Il n’y avait pas eu de rétrospective dédiée à l’artiste juif-roumain Victor Brauner, membre du groupe surréaliste jusqu’à la fin de la Seconde Guerre mondiale, depuis 1972.
Alors qu’un leg de sa femme en 1968 a permis de constituer au MAM et au Centre Pompidou une collection conséquente, celle-ci est complétée par des œuvres de grands musées et de collections particulières pour dresser en un parcours chronologique un portrait très complet de l’art de Victor Brauner.
On entre dans l’exposition par un tableau de 1947, Cérémonie secrète, année où Brauner participe à l’Exposition surréaliste et rompt avec Breton et son groupe qu’il avait rejoints en 1933, tout de suite après.
Ainsi le surréalisme est la grande aventure et inspiration de Brauner, mais son oeuvre ne s’y limite pas.
L’on découvre les années roumaines et les dessins, déjà très pataphysiques. Puis, les grandes années surréalistes sont mises en valeur par la scénographie impeccable et majestueuse de l’exposition.
Au cœur du mythe : plusieurs tableaux où le peintre se représente l’œil crevé, dont l’autoportrait de 1931, tout à fait prémonitoire puisque c’est seulement en 1938 qu’une bagarre entre Óscar Domínguez et Esteban Francés occasionne un verre brisé qui lui coûte son œil.
L’autre aspect prémonitoire ou du moins très contemporaine et menaçante, est la série des « Monsieur K », sorte de Ubu revu à la sauce des fascismes de l’Entre-deux-guerres.
Dans un décor surréaliste déjà l’on retrouve des figures de dictateurs, dès 1932 par exemple dans La Porte (qui nous vient de Los Angeles). Après des allers et retours entre son pays et Paris, il se réfugie définitivement dans la capitale française en 1938, puis à Marseille et réchappé miraculeusement de l’occupation.
Les années de guerre sont très créatives, avec des portraits de grands poètes et des mélanges de références à l’alchimie, la tradition du moyen-âge … Si bien qu’en 1943 « L’homme idéal » est un gisant comme dans les églises.
Avec une économie de couleur tout à fait de saison (les couleurs ocres et grises font déjà penser à Dubuffet), Brauner développe la technique du frottage à la cire qui confère presque un statut de « sculptures » à ses toiles. Une immense salle permet de voir, parmi les esquisses la sculpture blanche et érotique de son Conglomeros, parfaitement contextualisé.
Et derrière, un peu comme on tourne une page de livre, l’inspiration du 2 bd rue Perrel, tableau hommage au Douanier-Rousseau dans l’atelier duquel il s’installe.
Dans l’Après-guerre, l’artiste continue à développer ses images personnelles, avec ses « Rétractés » et l’on est marqué par les engins incroyables de sa série finale des « Mythologies » dernière série finalement assez proche de ce que Barthe décrivait dans son essai de 1957.
On termine la visite par une série d’interview où l’artiste s’exprime, clair, passionnant et l’on se dit qu’on redécouvre un tout grand artiste du 20 siècle, dont les obsessions entrent parfaitement en résonance avec les nôtres.
Vous nous aimez, prouvez-le....