Attirées par l’esprit communautaire et un immobilier plus abordable, de jeunes familles israéliennes s’installent dans des kibboutz frontaliers avec la bande de Gaza. En première ligne des tirs de roquettes palestiniennes, elles tentent de sensibiliser les enfants au risque........Détails........
« Quand l’alarme sonne, vous avez moins de quinze secondes pour rejoindre un abri. » Désignant d’un grand geste l’imposante barrière de barbelés qui délimite le kibboutz de Kfar Aza, Batia Holin, l’une des plus anciennes résidentes et porte-parole de ce petit village israélien situé à l’ourlet de la bande de Gaza, retient son souffle à l’ombre d’un bunker de béton.
Au sol, de larges cratères brûlés gangrènent la pelouse d’un terrain avoisinant. « Ce sont des marques des ballons incendiaires tirés depuis la bande de Gaza », explique l’énergique sexagénaire, qui fait le décompte, depuis des années, des tirs gazaouis.
En ce début juillet, l’atmosphère est calme dans le « kibboutz », relativement désert aux heures les plus chaudes de la journée. Selon le dernier recensement du bureau des statistiques israélien, un peu plus de 700 personnes y vivaient en 2017.
Ils seraient aujourd’hui près de 800, aux dires de l’habitante qui se réjouit de l’arrivée imminente de onze nouvelles familles : « Originaires d’ici ou attirées par notre esprit communautaire, elles nous rejoignent, après avoir passé souvent quelques années dans les grandes villes… C’est un véritable signe d’espoir pour nous de les voir arriver avec des enfants en bas âge. »
« En entendant l’alerte… »
Après avoir longtemps incarné l’utopie collectiviste rurale, la plupart des kibboutz – qui ont constitué, au début du XXe siècle, l’ossature du jeune État juif – ont aujourd’hui pris le chemin de la privatisation et de l’industrie.
À Kfar Aza, les tags colorés sur les abris de béton témoignent encore des valeurs socialisantes et familiales de la communauté située à 800 mètres seulement de la bande de Gaza.
Mais si cet exode apparaît aujourd’hui pour beaucoup de familles comme une alternative à la crise, il n’est pas sans risque, notamment pour leurs jeunes enfants.
« Comment expliquer à un petit de moins de deux ans la réaction à avoir lorsqu’il entend l’alarme ? Comment, ensuite, imaginer qu’il puisse rejoindre tout seul un abri dans ce délai ? », insiste Batia Holin, déambulant aux abords d’une piscine et d’une aire de jeux vides.
« Beaucoup n’osent plus trop désormais se baigner, de peur de ne pas pouvoir sortir de l’eau à temps… »
Le souvenir de la mort d’un enfant de quatre ans, tué par un tir de mortier en août 2014 alors qu’il tentait de rejoindre un abri dans le kibboutz limitrophe de Nahal Oz, à quelques kilomètres de là, hante encore les esprits.
Des enfants « cassés de l’intérieur »
À Kfar Aza, le Centre de traumatologie et de résilience d’Israël (Natal) effectue un travail de soutien psychologique et de prévention des traumatismes auprès des habitants du sud d’Israël.
Un accompagnement laborieux auprès des jeunes enfants. « Certains sont cassés de l’intérieur, sans que cela ne transparaisse de l’extérieur, explique Orly Gal, directrice exécutive de Natal. Il faut être attentif à chaque signal : peur de sortir d’un abri, renfermement sur soi-même… »
En attendant, renchérit Batia Holin, « chaque maison du kibboutz est équipée d’une pièce capitonnée, en général les chambres des enfants, afin que ces derniers soient protégés, à tout prix, en cas d’attaques nocturnes ».
Depuis le début, fin mars 2018, des mouvements de protestation palestiniens pour la commémoration de la « marche du retour », 2 200 tirs gazaouis ont ciblé Israël.
Dont 700 roquettes envoyées, en seulement 48 heures, entre le 3 et le 5 mai dernier.
Particulièrement meurtrière, cette flambée de violence avait provoqué la mort de quatre Israéliens.
Et ouvert la voie à une lourde riposte aérienne de l’État hébreu, tuant 19 Palestiniens, dont un bébé, dans la bande de Gaza.
Natal œuvre-t-il également dans l’enclave palestinienne, surpeuplée et sous-équipée ? « Si elle en avait la possibilité, notre organisation apolitique pourrait également être active du côté de Gaza », affirme Orly Gal.
« Nous espérons qu’après les prochaines élections [législatives, en septembre NDLR], le gouvernement prendra des mesures pour apaiser les tensions », conclut Batia Holin.
Des communautés qui font toujours florès
1910. Désireuse de promouvoir la vision socialiste sioniste en Palestine par le travail de la terre, une douzaine d’hommes originaires de Russie fonde en Israël le premier kibboutz, Deganya. Des dizaines d’autres suivront dans les décennies suivantes.
Dans les années 1970 et 1980. Avec le développement économique, la tendance à la privatisation s’accroît dans les kibboutz. En 1989, le nombre d’habitants de ces villages collectivistes culmine à 129 000 personnes.
Aujourd’hui, il y a 273 kibboutz en Israël, pour la plupart situés dans des zones périphériques, de l’extrême nord du pays jusqu’au sud du désert d’Arava. Plus de 106 000 habitants, dont 20 000 mineurs, y vivent désormais.
Source La Croix
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