Quelle idée géniale, que de mettre en avant la figure de Helena Rubinstein, pionnière de la beauté, femme d’entreprise inspirante, collectionneuse d’art, de robes et de bijoux et nomade entre 7 villes et 3 continents. Jusqu’au 25 août et sous le commissariat de sa biographe, Hélène Fitoussi, le Musée d’Art et d’Histoire du Judaïsme propose une exposition riche, magnifiquement scénographie et qui fait réfléchir sur les modèles qu’on se choisit. A voir absolument.......Détails.........
Née Chaje Rubinstein à Cracovie en 1872, dans une « fratrie » de 8 filles, avec une mère qui les crémait tous les soirs, Helena part à Vienne pour éviter un mariage forcé et travaille chez un oncle fourreur.
Elle va ensuite rejoindre de la famille en Australie en 1896. Elle travaille dans une ferme où le soleil abîme la peau des femmes et leur vante les crèmes viennoises.
Finalement, elle parvient à retrouver la formule de celle de sa mère : lanoline, sésame, cire végétale et huile minérale et la commercialise sous le nom de « Valaze ».
C’est une produit phare qui lui ouvre les portes de toutes les villes du pays et puis bientôt de l’Europe et des Etats-Unis. Un succès encore boosté par un travail de marketing d’avant-garde, En collaboration avec son mari Edward William Titus quelle épouse en 1908 et avec qui elle a deux enfants à la fin de la trentaine.
Alors que l’exposition fonctionne assez joliment autour de chacun ce dès 7 villes que la pionnière a habitées et inspirées. Londres, ou elle arrive en 1907, est le terrain de jeu des salons de beauté, avant et après la guerre.
A Paris où elle se fait faire un appartement boulevard Raspail elle a aussi ses salons dont le premier, 225 faubourg Saint Honore en 1909.
Dans les escaliers l’on découvre que c’est là où elle se met à collectionner les robes: Paul Poirier l’habille et décore son appartement.
Amie de Misia Sert (on voit le portrait de la salonnarde par par Vuillard), elle investit la haute société française et commence à y collectionner de l’art (on peut voir certaines toiles de Kikoïne, Marcoussis, Chagall, Picasso (superbe Confidence) et l’on a accès à un mur de photos d’elle en compagnie d’artistes ou devant sa collection).
Elle demande aussi aux peintres qu’elle mécène de la choisir comme sujet. Elle se fait portraiturer par une vingtaine de peintres dont Dali, Dufy, Laurencin ou Sarah Lipska, qui dessine aussi des flacons pour elle. Picasso, lui, n’a pu ou su que faire des esquisses, en 1945.
Alors que la businesswoman est à New York pendant la guerre, son institut est pillé par les nazis.
Après-guerre, elle continue à collectionner les bijoux, les robes, les toiles, à façonner un empire avec les armes de la pub, du design et de la médecine (elle prétend avoir fait deux ans d’études de médecine à Cracovie et pose souvent en blouse blanche pour vanter comment la science va propulser la beauté au sommet).
Elle a 90 ans, quand elle siège au premier rang du premier défilé de Yves Saint Laurent.
Elle rencontre aussi les grands de ce monde : Eléonore Roosevelt, Ben Gourion et construit une immense fondation en Israël. Elle meurt à 93 ans, laissant un empire derrière elle, racheté en 1988 par L’Oréal.
Avec finalement peu d’œuvres de sa sublime collection, mais plutôt des portraits d’Helena Rubinstein, des photos, des flacons, des pubs, des robes, des bijoux… qui proviennent d’elle et parlent d’elle, l’exposition du MAHJ dresse un portrait qui traverse tous les clichés.
L’organisation géographique donne du cachet à la déambulation, tandis que l’exposition évite tout penchant hagiographique : Alors oui, chez une femme née au 19e siècle dans une famille juive religieuse de Cracovie, la détermination, la créativité et le succès d’Helena Rubinstein sont inspirants, puissants, et riches en terme de féminisme.
En revanche, sa vision de la beauté et son succès, obsédée par la minceur, la jeunesse (femme plutôt petite et ronde elle fait retoucher ses photos) et avec la science comme gage de normalisation de l’aspect physique (Foucault et son bio-pouvoir se retrouvent à plein dans les flyers de la Maison), Helena Rubinstein pose question.
Son empire et son emprise vont bien plus loin qu’une adhésion efficace au capitalisme. Et sa manière d’avoir activement participé à une certaine norme emprisonnante pour les femmes du monde entier – norme qu’elle s’est pleinement appliqué- laissent perplexe.
Jamais superficielle, mais toujours ambivalente, l’énergique et charismatique Helena Rubinstein reprend vie dans cette exposition qui exprime ses paradoxes et sa densité sous une affiche où elle est juste complètement et probablement très artificiellement sublimée…
Par Sarah Kellal et Yaël Hirsch
Source Toute la Culture
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