Dès l’entrée, au plafond, on peut voir une vidéo projetée dans un caisson lumineux.
Des ampoules électriques de toutes les couleurs y sont cassées une par une avec un marteau.
Le visiteur, le cou tordu, est entièrement happé par la vidéo. Dans la grande nef qui s’ouvre ensuite, deux Ponytails (couettes) directement fixées au mur bougent en un mouvement hypnotique comme s’il s’agissait de queues de poneys plutôt que de cheveux rassemblés en une coiffure.
Sur un autre mur, Smoky lips est une petite installation en forme de lèvres. S’en dégage un peu de fumée.
Si on se penche et qu’on y jette un œil, on peut y voir une courte vidéo.
Derrière un rideau de guirlandes en plastic métallisé, une longue vidéo, Cosmic Generator, dévoile une barrière entre les Etats-Unis et le Mexique.
Devant cette longue barrière, une femme pousse une petite échoppe à roulettes surmontée de couvercles en métal, comme celle d’un glacier ambulant. Sous le soleil au zénith, tout semble normal.
On voit une scène qui parait réelle. Puis soudain, tout part en vrille. Sous les couvercles de métal se cache un miroir dans lequel des passants peuvent se mirer.
Dans un restaurant chinois, sous les mêmes cloches de métal se cachent des humains transformés en mets.
L’un s’échappe par un long tunnel et arrive dans un lieu abandonné où une fontaine de pacotille déverse une eau claire, sans fin. Plus loin, des échoppes de décorations de noël collées les unes aux autres. Dans chaque échoppe, un personnage comme englouti dans cet univers de plastique, paillettes, guirlandes lumineuses.
L’un regarde son téléphone, l’autre tapote sur une calculatrice, un autre dort, etc.
D’un passage à l’autre, un monde de plus en plus étouffant et mortifère se dévoile à nous.
C’est un monde fantasque, délirant, joyeux autant qu’effarant et pourtant les références visuelles sont suffisamment précises pour que nous sachions que nous en faisons pleinement partie.
L’angoisse monte au fil du visionnage …
Née en 1976 à Buenos Aires, Mika Rottenberg a grandi à Tel Aviv, où son père, Enrique Rottenberg, était producteur de film.
Elle vit et travaille à New York. Derrière l’humour dévastateur de ses propositions se cache une critique acerbe du monde hyperconnecté, du capitalisme et de l’engloutissement de l’humain dans cette immense usine à produire du brol qu’est devenu le monde. Thèmes ô combien actuels !
L’œuvre vidéo NoNoseKnows présente en plusieurs étages qui apparaissent à tour de rôle sur l’écran une fabrique de perles de nacre.
Du forçage d’immenses coquillages pour y installer un germe pour une perle, au tri de ces dernières, le film est composé de parties tournées avec de vrais ouvriers, d’autres mises en scène avec un décor mobile.
Il y a très souvent des passages d’un étage à l’autre, des trous dans les parois, des tunnels par lesquels s’échappe l’un ou l’autre personnage. Cet espace-temps plastique et malléable est la marque de fabrique de l’artiste.
Voir dans ces échappatoires diverses et variées la fantaisie de l’artiste et une porte de sortie pleine d’humour au monde d’aujourd’hui qu’elle nous présente souffrant d’obésité morbide.
Rien ne sert de se flinguer, puisqu’il y a toujours quelque part une échappatoire, semble-t-elle nous dire avec une grande tendresse et presque un brin de pédagogie.
Une longue ode fantasque, drôle et désespérée à la société d’aujourd’hui, qu’on savoure avec un grand bonheur car ça grince mais on rit beaucoup.
Rottenberg a eu en 2018 deux solo shows au Bass Museum de Miami et dans l’entièreté de la Kunsthaus Bregenz en Autriche.
Elle a été choisie comme artiste pour inaugurer le nouveau Goldsmiths Centre for Contemporary Art de Londres.
Elle a aussi exposé en 2016 au Palais de Tokyo, Paris, en 2014 à l’Israel Museum, au Magasin 3 à Stockholm à 2013 ainsi qu’à la Whitney Biennial en 2008 et la Biennale de Taipei en 2014.
Mika Rottenberg
MAMbo – Museo d’Arte Moderna di Bologna
Bologne
Jusqu’au 19 mai
www.mambo-bologna.org
Vous nous aimez, prouvez-le....