Nader Abbassi dirigera, à Rennes, des œuvres de Rossini, Bernstein et Osman, interprétées par des chanteurs de tous pays, avec l’orchestre et le chœur de Bretagne. Un concert À l’unisson qui, en cette période où l’antisémitisme renaît, lui tient particulièrement à cœur........Interview.........
Le chef d’orchestre Nader Abbassi fera dialoguer les œuvres emblématiques des trois grandes religions monothéistes, jeudi 28 février et vendredi 1er mars, à la cathédrale Saint-Pierre de Rennes.
Vous dirigerez le concert À l’Unisson qui célébrera les œuvres des trois religions catholique, juive et musulmane. Ce n’est pas une première pour vous…
J’ai en effet déjà dirigé l’Orchestre pour la paix, fondé par le pianiste argentin Miguel Estrella, qui était constitué de musiciens juifs et de musiciens musulmans.
J’aime beaucoup travailler avec la nouvelle génération de musiciens pour favoriser le dialogue entre les cultures. Sur ces sujets-là je suis toujours partant et Marc Feldman, le directeur de l’orchestre de Bretagne le sait bien !
Le concert rassemblera 180 personnes : l’orchestre de Bretagne, le chœur professionnel Mélismes, et le chœur de l’orchestre de Bretagne (1), des amateurs d’un excellent niveau, et cinq solistes.
Comment avez-vous choisi les solistes qui interpréteront les trois œuvres ?
J’ai choisi trois œuvres de musiques sacrées emblématiques des trois religions. Le Stabat Mater, de Rossini, demande une grande voix, et les Chichesters Psalms, de Léonard Bernstein, en hébreu, sont difficiles à chanter.
Elles seront interprétées par des lauréats du concours international de chanteurs d’opéra de Stenhamar (Suède). On aura donc affaire à de jeunes chanteurs d’un excellent niveau vocal et théâtral : Jessica Elevant (soprano), Josefine Andersson (mezzo-soprano), Joel Anmo (ténor) et Nicolas Courjal (basse). Ce concert sera pour eux une opportunité de se faire connaître.
Pour les Prières soufies , du compositeur soudanais Ali Osman, décédé il y a deux ans et auquel je rends hommage, il me fallait trouver une chanteuse soprane chantant en arabe.
Ce sera Jahida Wehbé, une chanteuse soufie fabuleuse.
En tant que chef d’orchestre musulman, quel sens donnez-vous au choix d’une œuvre de Bernstein ?
Je suis un chef d’orchestre d’origine égyptienne et ce qui se passe en France en ce moment, me fait penser aux quatre années de chaos qui ont suivi l’après Moubarak en Égypte.
Pointer des communautés du doigt a servi le retour au pouvoir d’un mouvement populiste.
La religion est un prétexte au service de la conquête du pouvoir politique… Malgré ce contexte, lorsque l’on chante, on parle tous la même langue. Et c’est quelque chose de très fort de partager ce moment avec le public.
Quand je dirige une œuvre en hébreu, je veux sortir le meilleur de cette musique.
Le seul moyen de lutter contre les discriminations, c’est de montrer l’exemple en travaillant tous ensemble, avec des artistes du monde entier.
En tant que chef d’orchestre exerçant dans un milieu socioprofessionnel ouvert, êtes à l’abri de toute discrimination ?
J’ai la chance de vivre au quotidien dans un monde multiculturel et de montrer cette autre image de la société. Mais mon identité de chef d’orchestre arabe a parfois été un frein.
J’arrivais dans le dernier carré des chefs pressentis pour diriger Aïda, lors d’un festival aux États-Unis.
Et on m’a glissé que, dans le contexte des attentats, me nommer risquait d’être délicat… C’est le même procédé de discrimination qui est à l’œuvre dans l’antisémitisme finalement.
(1) Il rassemble les chœurs Vibrations, Kammerton et Pro Latio.
Jeudi 28 février et vendredi 1er mars, à 20 h
concert À l’unisson
à la cathédrale Saint-Pierre de Rennes
Tarifs de 13 à 35 €
En vente sur place
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