mercredi 16 décembre 2020

Liban: Kinda el-Khatib condamnée pour « collaboration avec Israël »


La militante libanaise Kinda el-Khatib a été condamnée lundi par le tribunal militaire à trois ans de prison avec travaux forcés. En détention depuis juin 2020, elle était poursuivie par l’armée libanaise pour « collaboration avec Israël et intrusion en territoire ennemi »......Details......

Active depuis le soulèvement de la rue du 17 octobre 2019, elle est connue pour ses messages critiques sur les réseaux sociaux contre la classe politique, particulièrement contre le Hezbollah et le président Michel Aoun. 
Kinda el-Khatib est en outre accusée d’avoir profité de ses relations présumées avec un journaliste israélien pour faciliter le passage de Charbel Hajj, expert économique, dans une émission télévisée israélienne. Charbel Hajj a été condamné par contumace, dans la même affaire, à 10 ans de travaux forcés et de privation de droit civils.
Kinda el-Khatib a plaidé non coupable, expliquant qu’un journaliste travaillant pour la chaîne israélienne 11, Roy Qaysi, l’avait contactée via Twitter. 
La militante affirme qu’elle ignorait son identité et qu’elle en avait informé les forces de sécurité lorsqu’elle a appris qu’il était israélien. 
Elle a également démenti être entrée en Israël, avoir rencontré des Israéliens ou avoir fourni des informations sécuritaires à ces derniers. 
À l’issue de l’interrogatoire, le commissaire adjoint du gouvernement près le tribunal militaire, le juge Claude Ghanem, a toutefois demandé à ce que Kinda el-Khatib soit reconnue coupable.
« Nous allons faire appel auprès du tribunal de Cassation militaire », affirme à L’OLJ son avocate Jocelyne Rahi, qui préfère ne pas s’étendre sur le sujet car l’affaire est toujours en cours. 
« Le chemin est long, nous allons continuer à nous battre », ajoute Yasmine, la sœur de Kinda el-Khatib. 
Plusieurs manifestations ont déjà eu lieu devant le tribunal militaire à Beyrouth pour demander sa libération. « Elle est très fatiguée émotionnellement et physiquement », dit Yasmine. 
« Peu lui importe la sentence de trois ans, être considérée comme un agent israélien est une honte pour elle », poursuit-elle, avant d’ajouter : « Ma sœur est une victime politique. » 
Ces condamnations ont relancé les craintes que le tribunal militaire soit utilisé comme une arme politique visant à faire taire les voix contestataires en les accusant d’intelligence avec l’ennemi. Le metteur en scène et acteur libanais Ziad Itani avait été accusé d’espionnage au profit d’Israël en 2018, avant d’être innocenté.
L’ONG Human Rights Watch a d’ailleurs mis en garde contre l’instrumentalisation du tribunal militaire à des fins politiques contre des civils. 
« Le tribunal militaire ne devrait pas avoir la juridiction de juger des civils, d’autant que les procédures officielles des normes internationales ne sont pas respectées », explique Aya Majzoub, chercheuse sur le Liban auprès de la division Moyen-Orient et Afrique du Nord à HRW. 
« Les personnes qui ont été jugées par le tribunal ont décrit des situations de détentions secrètes, d’interrogatoires sans avocat, de mauvais traitements et de torture, d’aveux extorqués sous la torture, des sentences délivrées sans explication, apparemment arbitraires, et une possibilité limitée de faire appel. » L’ONG Amnesty International avait pour sa part demandé que les autorités judiciaires libanaises « défèrent immédiatement » cette affaire devant la justice civile.

Source L'Orient le jour
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