Dans un entretien avec le Hungarian Globe, l'ambassadeur d'Israël en Hongrie, Ilan Mor ( voir photo ), a développé un point de vue inattendu, à contre-courant de l'image véhiculée par la presse internationale d'une Hongrie antisémite, repliée sur elle-même, paranoïaque et en pleine dérive autoritaire.
Loi sur les médias, nouvelle constitution, taxes sur les multinationales, politique vis-à-vis des minorités hongroises... Depuis l'arrivée de Viktor Orban au poste de 1er ministre en 2010, la Hongrie se trouve sous le feu des critiques de la communauté internationale. Comme Israël, la Hongrie (bien qu'à un degré différent), sans cesse sur la défensive, doit s'expliquer, justifier ses positions, les contextualiser en rappelant son histoire. Cet aspect constituerait un point commun entre la Hongrie et Israël, selon l'ambassadeur israélien :
"Parfois, j'ai un sentiment de déjà-vu. Quand j'entends parler des relations entre la Hongrie et l'Union européenne, les États-Unis, ou ses pays voisins, je me dis qu'Israël connaît cette situation précaire depuis des années",
a-t-il déclaré, avant de poursuivre :
"Je comprends le sentiment qu'a la Hongrie d'être isolée, rejetée, d'essuyer les critiques permanentes de la communauté internationale alors qu'elle se bat pour sa légitimité".
La mauvaise réputation
Un article du "Jerusalem Post" daté de l'an dernier allait dans ce sens, en remarquant que - contrairement à la Hongrie (et Israël) - les nations "politiquement correctes" qui font consensus sur la scène internationale, ne prennent pas la peine d'inviter d'importantes délégation de journalistes pour leur présenter le pays sous un jour meilleur.
Car la Hongrie, quoi qu'on en dise, se soucie de l'image peu flatteuse qu'elle renvoie au monde ou plutôt, que les journaux du monde renvoient d'elle depuis trois ans.
"J'ai demandé à des étudiants ici [en Hongrie, ndlr] ce que leur évoquait le mot "Israël", raconte son ambassadeur. "Les réponses tournaient autour de la politique au moyen orient, du judaïsme, de la guerre, du terrorisme... Bien sûr, ces aspects font partie de notre réalité. Mais le portrait ne se résume pas au conflit. Je dois leur parler d'autres aspects de mon pays". Le parallèle peut être fait avec la Hongrie, qui peine à faire accepter au monde que l'actualité hongroise ne se résume pas au parti d'extrême-droite Jobbik, à ses milices désarmées de la Magyar Gàrda et à la catastrophe de la boue rouge.
Le Congrès Juif Mondial
En mai, Budapest a accueilli le Congrès Juif Mondial. "C'était un acte de solidarité envers la communauté juive en ces temps difficiles [...] et un message fort envoyé à ceux qui, pour parler en termes très diplomatiques, n'aiment pas les Juifs", estime l'ambassadeur.
Il est cependant difficile, même en restant très diplomate, de faire comme si le congrès n'avait as été troublé par les manifestations anti-juives organisées simultanément dans la capitale. Les médias ont même été jusqu'à pointer du doigt la complaisance coupable donc aurait fait preuve le gouvernement hongrois.
Justement. Le fait est que le gouvernement hongrois, par le biais de son 1er ministre Viktor Orbàn, avait expressément interdit ces manifestations. C'est le tribunal de Budapest qui a fini par les autoriser, sous la pression de certaines ONG (notamment le Comité Helsinki) faisant primer la "liberté d'expression".
Ilan Mor, ambassadeur d'Israël en Hongrie :
"Il [Orbàn] a essayé d'employer la voie légale pour empêcher ces manifestations anti-juives, et il est de notoriété publique que c'est la Cour Suprême qui a annulé sa décision et autorisé ces gens à descendre dans la rue".
Ignorant ce dernier point, les médias ont parlé d'absence de condamnation du Jobbik de la part du gouvernement. "Je pense que l'interview que M. Orbàn a accordé au premier journal israélien, Yedioth Ahronoth, est très importante. [...] Le message dans cette interview est clair. M. Orbàn ne coopérerait en aucune façon avec le Jobbik, que ce soit à l'intérieur ou à l'extérieur du gouvernement. C'est une déclaration politique très forte.", estime M. Mor.
L'ambassadeur précise cependant que, suite à ces déclarations du 1er ministre hongrois, des actes concrets sont toujours attendus. Une étude sociologique menée par Andràs Kovàcs sur les vingt dernières années note une recrudescence de la rhétorique antisémite dans le discours public. On peut parler d'un "effet Jobbik", qui a contribué à en légitimer l'usage, en l'invitant jusque dans le parlement. L'enquête, si elle montre bien la montée des préjugés antisémites dans l'opinion sur cette période, ne doit pas faire oublier que la Hongrie n'est pas la seule concernée. Comme Ilan Mor le constate, il n'existe qu'un pays au monde épargné par l'antisémitisme, la Chine.
Source Hu-lala