C’est un échange dont on devine aisément toute l’intensité. Il est sobre et chaque mot prononcé est capital. Depuis des années qu’il reconstitue la vie d’Otto von Wächter, gouverneur pendant l’occupation nazie de Cracovie, en Pologne, puis du district de Galicie, aujourd’hui en Ukraine, Philippe Sands, juriste international, spécialisé dans la défense des droits de l’Homme, rencontre une nouvelle fois Horst, l’un de ses enfants. Désormais, ils se connaissent plutôt bien, et semblent même s’apprécier.
Des photos si accablantes
Philippe Sands a beau, au long de son enquête, avoir accumulé les preuves de la culpabilité évidente d’Otto von Wächter dans l’extermination des Juifs et les actes de barbarie commis dans les territoires dont il avait la responsabilité, son fils n’a jamais voulu reconnaître l’évidence.
Pour autant, ce n’est pas un dialogue entre un procureur et un accusé par ricochet familial.
C’est une discussion entre un historien d’une méticulosité extrême qui a remué des milliers de documents, et un fils qui veut défendre la mémoire de son père, à ses yeux simple rouage parmi beaucoup d’autres de l’effroyable machine à tuer des nazis.
Mais voilà, cette fois, Philippe Sands est venu avec des photos. Ce sont celles de l’exécution, à la fin de l’année 1939, de cinquante Polonais. Et sur l’une d’elles, Otto von Wächter est bien là, sans l’ombre d’une émotion, le visage résolu, l’image même de l’autorité, décrit l’auteur.
Et Horst ? Il reste d’abord silencieux, cherchant ses mots qui semblent tellement dérisoires et vides de sens : « Je ne pense pas qu’il ait été heureux de cela. De toute façon, il ne reconnaîtra jamais la culpabilité de son père, nazi du premier rang et de la première heure.
Tout au long du livre, Philippe Sands, l’auteur du Retour à Lemberg, s’efface ainsi derrière son récit et ses protagonistes.
Il laisse parler les faits, avec toute leur force, comme lorsqu’il raconte la fuite d’Otto von Wächter en Italie après la guerre et décrit les réseaux souterrains qui se mettent en place pour exfiltrer d’Europe des nazis en fuite.
La filière, Albin Michel, 492 pages, 22,90 €. E-book, 15,99 €.
Source Ouest France
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