mercredi 9 septembre 2020

L’incroyable livre qui redonne vie aux 9.000 déportés de Dora


Analyse Après 20 ans de travail collectif, vient d’être édité un livre qui retrace l’itinéraire des 9 000 résistants déportés à Dora, au centre de l’Allemagne, l’un des pires camps du nazisme. Un travail d’édition inédit par son ampleur, qui a reposé sur la mobilisation d’une soixantaine de biographes bénévoles........Détails........


Abada Roger, résistant communiste ; Zyman Benjamin, membre de l’Organisation juive de combat : ces deux noms ouvrent et clôturent une longue liste de 8 971 Français ou étrangers arrêtés en France et déportés entre 1943 et 1945 dans l’un des plus terribles camps de concentration nazi.
Dora, un gigantesque complexe souterrain où furent fabriquées les fusées V2 qui devaient permettre à l’Allemagne d’anéantir Londres et vaincre les alliés. Près de 9 000 déportés, pour la plupart arrêtés pour faits de résistance ou motifs politiques et dont seulement 40 % échappèrent à la mort tant les conditions de détention et de travail étaient effroyables.
Au terme de deux décennies de recherche, c’est un véritable « mémorial de papier », comme le dit l’historien Laurent Thierry - un livre de 4 kg, 2 500 pages, publié aux éditions du Cherche Midi - qui leur rend hommage cette semaine. Bien plus qu’un simple registre, cette somme est une véritable aventure humaine.
Chaque notice biographique retrace une vie, une histoire, renseigne sur l’engagement du déporté et les relations qu’il a pu nouer durant la captivité. « Nous ne voulions pas de fiches froides et individuelles, nous les voulions incarnées et que tout cela raconte quelque chose d’une histoire collective », explique cet historien de 45 ans qui a piloté le projet.

Un réseau de bénévoles

Aventure mémorielle doublement humaine, car l’entreprise n’aurait jamais abouti sans la mobilisation de bénévoles, souvent des professeurs à la retraite, qui ont tissé un réseau de correspondants à travers toute la France pour rédiger les fiches. 
Certains ont fourni un travail de bénédictin, à l’instar Lionel Roux (1 000 fiches) ou Bernard Doncker (1 500) qui a œuvré tous les jours, durant quatre ans.
Plus modestement, Sylvie Malsan a rédigé une trentaine de notices. 
« Mon père a pu rentrer de Dora, mais il est mort en 1972, quand j’avais 13 ans, témoigne-t-elle. Je connaissais mon père, mais pas l’homme qu’il avait été. Quand, en 2015, Laurent Thierry m’a proposé de rédiger sa fiche, j’ai tout de suite dit oui. »
La Parisienne retisse le fil d’une histoire singulière et très vite s’intéresse à celles de ces hommes membres du même réseau de résistance, puis des compagnons de captivité qu’elle pense pouvoir identifier à partir d’éléments retrouvés dans la correspondance de son père. 
« L’enjeu de ce dictionnaire est de rendre compte des événements tragiques du passé, mais aussi de toucher une part de vérité de ceux qui ont voulu laisser quelque chose de plus précieux qu’eux-mêmes. »

Un projet qui remonte à 1998

Ce projet exceptionnel remonte à 1998, un an après la création du centre d’histoire La Coupole, près de Saint-Omer (Nord-Pas-de-Calais), dans le bunker d’où les armées allemandes projetaient de tirer sur Londres les fameuses fusées V2.
Le directeur scientifique du centre, Yves le Maner et l’historien André Sellier, lui-même ancien de Dora, promettent à une amicale de descendants de déportés de réaliser un dictionnaire biographique. 
Les 9 000 de Dora représentent environ 10 % de l’ensemble des déportés de France arrêtés par mesure de répression mais la connaissance de cette réalité est alors encore lacunaire.
Le projet avance avec difficulté puis est relancé en 2013 par l’arrivée de Laurent Thiery et l’ouverture de certaines archives militaires. 
L’historien recrute des bénévoles, leur adresse une base de données (dates d’arrestation, numéro de matricule…) et les correspondants mènent à partir de là l’enquête, auprès des familles, de centres d’archives locales, de la gendarmerie. Un comité de douze relecteurs retravaille l’ensemble.

25 % des déportés arrêtés pour fait de résistance

Cette somme apporte un éclairage inédit à cette page de l’histoire. Les 8 971 déportés de Dora, (dont 682 étrangers) âgés de 14 à 64 ans, représentaient tous les milieux sociaux. 
Plus de 25 % ont été arrêtés pour faits de résistance, 11 % pour avoir tenté d’échapper au STO, 7 % pour leur activité communiste ou encore 3 % pour motif de droit commun. 
On trouve des militants, des religieux, à l’instar du frère Alfred Untereiner, Joseph Birnin de son nom de résistant.
Les survivants sont désormais très peu nombreux et Laurent Thiery leur remettra personnellement un exemplaire du livre comme il l’a fait pour André Faveuw, 96 ans. 
Car l’aventure humaine n’est pas terminée. Le centre La Coupole a établi le lien avec 900 descendants et la sortie de l’ouvrage devrait pousser nombre de familles à se manifester. « Ce projet auquel peu de gens croyaient rencontre une vraie attente », se félicite Laurent Thiery.

9 000 exemplaires du livre réservés aux descendants

L’incroyable livre qui redonne vie aux 9 000 déportés de Dora
Le Livre des 9 000 déportés de France à Mittelbau-Dora, sous la direction de Laurent Thiery, Préface d’Aurélie Filippetti, ancien ministre de la culture. 
En librairie le 10 septembre. 
Cherche Midi. 2 500 pages, 3 000 photos. 45 €

L’éditeur Cherche Midi va tirer 9 000 exemplaires en plus des 4 500 prévus, pour chaque famille de déporté qui se manifeste.

Cérémonies de présentation et de remise de l’ouvrage : les 12 et 13 septembre au Centre d’histoire La Coupole, le 24 au Conseil économique social et environnemental à Paris, le 26 au Mémorial de Compiègne, le 6 octobre à la Cité de l’espace de Toulouse…

Les noms des 9 000 de Dora sont recensés et identifiables par un moteur de recherche sur le site de la fondation pour la mémoire de la déportation : fondationmemoiredeportation.com

Source La Croix
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