Les cent vingt ans de la vie de Moché, suggère Rabbeinou Be‘hayé, peuvent correspondre aux cent vingt jours qu’il a passés sur le mont Sinaï : quarante avant de recevoir les premières tables, quarante pendant lesquels il a imploré le pardon des enfants d’Israël après le péché du veau d’or, et quarante avant de recevoir les secondes tables...
"Je ne peux plus sortir et venir" (31, 2) Ce que voulait dire Moché, rapporte Rachi au nom du Talmud (Sota 13b), c’est que l’imminence de sa mort lui avait fait perdre la faculté d’« aller et venir » dans les paroles de la Tora, les traditions et les sources de la sagesse s’étant obstruées chez lui. Le jour où le roi David devait mourir, il s’est plongé sans interruption dans l’étude de la Tora afin de tenir à l’écart l’ange de la mort, celui-ci ne pouvant intervenir qu’en détournant son attention (Chabbath 30b).
Cela nous apprend, commente Rachi (ad loc.), que l’étude de la Tora protège de la mort. D’où nous pouvons conclure que si Hachem n’avait pas fait perdre à Moché sa sagesse, l’empêchant ainsi de « sortir et venir », l’ange de la mort n’aurait jamais pu s’en prendre à lui.
L’effacement par Hachem de la sagesse de notre prophète et guide, ajoute le Ramban, a été un acte de grâce, destiné à lui épargner tout chagrin au moment de transmettre les rênes du pouvoir à Yehochou‘a.
Il existe, indique Rav Moché Zeitlin, Av Beith Din de Reisin, une autre raison à la perte par Moché de sa sagesse. On nous rapporte qu’il était une fois un maître d’école qui frappait ses élèves (Guitin 36a).
Rav A‘ha prononça sa révocation, mais Ravina infirma cette décision, vu les éminentes qualités de cet enseignant. Si Hachem n’avait pas « obstrué chez Moché les sources de sa sagesse », Il aurait dû annuler le serment qu’Il avait prêté lui interdisant d’entrer en Erets Yisrael, car il n’existait pas de chef aussi capable que lui.
C’est seulement après avoir perdu ainsi de ses « talents » qu’il a pu installer Yehochou‘a dans ses fonctions. Je ne peux plus sortir et venir. (31, 2) Pourquoi n’a-t-il pas simplement dit au peuple que Hachem lui avait interdit de franchir le Jourdain ? s’étonne Rav Moché Feinstein. Nos ancêtres auraient alors parfaitement compris qu’il ne pourrait plus « sortir et venir » ! Moché a voulu ainsi leur livrer une importante leçon : Celui qui accomplit une injonction divine a tendance à croire qu’il le fait de par son libre arbitre. Or, il faut se rendre compte que l’on n’a pas d’autre choix, en réalité, que de lui obéir. Moché a entendu leur notifier qu’il ne les accompagnerait pas parce que le commandement de Hachem s’imposait à lui de manière impérative. Moi-même (anokhi) suis aujourd’hui âgé de cent vingt ans. (31, 2)
Moché avait exactement cent vingt ans le jour de sa mort, rapporte Rachi, de sorte qu’il a été considéré comme étant parvenu à la somme de ses jours. Rav Bibi bar Abayei demanda un jour à l’ange de la mort ce que deviennent les années « inemployées » de celui qui décède avant son terme (‘Haguiga 4b). L’ange lui répondit qu’elles s’ajoutent à celles des hommes patients et d’une grande humilité.
Or, la Tora atteste que Moché a été l’homme le plus humble à avoir jamais vécu (Bamidbar 12, 3). On aurait donc pu penser qu’il dût sa longévité à l’octroi d’années non vécues par quelqu’un qui serait mort avant son échéance normale. Aussi a-t-il employé le pronom anokhi, comme pour dire : « Moi-même ai cent vingt ans » – ces années sont les miennes, et non celles d’un autre ! Moi-même suis aujourd’hui âgé de cent vingt ans. (31, 2) Commentaire de Rachi : « Aujourd’hui sont devenus complets mes jours et mes années. En ce jour je suis né, et en ce jour je mourrai » (Sota 12b). En quoi le fait d’être né et mort le même jour – 7 adar – est-il révélateur des éminentes qualités de Moché ? Et d’une manière générale, se demande Rav ‘Hayim Kanievsky, pourquoi la disparition de quelqu’un le jour de son anniversaire est-elle considérée par nos Sages comme un signe de vertu et de faveur divine ?
Nous lisons dans le Talmud Yerouchalmi (Roch Hachana 3, 8) que ‘Amaleq recourait à la sorcellerie, et qu’il avait pour habitude d’enrôler les soldats le jour de leur anniversaire. On considérait en effet cette date comme de bon augure et susceptible d’offrir une protection contre la mort.
Mais cela ne pouvait être vrai que chez ceux qui la craignent et la considèrent comme un châtiment. Les hommes vertueux, quant à eux, n’ont pas peur de la mort, qu’ils tiennent pour opportune, puisqu’elle leur fait quitter les vanités terrestres.
Le fait qu’ils soient libérés des chaînes de ce monde le jour de leur anniversaire est perçu comme un signe de Sa grâce.
Ils peuvent accéder désormais à l’Au-delà, auquel ils ont aspiré toute leur vie durant.
Source Chiourim