lundi 27 novembre 2017

Affaire Ziad Itani : un flou pas très artistique ?

 
L'arrestation jeudi du comédien Ziad Itani pour collaboration avec Israël a provoqué une onde de choc au Liban, notamment dans les milieux culturels, artistiques et politiques. Bien qu'il ait avoué avoir activement surveillé des personnalités politiques pour le compte d'Israël, selon un communiqué de la Sécurité de l'État, son affaire reste entourée de mystères.......Détails........



Nombreuses sont les interrogations suscitées par son arrestation et relatives au timing, à la pertinence du récit avancé par les autorités et à la multitude de versions différentes diffusées ici et là à son sujet.
Les informations liées à l'arrestation de M. Itani ont enflammé les réseaux sociaux, certains internautes refusant de croire aux accusations portées contre lui, et d'autres, au contraire, lui collant directement le label d'agent. De leur côté, ses amis et ses collègues se posent une seule et même question sur les réseaux sociaux : « Pourquoi ? » Même si M. Itani est jusqu'à présent suspect et pas encore incriminé, ses proches trouvent du mal à comprendre les motifs qui l'auraient poussé à « commettre ce crime ».
Le directeur général de la Sécurité de l'État, le général Tony Saliba, tiendra demain une conférence de presse dans laquelle il racontera « de A à Z » l'histoire de l'arrestation de M. Itani, qu'il a qualifiée de « bonne pêche sécuritaire ».


Colette et son passeport suédois

Dans un communiqué publié vendredi soir, la Sécurité de l'État a indiqué que le comédien, metteur en scène et auteur de pièces de théâtre Ziad Itani a admis avoir « surveillé un groupe de personnalités politiques de haut rang en se rapprochant de certains de leurs proches, afin de récolter le plus d'informations possible, notamment sur leurs déplacements ».
« Après des mois d'enquête, au Liban et à l'étranger, une unité spécialisée a réussi à confirmer les faits reprochés à Ziad Itani », a ajouté le communiqué.
Le dramaturge aurait également reconnu, toujours selon le même texte, avoir fourni de « nombreuses » informations, notamment sur « deux personnalités politiques importantes », dont le service de sécurité indique qu'il révélera l'identité « plus tard ».
M. Itani aurait rédigé des rapports sur la réaction des Libanais « après les événements survenus ces deux dernières semaines », en référence à la crise née de l'annonce de la démission du Premier ministre Saad Hariri à Riyad, le 4 novembre.
Selon la chaîne télévisée LBCI, la Sécurité de l'État surveillait les mouvements du dramaturge depuis quatre mois déjà, notamment son courrier électronique. « Depuis 2014, M. Itani communiquait via Facebook avec une femme qui possédait un passeport suédois et qui s'est avérée ensuite être une femme-officier israélienne qui dit s'appeler Colette.
Celle-ci communiquait avec M. Itani, à travers des messages codés, depuis ses comptes sur les réseaux sociaux qu'elle changeait régulièrement.
En 2016, ils se sont rencontrés en Turquie, où elle lui avait demandé de collecter des informations sur les ministres actuels, notamment le ministre de l'Intérieur Nouhad Machnouk, ainsi que l'ancien ministre Abdel Rahim Mrad », selon la LBCI.
La dénommée Colette lui avait également demandé de tisser des liens avec les conseillers des ministres, ainsi qu'avec les journalistes qui gravitaient dans leur orbite.
Il était censé lui fournir des informations sur les résidences non connues de ces ministres et les chalets qu'ils occupent, s'ils en ont. Toujours selon la même source, M. Itani a reçu une fois seulement un transfert de fonds de la part de ladite Colette.
D'autant que le dramaturge aurait reçu, selon certains médias, la promesse « d'un bénéfice moral, relatif au succès de sa carrière, plutôt que de dividendes financiers ».
Abdel Rahim Mrad a affirmé pour sa part samedi à l'agence al-Markaziya que « Ziad Itani était un ami de son fils et qu'il se rendait régulièrement chez eux à la maison ».
« Avec ma famille, j'assistais toujours aux pièces de M. Itani et je n'ai jamais rien soupçonné à son encontre », a-t-il ajouté. L'Orient-Le Jour a essayé de contacter sans succès l'ancien ministre.

Nidal Achkar tranche

Avant de devenir acteur et auteur, Ziad Itani travaillait comme reporter pour la chaîne de télévision proche du régime syrien et du Hezbollah, al-Mayadeen, et collaborait avec différents journaux, dont le quotidien libanais al-Akhbar. Divorcé et père d'une fille, M. Itani, âgé de 42 ans, s'est marié il y a quelques mois avec une jeune journaliste de vingt ans sa cadette, Majdouline Chamouri.
En 2016, l'artiste a joué un spectacle intitulé Beyrouth faouk al-chajarah (Beyrouth sur un arbre).
L'année précédente, il avait fait un tabac avec une autre pièce, Beyrouth Tarik Jdidé, du nom d'un quartier sunnite de Beyrouth.
Il a également fait de courtes apparitions dans l'émission comique B.B.Chi, diffusée sur la chaîne LBCI.
Suite à l'annonce de son arrestation, tout le monde guettait la réaction de son partenaire de théâtre, Yehia Jaber. Celle-ci n'a pas tardé à venir. Sur son compte Facebook, M. Jaber s'est dit « triste, choqué et trompé ».
Après avoir violemment regretté le crime reproché à M. Itani, il s'est interrogé : « Étais-je un dramaturge ou un simple rideau ? »
L'OLJ a essayé de contacter ce dernier, mais il n'était pas disponible hier pour répondre à nos questions.
Pour la directrice du théâtre al-Madina, Nidal Achkar, l'affaire ne prête pas à équivoque. « Si l'État l'a arrêté, c'est qu'il est coupable », a-t-elle tranché, interrogée par L'OLJ.
« Je ne connaissais pas M. Itani en personne et nous ne sommes jamais rencontrés, mais j'ai été choquée comme tout le monde et j'ai été profondément triste d'apprendre qu'un comédien puisse être un agent travaillant pour le compte d'Israël », a-t-elle ajouté.
De son côté, le coordinateur général du 14 Mars et ancien député Farès Souhaid a regroupé dans un même tweet les noms de Ziad Itani, Fidaa Itani, Marcel Ghanem et Ahmad al-Ayoubi, pour ensuite commenter : « Non à l'État sécuritaire. »
Joint au téléphone par L'OLJ, M. Souhaid a mis en garde contre « un glissement vers un État sécuritaire qui rappelle les mandats de l'ancien président de la République Émile Lahoud, ou encore l'époque de la tutelle syrienne. L'arrestation ou l'émission de mandats d'arrêt contre un nombre de journalistes et d'artistes en l'espace de 10 à 15 jours serait-il une pure coïncidence », s'est interrogé l'ancien député.

Source L'Orient le Jour
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