Le ton monte entre la Turquie et l'Egypte, alors qu'Israël réduit le nombre de son personnel diplomatique à Istanbul et à Ankara; des villes où la mobilisation pro-palestinienne est très forte. "Il (Sissi) n'est pas différent des autres (Israël). Sissi lui-même est un tyran", a lancé Recep Tayyip Erdogan devant la presse à Istanbul, interrogé sur l'opération terrestre d'Israël à Gaza. Le Premier ministre turc a accusé l'administration égyptienne d'agir "ensemble" avec l’État hébreu contre le Hamas, soutenu par le gouvernement turc...
Ami de mon ennemi
L'Egypte, habituelle médiatrice dans les conflits entre le Hamas et Israël, avait tenté en vain de faire accepter un cessez-le-feu peu favorable au Hamas, sans même le consulter. Le président égyptien, ancien chef de l'armée, avait chassé du pouvoir il y a un an l'islamiste Mohamed Morsi, issu des Frères musulman. Le Hamas, comme la confrérie des Frères musulmans, a été interdit en Egypte. En revanche Ankara avait soutenu Mohamed Morsi et rompu avec Le Caire quand celui-ci fut évincé du pouvoir. "L'administration en Égypte n'est pas légitime", a estimé le Premier ministre turc, l'accusant de vouloir exclure le Hamas de tout accord de paix à Gaza.
Preuve des divergences géopolitiques profondes entre les deux pays, le ministre égyptien des Affaires étrangères avait vivement critiqué le Hamas jeudi, estimant que le mouvement terroriste islamiste aurait pu sauver des dizaines de vies s'il avait accepté un cessez-le-feu, proposé cette semaine par Le Caire, et qui avait été accepté par Israël.
"Si le Hamas avait accepté la proposition égyptienne, il aurait pu sauver les vies d'au moins 40 Palestiniens", a déclaré Sameh Choukri, selon l'agence de presse officielle Mena. Le ministre a accusé le mouvement islamiste palestinien qui contrôle la bande de Gaza d'avoir "comploté avec le Qatar et la Turquie pour mettre en échec le rôle régional de l’Égypte".
Samedi, le ministre égyptien des Affaires étrangères a indiqué que son pays ne ferait pas de nouvelle proposition de cessez-le-feu. Le message du Caire au Hamas est donc clair, c'est à prendre ou à laisser.
La Turquie, face à l'Egypte et... à Israël
Israël a décidé de réduire au minimum sa présence diplomatique en Turquie, qui a vivement condamné ses opérations militaires à Gaza, après de violentes manifestations à Istanbul et Ankara devant les missions israéliennes.
"A la suite des manifestations d'hier, il a été décidé de réduire le personnel diplomatique en Turquie", a indiqué un porte-parole de l'ambassade d'Israël, qui a précisé que les représentations israéliennes ne seraient cependant pas fermées.
Les autorités israéliennes ont également lancé vendredi une mise en garde à leurs ressortissants les avisant de ne pas se rendre actuellement en Turquie en raison de l'hostilité qui y règne à l'égard des Israéliens à cause de l'opération militaire de l'Etat hébreu à Gaza.
"L'environnement hostile en Turquie en raison de l'opération Bordure protectrice incite à éviter les visites qui ne sont pas indispensables et à prendre des mesures de vigilance nécessaires et exceptionnelles. Il faut impérativement éviter tous les foyers de manifestations israéliennes", peut-on lire dans le communiqué israélien.
Des centaines de manifestants ont attaqué aux premières heures de vendredi le consulat général d'Israël dans le centre d'Istanbul, provoquant une intervention musclée des forces de l'ordre qui ont fait usage de gaz lacrymogène et de canons à eau.
Réunis à l'appel d'organisations islamistes, la foule a lancé de pierres, brisant des vitres de la représentation tandis que certains manifestants tentaient de franchir les grilles et de pénétrer dans l'enceinte du bâtiment avec des drapeaux palestiniens.
"Israël assassin' scande la foule"
La police antiémeute turque est intervenue à plusieurs reprises, jusqu'à l'aube, tirant des grenades lacrymogènes pour disperser les manifestants qui scandaient "Israël assassin, quitte la Palestine!" ou "Juif assassin!".
A Ankara, des députés du parti islamo-conservateur dirigé par le Premier ministre Recep Tayyip Erdogan, champion de la cause palestinienne, ainsi que ceux de l'opposition, ont manifesté de leur côté dans la nuit devant la résidence de l'ambassadeur d'Israël.
La police a pris vendredi d'importantes mesures de sécurité autour des représentations israéliennes à Istanbul et Ankara alors que des ONG islamistes ont appelé à de nouvelles manifestations dans la journée dans les deux villes.
Le chef de la diplomatie turque Ahmet Davutoglu a condamné avec véhémence les opérations d'Israël, exhortant la communauté internationale à faire "cesser l'agression israélienne qui tue cruellement femmes et enfants".
Le chef de l'Etat Abdullah Gül a lui aussi fermement réagi contre Israël, redoutant "une situation encore plus grave, si cette agression ne s'arrête pas".
Le parlement turc devait adopter une déclaration commune vendredi, pour dénoncer Israël.
Jeudi, M. Erdogan, qui entretient des liens étroits avec le mouvement islamiste Hamas qui contrôle Gaza, a qualifié les bombardements israéliens sur Gaza de "tentative de génocide systématique" des Palestiniens.
M. Erdogan, qui part favori dans la course à l'élection présidentielle d'août en Turquie, avait accusé mardi Israël de "terrorisme d'Etat" et exclu toute normalisation avec ce pays.
"Les efforts en faveur d'une réconciliation entamés l'an dernier à la suite d'une médiation américaine entre les deux pays sont désormais au point mort", a indiqué M. Erdogan.
"Tant que je serais au pouvoir, il n'y aura rien de positif avec Israël", a dit M. Erdogan accusant une nouvelle fois l'Etat hebreu de perpétrer "un génocide" contre les Palestiniens, sous les regards de la communauté internationale.
La Turquie a reçu vendredi le président de l'Autorité palestinienne Mahmoud Abbas, qui s'est entretenu à Istanbul avec son homologue turc et M. Erdogan.
Source I24News