mercredi 7 février 2018

Le but qui a défié les Nazis et tué une légende....


Vienne, le 3 avril 1938. Cela fait 69 minutes que Matthias Sindelar respecte à la lettre les consignes qui lui ont été données avant de pénétrer sur la pelouse du Praterstadion. L’international autrichien et sa Wunderteam affrontent l’Allemagne, qui a annexé le pays trois semaines plus tôt. A quelques jours du printemps, cette rencontre amicale est censée célébrer le retour officiel de l'Autriche dans le Reich......Détails......


L’Anschlussspiel, le match de l'Anschluss. Mais pas question évidemment de battre l’Allemagne. Du coup, il a été conseillé à Sindelar de ne pas marquer. Et l’attaquant de l’Austria Vienne s’applique à rater chaque occasion, même les plus faciles.
La rumeur enfla rapidement. Elle devint un mythe puis une légende : le plus grand joueur de l'Autriche a-t-il été tué pour avoir célébré un but ?
Du moins jusqu’à la 70eme minute...

A la grande surprise des 60 000 spectateurs, qui s'attendaient à ce que le match se solde par un nul, Matthias Sindelar ouvre le score.

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Il sera imité peu de temps après par son coéquipier et ami, le défenseur Karl Szestak, qui marque sur coup-franc.
Les deux joueurs célèbrent leur victoire en dansant devant la tribune officielle, sous les yeux de tous les dignitaires nazis.
Neuf mois plus tard, après avoir été traqués par la Gestapo, Sindelar et sa petite amie juive-italienne Camilla Castagnola sont retrouvés morts dans leur appartement de Vienne.
Officiellement asphyxiés par une cheminée défectueuse. Mais la rumeur enfla rapidement.
Elle devint un mythe puis une légende : le plus grand joueur de l'Autriche a-t-il été tué pour avoir célébré un but ?
Pour certains théoriciens de la conspiration, il ne fait aucun doute que Sindelar a été assassiné par les Nazis. Mais impossible aujourd’hui d’en être certain.

FOOTBALLEUR DE RUE

Né en 1903, Matthias Sindelar était d’origines modestes. Il est encore très jeune quand ses parents quittent la Moravie (partie orientale de l’actuelle République tchèque) pour Vienne, son père maçon espérant trouver un emploi dans une briqueterie du quartier ouvrier de Favoriten.

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C'est dans ces rues sinistrées que Matěj (son prénom de naissance) découvre le football et développe des qualités qui lui vaudront le surnom de 'Der Papierene' (l'homme de papier), en raison de sa capacité à se faufiler délicatement à travers les défenses.
Alors qu’il s’amuse avec une balle faite de chiffons, Sindelar est repéré par un recruteur de l’ASV Herta Vienne en 1918. Un an plus tôt, son père a été tué sur le front italien et le jeune homme travaille pour aider sa mère et ses trois sœurs.
Apprenti mécanicien, il vend également des articles de sport dans un magasin au moment de rejoindre le club local. Il se fait très vite une place en équipe première malgré une blessure au genou persistante.
D’ailleurs, beaucoup ont expliqué son style de jeu insaisissable par la peur de recevoir un coup sur ce genou bandé en permanence.
Ce genou qui va d’ailleurs le contraindre à une opération du ménisque en 1923, alors que son club connait de grosses difficultés financières.
Licenciés avec plusieurs de ses coéquipiers, il prend le temps de se soigner et rejoint l’année suivante le FK Austria Vienne, champion d’Autriche en titre. Il va très vite subjuguer les fans de ce club traditionnellement supporté par les classes moyennes juives.
Chaque semaine, ses performances sont commentées dans les cafés viennois, où les termes employés pour parler football sont souvent les mêmes que ceux utilisés pour décrire de grandes représentations musicales.
Au cours de ses trois premières saisons avec l’Austria, Sindelar remporte trois Coupes d'Autriche et un titre de champion.

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En 1933, le club soulève la Coupe Mitropa - la première Coupe d’Europe qui regroupait initialement les deux meilleurs clubs autrichiens, hongrois, tchèques et yougoslaves, ces derniers étant remplacés par les Italiens en 1929 - en battant l’Ambrosiana Milan (qui deviendra plus tard l’Inter). Trois ans plus tard, l’Austria réédite l'exploit contre le Slavia Prague.

DES APPARENCES TROMPEUSES

Fritz Polster n’a pas oublié cette époque. Et pour cause : le père de ce fan de l’Austria avait sympathisé avec 'Sindi'. "Il était ce que j'appellerais une superstar démodée, se souvient Fritz.
Il n'y avait pas cette hystérie qui peut désormais entourer les joueurs. Mais plutôt un silence révérenciel. Mon père m'a emmené rencontrer Sindelar plusieurs fois.
C'était un homme mince, presque frêle, qui avait l'air de pouvoir s’envoler à tout moment. En le regardant, cela semblait impossible qu'il puisse détruire une défense presque à lui seul. Mais il le faisait. Le voir d’aussi près était une expérience puissante."
Si Sindelar est vite devenu une star avec son club – 600 buts en 700 matchs – il a encore davantage brillé sur la scène internationale.
Pour ses premiers pas avec l'Autriche en 1926, il inscrit le but vainqueur face aux Tchèques puis fait trembler les filets à deux reprises lors d’une démonstration face à la Suisse (7-1).
Ce sont bientôt les débuts de la Wunderteam, merveilleuse équipe sous les ordres du sélectionneur Hugo Meisl et de son adjoint anglais Jimmy Hogan.

LE MEILLEUR JOUEUR DU MONDE ?

Au début des années 30, l'Autriche est devenue la meilleure équipe du monde. Ce sobriquet de Wunderteam est apparu en mai 1931, quand une bonne équipe écossaise est balayée 5-0 à Vienne.
Le jeu collectif et la finition chirurgicale affichés ce jour-là sont devenus une marque de fabrique. Et pendant les trois années suivantes, l'Autriche va dominer le football mondial.
En décembre 1932, Sindelar et ses coéquipiers affrontent à Stamford Bridge une équipe d'Angleterre qui n’a encore jamais été battue à domicile par une sélection étrangère.
Tel était le défi du match pour les Autrichiens, à l’heure où 10 000 personnes étaient réunies sur la Heldenplatz de Vienne (la place des héros) pour écouter les commentaires en direct relayés par des haut-parleurs.

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Nerveux et menés 2-0 au bout d'une demi-heure, les visiteurs ont finalement réalisé que l'Angleterre n'était pas aussi forte que prévu et ils ont progressivement retrouvé leur jeu, Sindelar marquant un beau but en solo. Au coup de sifflet final, l'Angleterre a lutté mais s’est quand même imposée (4-3).
Au lendemain de la rencontre, la presse anglaise est sous le charme. Le Times parle de Sindelar comme "l'un des plus grands joueurs du monde".
Le Daily Mail le décrit comme "un génie" alors que le célèbre arbitre belge John Langenus, qui avait officié lors de la première finale de Coupe du Monde deux ans plus tôt, parle du but de Sindelar comme "un chef-d'œuvre que personne d'autre n'aurait pu marquer contre une équipe comme l'Angleterre".

UNE INCONE NATIONALE

Star incontestable de cette grande équipe, Sindelar devient une célébrité à Vienne, apparaissant dans des publicités pour du lait ou des montres. On le voit même dans un long métrage intitulé "Roxi und Ihr Wunderteam". Et sa réputation commence à s'étendre bien au-delà des frontières autrichiennes.
Après sa performance étincelante à Stamford Bridge, de nombreux clubs tentent de le recruter, offrant des sommes importantes au FK Austria. Même Manchester United tente sa chance. Mais l’attaquant ne veut pas quitter son pays.

C'est un homme aux goûts simples, vivant dans un appartement avec sa mère devenue lessiveuse. L’appât du gain à l’étranger ne pouvait pas le convaincre de quitter une équipe et un pays qu'il aimait.
En 1934, l'Autriche est la grande favorite de la deuxième Coupe du Monde en Italie.
Et Sindelar doit en être la vedette. Mais le pays est confronté à une crise économique qui impacte également le football. Privés d’entraîneur et de masseur par manque d’argent, ce sont des joueurs fatigués par une longue saison qui débutent le tournoi.

UNE DEMI-FINALE CONTROVERSEE

Malgré leurs difficultés, les Autrichiens atteignent les demi-finales du Mondial, affrontant alors une équipe d’Italie désireuse d'impressionner Mussolini. Sur un terrain transformé en bourbier par de fortes pluies, compliquant le jeu de passes des Autrichiens, Sindelar reçoit un traitement effroyable de la part du défenseur italien Luis Monti. Et l’Autriche s’incline 1-0 sur un but... hors-jeu. La Wunderteam a laissé passer sa chance et ne brandira jamais la coupe Jules Rimet.
Quatre ans plus tard en effet, changement de décor au sein d’une Europe au paysage politique bouleversé. Le 12 mars 1938, les chars d'Hitler franchissent la frontière autrichienne lors de l'Anschluss.

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Les joueurs et les dirigeants juifs du FK Austria sont vite écartés et beaucoup sont contraints à l'exil. Le président du club est lui-même destitué et remplacé par un dirigeant au profil davantage aryen, qui interdit tout contact avec des joueurs juifs.
Le portrait de son prédécesseur dans la salle du conseil est remplacé par celui d'Hitler. Social-démocrate engagé, Sindelar abhorre le nazisme et souffre de la situation face à ces Nazis pas vraiment fans du FK Austria, trop proche de la communauté juive à leurs yeux et dont le style tranchait avec le jeu allemand, moins habile et plus direct.
 
INTERFERENCES POLITIQUES

Dans ce contexte, le football a tenté d’exister avec un semblant de normalité, même si les Juifs n'étaient désormais plus autorisés dans les équipes. L’Austria a ainsi perdu une demi-équipe et la plupart de ses dirigeants. Ceux qui restaient avaient interdiction de côtoyer leurs anciens collègues juifs, ce qui n’a pas empêché Sindelar de défier l’autorité en restant proche de son ancien président, Michl Schwarz.
Mais c'est surtout avec ses pieds que Sindelar a manifesté son opposition. Alors que l'Autriche était qualifiée pour la Coupe du Monde de 1938, l’Anschluss a tout bouleversé, le pays faisant désormais partie de la Grande Allemagne et disparaissant donc officiellement de la carte.
Les meilleurs joueurs autrichiens devaient porter le maillot d’une équipe allemande conquérante et un match amical fut organisé à Vienne en avril 1938, avec Sindelar capitaine de la Vieille Autriche face à la nouvelle équipe austro-allemande.
On a donc déconseillé à l’attaquant de l’Austria de marquer, et encore moins d'essayer de gagner. Et pourtant, c'est exactement ce qu'il s’est passé avec ces buts de Sindelar et Szestak.
Même à 35 ans, il était évident que Sindelar était toujours le meilleur joueur autrichien et les autorités allemandes l'ont invité à contrecœur à venir s'entraîner avec le Reich. Invitations ignorées par Sindelar, évoquant une blessure ou un âge trop avancé pour justifier son refus de jouer pour l'Allemagne nazie.

UNE TRISTE FIN

Après la guerre, Sepp Herberger – entraîneur de l'équipe allemande d'avant-guerre et qui a ensuite emmené l’Allemagne de l'Ouest vers le sacre mondial en 1954 – se souvenait de Sindelar comme d’un homme fin, dont la mémoire serait toujours précieuse dans le milieu du football.
"Je sentais bien que quand il refusait nos invitations pour nos camps d'entraînement, c'était surtout en raison de son rejet du régime politique de l'époque."
Le matin du 23 janvier 1939, Matthias Sindelar est retrouvé mort dans son appartement, au-dessus d’un café qu'il avait acquis l'année précédente, aux côtés de Camilla Castagnola, sa nouvelle petite amie.

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Officiellement, il s’agit d’une mort accidentelle causée par un empoisonnement au monoxyde de carbone.
Mais la situation de son équipe et de sa ville ayant poussé Sindelar vers une dépression, beaucoup pensent qu'il s'est suicidé.
Mais alors que l'enquête de police a été annulée de force par les Nazis et que tous les dossiers relatifs à l'affaire ont disparu peu de temps après, il existe une troisième théorie.
"Certains étaient convaincus que Sindi avait été assassiné par les Nazis, explique Fritz Polster.
D'autres ont prétendu qu'il s'était suicidé. Ayant rencontré l'homme et vu à quel point il était vif et plein de vie, j'ai toujours douté de cela. J’ai aussi entendu dire que Sindelar avait des origines juives.
Mais toutes ces histoires sont absurdes. S'il avait été juif, il n’aurait pas pu acheter ce café."

UNE NATION EN DEUIL

En 2003, la BBC a diffusé un documentaire intitulé "Football et Fascisme", dans lequel l'un des amis de Sindelar, Egon Ulbrich, affirmait qu'un fonctionnaire du district avait été soudoyé pour enregistrer la mort de Sindelar comme accidentelle, afin de pouvoir assurer des funérailles nationales. "Selon les règles nazies, une personne qui avait été assassinée ou qui s'était suicidée ne pouvait pas recevoir ce genre d’hommage.
Nous devions donc faire quelque chose pour que l'élément criminel de sa mort soit effacé", a expliqué Ulbrich.

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Une dissimulation, en d'autres termes, mais Polster n’est guère convaincu. "Mon père est mort peu de temps après la sortie de ce documentaire et il n'y croyait toujours pas", explique-t-il.
Les funérailles de Sindelar ont réuni plus de 15 000 personnes, beaucoup étant convaincues qu'il avait été tué par les Nazis. Le célèbre intellectuel et journaliste Alfred Polgar a ainsi écrit dans sa nécrologie : "Ce bon Sindelar a suivi la ville, dont il était l'enfant et la fierté, jusqu'à sa mort. Il était inextricablement lié à Vienne."
Et Fritz Polster de conclure : "Tant de choses ont été dites et écrites quand Sindi est mort. Ses buts et son jeu étaient extrêmement importants pour nous. C'était sa façon de dire qu’il avait son propre sens des valeurs et des croyances que personne ne pouvait lui enlever.
En ces temps terribles en Europe, avec la propagation du fascisme, cet hommage pour Sindelar a donné une raison aux opposants de continuer à se battre." Près de 80 ans plus tard, personne n'a en tout cas oublié l'homme de papier !

Source Four Four Two
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