Un récent rapport publié par le quotidien Haaretz établit à 8 000 dounams (800 hectares) l’extension des implantations juives en Cisjordanie en 2012, soit le double de la superficie de Central Park à New York. Cet élargissement de la juridiction territoriale des colonies a été approuvé par le commandement de la région militaire centre. Pour cela, une première procédure est utilisée : la légalisation de certains « avant-postes », terme utilisé par les Israéliens pour qualifier ces colonies sauvages qui n’ont pas reçu l’approbation du gouvernement. Il peut s’agir d’un nouveau quartier édifié au-delà des limites de l’implantation concernée ou de la mise en place sur une colline de quelques préfabriqués par un groupe venu d’une colonie voisine.
Très peu ont été évacués, et quand ce fut le cas, comme pour Migron en septembre 2012, on a découvert quelques mois plus tard qu’une implantation proche, Kokhav Ya’acov, avait reçu 66 dounams (6,6 ha) de terres supplémentaires sur lesquels a été construit Givat Hayekev, où sont relogés les colons de Migron. Autre exemple : le terrain donné à Beït-El, près de Ramallah, pour construire 300 unités de logement en compensation de la destruction – sur ordre de la Haute Cour de justice – du quartier de Givat-Ulpana, bâti sur des terres privées palestiniennes.
Outre l’autorisation a posteriori des avant-postes, les autres procédures employées sont l’achat de terrains aux Palestiniens, l’expropriation ou bien le squat par des colons juifs de certaines parcelles. C’est ainsi que la colonie d’Ofra a obtenu l’an dernier 32 hectares supplémentaires. Il faut aussi noter que les routes permettant d’y accéder passent par une propriété palestinienne, ce que ne mentionne aucun document de l’administration militaire. Ce genre d’extension de l’implantation juive est réalisé un peu partout en Cisjordanie, comme le souligne Dror Etkes, un spécialiste de la colonisation, qui recense minutieusement tous les développements sur le terrain : « Alors que les responsables politiques comme le Premier ministre Benyamin Netanyahou déclarent leur engagement envers la solution à deux États, ils la réduisent en poussière sur le terrain, discrètement et avec constance. »
Et le chef du gouvernement israélien n’est pas le seul à défendre cette politique. Moshé Ya’alon, son ministre de la Défense, est convaincu qu’Israël ne doit pas renoncer à la zone C, les 60 % de la Cisjordanie entièrement sous contrôle israélien et qui, selon la communauté internationale, doivent faire partie de l’État palestinien. Pour atteindre son objectif, Ya’alon retarde, freine ou refuse tous les projets présentés par l’Autorité palestinienne. Par exemple, la construction d’un axe permettant de relier plus vite la nouvelle ville palestinienne de Rawabi à Naplouse ou celle d’une route qui permettrait l’accès à un nouveau quartier édifié par des investisseurs palestiniens à l’entrée de la ville de Jéricho.
John Kerry réussira-t-il à arrêter cette annexion rampante de la Cisjordanie ? « Non », répondent la plupart des experts du conflit, et c’est pourquoi John Kerry déclare que le temps est compté : si les Palestiniens refusent de négocier sans conditions préalables et si les Israéliens refusent de tout accorder sans rien recevoir, l’annexion rampante va changer les données du problème. Et la solution à deux États ira aux oubliettes de l’ Histoire. Le temps presse.
Source Le Point