.»

Politique et intérêts personnels

Noémie croit en ses rêves et revendique son idéalisme. «Ça a l’air très naïf de parler de confiance, de générosité et de bienveillance. Or, c’est très important, très concret. Il faut aller chercher au fond de nous plus d’humanité, plus de tolérance, plus de fraternité.» 
Lorsqu’elle ne tourne pas, elle est capable de fabriquer des pains d’épice qu’elle va partager dans son quartier de Montreuil afin que les gens se rencontrent et se parlent.
A la Franco-Polonaise Ewa Brykalska, qui lui a offert son tout premier rôle dans le court métrage «Coda», elle a apporté 10'000 euros gagnés lors d’un prix afin de financer la réalisatrice. 
Le don et l’échange, c’est tout Noémie. Mais lorsqu’on lui demande ce qu’elle pense des débats proposés par le président Macron, elle répond d’abord par une mise en garde: «Non, ne me lancez pas là-dessus… C’est trop politique…» On insiste. 
«Il faut une vraie démocratie, un vrai débat. En Suisse, notre pouvoir est décentralisé, local. Il faut un nouveau système politique en France. Je n’attends rien de Macron ni d’aucun autre. Ils n’ont à cœur que leur intérêt personnel, trichent à longueur de journée. Je n’y crois pas.»
La comédienne, désormais basée à Paris, garde des liens profonds avec son Valais natal. «Mes amitiés y sont fortes et hyper-précieuses. C’est un rempart contre la solitude.»
Mais comment faire cohabiter la rigueur de ces convictions et le fait d’être l’égérie du parfum Mademoiselle Rochas? «L’esprit parisien tout en espièglerie», comme dit la pub qui la montre jeune et jolie bourgeoise fraîche comme la rosée du matin. 
«C’est le garant de ma liberté artistique. La marque me laisse très libre. J’aime l’histoire de Marcel Rochas, couturier splendide. Je ne fais pas les films pour l’argent, mais uniquement ceux qui me tiennent à cœur pour leur exigence artistique. Cela m’a permis de me lancer dans "Paris est à nous" sans être payée pendant quatre ans.»
De ce film expérimental de 80 minutes, elle dit qu’«il permet de croire en l’avenir, alors que la peur nous détermine». Il a été tourné au milieu de la marche pour Charlie Hebdo, des manifs anti-loi travail ou des obsèques de Johnny. 
«On raconte Paris sous tension entre 2014 et 2017.» Ce projet sans argent n’avait a priori aucun avenir. Mais un clip – dont Noémie est au centre – vu 3 millions de fois va changer la donne et alimenter un crowdfunding. Netflix le diffusera dès le 22 février dans 180 pays. 
Sur France 2, la Sédunoise qui monte sera aussi l’héroïne d’une série policière en milieu psychiatrique, sous les ordres de Béatrice Dalle.
Evidemment, elle a conscience d’être une privilégiée. Ses élans ne sont pas des postures et se frotter au réel ne l’empêche pas de s’évader. «J’ai passé un mois à Xilitla, au Mexique, dans le jardin de sculptures conçu en pleine jungle par le poète anglais Edward James, mécène des surréalistes.»
Elle a nourri son imaginaire en lisant beaucoup dès 8 ans. A 11 ans, une année avant de faire du théâtre en Valais et d’incarner au sein d’une troupe d’adultes professionnels la «Mère Ubu», elle dévore «A la croisée des mondes», récit initiatique de Philip Pullman, et découvre de manière diffuse la critique de la religion et du pouvoir. 
Chaque humain y est accompagné de son âme qui prend une forme animale. «Chez les scouts, on me surnommait Libellule.» Et aujourd’hui? «Ce serait quelque chose de plus féroce.» 
On lui suggère une libellule griffue. Elle acquiesce en riant comme une enfant. Noémie Schmidt ne ferait pas de mal à une mouche.

Source Illustre
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