mardi 8 décembre 2020

Le combat d'une Française pour faire libérer son mari en Égypte


Le militant politique Ramy Shaath, ancien conseiller de Arafat et militant pro-BDS en Egypte, est emprisonné depuis juillet 2019. Emmanuel Macron a évoqué son cas lors de la visite ce lundi à Paris du président al-Sissi........Détails.......

Cela fait plus d'un an et demi que Céline Lebrun-Shaath n'a pas vu son mari. Plus de trois mois qu'elle n'a pas pu lui parler au téléphone. 
« Je n'ai que des nouvelles indirectes par le biais de sa sœur et de sa fille et il semblerait qu'il aille bien », confie-t-elle au Point, de sa voix fluette. 
Figure de la révolution du 25 janvier 2011, son époux, Ramy Shaath, est emprisonné depuis dix-sept mois dans le centre de détention de Tora, situé au Caire. 
Le militant politique de 49 ans y est incarcéré dans des conditions spartiates : une cellule de 25 mètres carrés pour 17 détenus, et aucun soin médical alors qu'il a des problèmes de cholestérol et souffre d'un ulcère.
Leur dernière rencontre remonte au 5 juillet 2019, date à laquelle une douzaine d'agents cagoulés ont fait irruption en pleine nuit au domicile du couple. 
« Ils étaient lourdement armés et ont fouillé notre appartement de fond en comble alors qu'ils ne disposaient d'aucun mandat d'arrêt », se souvient-elle. Vêtu d'un simple pyjama, son mari ne cesse alors de les interroger sur leurs motivations, en vain. 
Devant le silence des forces de sécurité, Céline Lebrun-Shaath demande à bénéficier de la protection consulaire qui lui est due en tant que citoyenne française. 
L'un des agents s'approche d'elle et lui chuchote, sur un ton menaçant : « Tu pars à l'aéroport ! Tu as dix minutes pour faire ta valise. » Sur les conseils de son mari, la jeune trentenaire s'exécute. 
« Huit ans d'une vie en dix minutes ! » se désole-t-elle, encore inconsolable. En bas de son immeuble, un fourgon attend la Française. Un autre est réservé à son mari. 
« C'est là que j'ai compris qu'ils étaient venus pour l'arrêter. » Céline Lebrun-Shaath a été expulsée le lendemain matin du territoire égyptien. « C'est une affaire plus grosse que votre simple cas. Ce sont des politiques d'État », lui a-t-on simplement glissé en guise d'adieu.
Poursuivi pour « appartenance à un groupe terroriste », « diffusion de fausses informations et atteinte à la sécurité du pays », Ramy Shaath est depuis détenu « préventivement » dans l'attente des résultats de l'enquête. 
Son emprisonnement est renouvelé tous les 45 jours lors d'audiences expéditives où l'accusé apparaît parfois dans une cage en verre aux côtés d'autres prévenus. « Le problème est que l'enquête n'a pas cours », souligne son épouse. 
« Mon mari n'a subi qu'un seul interrogatoire le 6 juillet 2019 dans le bureau de la sûreté de l'État. 
On lui a demandé pour qui il avait voté lors des élections présidentielles et s'il avait manifesté en 2011 et 2013 contre le pouvoir, soit tout ce qu'il y a de plus légitime pour un citoyen égyptien. »
Ramy Shaath n'est pourtant pas un citoyen comme les autres. Fils de l'ancien Premier ministre palestinien Nabil Shaath et de la militante égyptienne Safaa Zeitoun, ce ressortissant binational égypto-palestinien est un militant politique reconnu en Égypte. 
Acteur du Printemps égyptien, cet activiste de gauche a œuvré à la création de mouvements libéraux et progressistes au lendemain de la chute du président égyptien Hosni Moubarak. 
Il a notamment cofondé en 2012 le Parti de la Constitution, aux côtés de Mohamed el-Baradei, ancien directeur de l'Agence internationale de l'énergie atomique, Prix Nobel de la paix 2005.
60 000 prisonniers politiques
L'histoire récente de l'Égypte bascule en juin 2013. Des manifestations d'ampleur à travers le pays appellent à la chute du président Mohamed Morsi, membre de la confrérie des Frères musulmans, accusé de vouloir islamiser le pays. 
Craignant une intervention de l'armée égyptienne, Ramy Shaath refuse d'y participer. 
Or, le 3 juillet 2013, les militaires, dirigés par le général Abdel Fattah al-Sissi, renversent le premier chef d'État égyptien démocratiquement élu. À la tête du pouvoir transitoire, Abdel Fattah al-Sissi, désormais maréchal, est plébiscité à la présidence du pays en 2014, et réélu en 2018. 
Mais, aux commandes de l'État, l'ancien ministre de la Défense de Mohamed Morsi, décédé en prison en juin 2019, s'illustre par une répression implacable. D'après les ONG, l'Égypte compterait au total près de 60 000 prisonniers politiques.
« Mon mari n'a strictement aucun lien avec les Frères musulmans, comme la plupart des prisonniers égyptiens accusés de soutenir le terrorisme », insiste aujourd'hui Céline Lebrun-Shaath. 
« Toutes les personnes qui ont pu jouer un rôle, de près ou de loin, dans les manifestations de 2011 ont été arrêtées. Nous sommes face à un gouvernement qui craint de laisser s'exprimer de manière démocratique et pacifique la moindre opposition, ce qui est une marque de faiblesse et témoigne d'un manque de soutien populaire. » 
Son mari semble toutefois également payer son rôle dans l'essor en Égypte du mouvement controversé BDS (Boycott-Désinvestissement-Sanctions), qui appelle à exercer un boycott économique sur Israël dans le but de mettre fin à l'occupation des territoires palestiniens. 
Dix jours avant son arrestation, le militant égypto-palestinien, ancien conseiller de Yasser Arafat, avait ainsi vivement critiqué la présence de responsables égyptiens à une conférence à Bahreïn de normalisation économique avec l'État hébreu organisée dans le sillage du « plan de paix » de Donald Trump sur le Proche-Orient. 
« La date de l'arrestation de mon mari nous laisse à penser qu'il y a un lien avec ses propos sur la conférence et que les autorités égyptiennes ne les ont pas appréciés », glisse son épouse.
Désormais condamnée à se battre pour la libération de son mari depuis la France, où elle enseigne les sciences politiques, Céline Lebrun-Shaath tente depuis un an et demi de sensibiliser les autorités françaises sur le sort de son époux. 
« La diplomatie française reste dans le registre des mots et n'agit que trop peu alors qu'elle dispose pourtant des moyens de faire entendre raison à l'Égypte, notamment en conditionnant les accords commerciaux au respect des droits de l'homme », estime la jeune femme. C'est dire si elle appréhendait la visite à Paris d'Abdel Fattah al-Sissi.
Lors d'une conférence de presse commune organisée ce lundi, Emmanuel Macron a bel et bien prononcé le nom de son mari devant son homologue égyptien. « Nous avons échangé des listes de noms [de prisonniers], dont celui de Ramy Shaath. 
Ce sont des cas que l'on suit de manière vigilante », a déclaré le président français, tout en refusant de lier les contrats économiques avec l'Égypte à la situation politique dans le pays. 
« C'est un soulagement d'avoir pu entendre Emmanuel Macron dire qu'il avait porté le cas de mon époux au président Al-Sissi », réagit Céline Lebrun-Shaath, avant, cependant, de nuancer: « Malheureusement, j'ai peur que les mots ne suffisent pas. »

Source Le Point
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