Dans la nuit du 9 au 10 novembre 1938 une explosion de violences antisémites a lieu en Allemagne et en Autriche, initiée par les dirigeants du parti nazi. Des magasins juifs et des synagogues sont détruits et pillés. Voici le compte rendu de l'époque du Figaro de cette nuit de violence........Détails.........
267 synagogues détruites, 7.500 vitrines de magasins brisées, 30.000 juifs arrêtés, 91 morts.
L'assassinat le 7 novembre à Paris d'Ernst vom Rath, diplomate allemand, par un jeune Juif Polonais, est le prétexte pour organiser de violents pogroms en Allemagne et dans l'Autriche annexée.
Ainsi des membres des jeunesses hitlériennes et des SA (sections d'assauts nazies) -majoritairement habillés en civil- s'attaquent aux synagogues mais aussi aux biens détenus par des Juifs (magasins, maisons).
Ce sombre épisode est appelé «Kristallnacht», en référence aux morceaux de verres des vitrines brisées dans les rues, ou pogrom de Novembre «Novemberpogrom». Ces manifestations antisémites gagnent aussi le territoire des Sudètes.
Au centre Herschel Grynszpan lors de son arrestation le 7 novembre 1938 à la suite de l'assassinat du diplomate allemand Ernst vom Rath à Paris. Ce meurtre servit de pretexte aux nazis pour déclencher la Nuit de Cristal.
La version officielle de ces dramatiques évènements, présentée le 11 novembre par Joseph Goebbels, ministre de la propagande, est qu'il s'agit de démonstrations spontanées du peuple en réaction à l'attentat de Paris.
Et selon le ministre: les magasins n'ont pas été mis au pillage et seulement «quelques synagogues ont été incendiées» et «quelques vitrines éventrées»; «la police est intervenue autant que faire se peut, à Berlin notamment», mais il était impossible de tirer sur la foule.
Le journaliste du Figaro qui relate ces informations dans l'édition du 12 novembre 1938, s'étonne de cette version: «Dans un pays qui s'enorgueillit tant de la discipline de son peuple, il semble, que les autorités n'auraient pas réussi, hier, à faire cesser le pillage.
Il n'y a que deux hypothèses: ou le ministère de la propagande a fermé les yeux ou il a manqué d'autorité.» Et précise: «Les quartiers commerçants de Berlin semblent avoir été balayés par un typhon.»
Au total, une centaine de personnes sont tuées, des viols sont commis et des suicides surviennent en raison des violences.
C'est à Berlin et Vienne que ces dernières sont les plus terribles. La Nuit de Cristal est aussi l'occasion pour le régime nazi d'arrêter des Juifs: 30.000 hommes, qui sont déportés pour la plupart dans des camps de concentration. Le Figaro du 13 novembre relate que le gouvernement du Reich inflige une amende d'un milliard de marks aux juifs allemands à la suite de l'attentat contre le diplomate vom Rath.
Le peu de réaction de la part de la population allemande incite le régime à prendre des mesures d'exception: des lois et décrets sont promulgués les semaines suivantes dont le but est d'exproprier les Juifs de leurs biens, les exclure de la vie sociale, expulser les enfants des écoles allemandes, les forcer à émigrer...
Manifestations antisémites très violentes en Allemagne
Des synagogues en feu des magasins juifs saccagés. Telles sont les premières conséquences de la mort de M. Vom Rath. Des «sanctions légales» vont suivre.
Berlin, 10 novembre.
Une espèce de folie s'est emparée de la population allemande et la haine de la race israélite a atteint aujourd'hui son paroxysme.
Des juifs de tout âge, hommes ou femmes, ont été pourchassés jusque dans leurs maisons.
Deux seulement ont été tués, mais, à Vienne, une telle vague de désespoir s'est emparée de la population juive que l'on peut compter vingt suicides.
À Berlin, une foule haineuse s'est répandue depuis le matin à travers la ville, détruisant tous les étalages des magasins juifs, pillant, volant, brûlant avec acharnement, avec joie, tout ce qu'elle pouvait trouver sur son passage.
Peu d'agents dans les rues, et ceux qu'on pouvait rencontrer assistaient indifférents au terrible pillage.
Si des arrestations ont été effectuées, ce sont sur la personne de juifs essayant de défendre leurs biens.
Parmi les milliers de magasins, bureaux et d'entrepôts qui ont été pillés aujourd'hui, citons les salles d'exposition et de vente de Citroën, à la Kurfurstendam; les vitrines ont été défoncées et plusieurs voitures ont été sérieusement endommagées.
Toutes les succursales Etam, fabrique de bas et de lingerie, ont été pillées.
Toutes les synagogues importantes, aussi bien à Berlin qu'à Hambourg et dans des villes de moindre importance, ont été soit incendiées, soit absolument vidées de tous les objets précieux qu'elles contenaient.
Les étrangers qui ont essayé de prendre des photographies des synagogues en flammes ont été amenés aux postes de police où leurs appareils ont été confisqués.
A Munich, 6.000 juifs ont reçu l'ordre de quitter le territoire du Reich dans les quarante-huit heures
Munich, 10 novembre. - La journée et la nuit du l0 novembre n'auront pas été moins affreuses pour la population de Munich que pour celle des grands centres allemands.
Dès ce matin des personnalités juives des plus en vue ont été arrêtées et gardées en otage par la police.
Parmi elles, on trouve le docteur Max Kloos, fameux chirurgien orthopédiste, Karl Bach, dont la demeure a été incendiée, le professeur Haas, Martin Aushauser, un des directeurs de la banque du même nom; le consul général de Suède à Munich et sa femme apprenant ce matin l'arrestation de M. Aushauser, son associé, se sont suicidés.
Des centaines d'hommes et de femmes se sont précipités dans les consulats étrangers pour y obtenir des visas leur permettant de quitter le Reich, mais la plupart étant nés en Allemagne, avaient déjà leurs passeports confisqués par la police.
Tout ce qui reste de population israélite, environ 6.000 personnes, a maintenant reçu l'ordre de quitter le territoire du Reich dans les quarante-huit heures. Plusieurs ont d'abord été amenés au palais de Wittshacher, quartier général de la police et ont dû signer un papier stipulant le renoncement à tous leurs biens.
L'aspect de Munich est aussi désolant qu'à Berlin: boutiques détériorées, incendiées, pillage; foules déchaînées.
Les crémeries et boulangeries ont reçu l'ordre de ne vendre aucune marchandise aux israélites.
La police, au lieu d'intervenir semblerait aider les manifestants. On a l'impression, ce soir, qu'une véritable nuit de la Saint-Barthélemy se prépare à Munich.
M. Hitler est en conférence avec M. Rudolf Hess, M. Himmler et plusieurs chefs nazis. Le résultat de ces conversations ne sera pas connu avant demain.
Dans la soirée, le calme est rétabli à Berlin
Berlin, 10 novembre. - Le calme est complètement rétabli dans la ville depuis 20 heures.
Quelques groupes de badauds continuent de circuler dans les artères principales, examinant les débris épars encore sur la chaussée mais on ne signale plus aucun incident, ni manifestation.
Rome, 10 novembre. - Bien que les méthodes italiennes à l'égard des juifs soient différentes, iI est certain, d'après la presse de ce soir, que l'Italie approuve absolument les manifestations antisémites qui se sont déroulées aujourd'hui à travers l'Allemagne.
Le Giornale d'Italia déclare que les Italiens partagent le deuil de l'Allemagne et sa juste colère après le meurtre de M. Vom Rath.
Aux États-Unis, l'émotion est intense
New York, 10 novembre. - Les manifestations antisémites en Allemagne soulèvent une réprobation générale aux États-Unis. Dans les milieux américains, on est indigné par le caractère «organisé» des manifestations et on considère que l'Allemagne sème ainsi, à travers le monde, la haine contre le régime actuel du Reich.
Une vive émotion règne dans la colonie juive de New-York, où de nombreuses familles possèdent encore des membres demeurés en Allemagne.
Dans les rues du quartier juif de Brooklyn, la population commente avec animation les nouvelles d'Allemagne: quelques femmes pleurent en silence.
Source Le Figaro
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