Nouveau coup dur pour le mythe du « lobby juif » : malgré un soutien sans faille de Donald Trump à Benyamin Netanyahou, les Juifs américains s’apprêtent à voter en masse pour Joe Biden.........Analyse.........
Il y a les figures imposées, et il y a les surprises.
Figure imposée : « Si nous devons vivre quatre autres années de Trump, Dieu nous garde et garde le monde entier », a soupiré lundi 12 octobre le Premier ministre palestinien, Mohammed Shtayyeh.
Figure imposée : 63,3 % des Israéliens estiment que Donald Trump sera un meilleur président pour Israël s’il est réélu, contre seulement 18,8 % qui voient en Joe Biden un meilleur président pour les intérêts de leur pays, selon un sondage de la chaîne i24news.
La surprise ? C’en est une, sans doute, pour Donald Trump, qui a des préjugés… intéressants à propos des Juifs.
A en croire le « Washington Post », Il estime en privé qu’ils « ne pensent qu’à leurs intérêts » et « se tiennent les coudes » dans une allégeance ethnique qui transcende d’autres loyautés.
Or, selon un sondage Pew tout juste publié, 70 % des Juifs américains prévoient de voter pour Joe Biden et seulement 27 % pour Trump.
Les ingrats ! Après tout ce qu’il a donné au régime israélien – l’ambassade à Jérusalem, un retrait de l’accord iranien, un « plan de paix » de Jared Kushner à faire défaillir de bonheur Netanyahou, et une reconnaissance diplomatique de deux pays arabes ! Franchement, c’est à désespérer.
Et c’est vrai que c’est assez humiliant. Si les chiffres de Pew sont confirmés par l’élection, ils seront quasiment identiques à 2016, quand Hillary Clinton avait récolté 71 % du vote juif contre 25 % pour Trump.
En 2012, Mitt Romney avait même fait mieux que Trump, avec 30 % de ce vote. Raté, donc, pour tous les complotistes qui agitent sans cesse le spectre d’un « lobby juif » américain uni.
Le Juif américain typique, en réalité, n’est pas un fan de Bibi Netanyahou : selon un autre sondage Pew, 42 % estimaient l’an dernier que la politique de Trump favorisait trop les Israéliens (mais 47 %, tout de même, estimaient qu’elle était équilibrée).
L’exception orthodoxe
Une exception : les Juifs orthodoxes, qui représentent une petite minorité des Juifs américains (environ 10 %) : eux votent républicain, et ils ont un faible prononcé pour Trump.
Mais pas de chance, l’amour des ultra-orthodoxes pour le président les a amenés à délaisser les masques et ne pas respecter la distanciation sociale pendant la pandémie. Du coup, ils font aujourd’hui l’objet de critiques très sévères, y compris de la part d’autres Juifs.
S’il est confirmé, ce ratage de l’opération séduction ne sera pas seulement l’échec de Donald Trump.
La Republican Jewish Coalition a budgété 10 millions de dollars pour soutenir Trump, et l’initiative « Jewish Voices for Trump », lancée par la campagne en septembre, a pour co-présidents des hommes et femmes d’affaires juifs, en particulier le magnat des casinos Sheldon Adelson et son épouse Miriam. Certains, parmi eux, doivent serrer les dents à l’idée de redevoir travailler avec un président américain démocrate.
Joe Biden ne fera peut-être pas des mamours à Bibi. Mais il a de bonnes relations avec la communauté juive américaine et a déjà annoncé qu’il ne reviendrait pas sur le transfert de l’ambassade américaine à Jérusalem. Mohammed Shtayyeh, le Premier ministre palestinien, espère en tout cas que sa victoire ravivera les chances d’un accord de paix.
« Si les choses changent aux Etats-Unis », dit-il, « je crois que cela se reflétera directement dans la relation palestino-israélienne et dans la relation palestino-américaine ».
Il est vrai que l’on part de tellement bas…
Philippe Boulet-Gercourt (correspondant à New York)
Source L'Obs
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