mardi 4 juin 2013

Vue des collines : des anarchistes bafouent Shabbat

 
 
Quel que soit le niveau de religiosité de chacun, le Shabbat est le jour de repos hebdomadaire du pays. Que l’on ait coutume de visiter la famille ou des amis, d’être allongé sur la plage, de faire une partie de foot, ou d’aller à la synagogue, puis de s’attabler devant un repas de fête, il n’y a pas de doute que Shabbat est en Israël le jour où l’on « recharge ses batteries » avant de repartir pour une semaine de travail.
 
Or, depuis plusieurs mois, pour les 16 familles de sionistes religieux qui habitent dans les collines situées au sud de Hébron, à Mitzpe Yaïr, juste à 2 kilomètres à l’est de Soussiya, Shabbat est devenu un jour d’angoisse, de tension et de confrontation.
Selon les résidents, une dizaine d’Arabes des villages environnants, accompagnés d’étudiants européens, et nantis des encouragements, du soutien et de la coordination de groupes israéliens d’extrême-gauche, manifestent devant Mitzpe Yaïr, pour demander l’évacuation des résidents et le contrôle arabe sur les terres.
« Chaque Shabbat, ils nous provoquent, et s’approchent de plus en plus près de nos maisons », déclare Mordechaï Doitch qui, depuis 2000, habite dans cette communauté avec sa femme Michal et leurs huit enfants. « Ils nous menacent et nous insultent avec des phrases comme “Retournez en Pologne” ou “Les Romains vous ont déjà chassés, qu’est-ce que vous faites encore ici ?” » Doitch ajoute que si, semaine après semaine, l’armée riposte rapidement pour empêcher le groupe de s’infiltrer et pour l’éloigner, les membres de la communauté sont forcés à maintes reprises de quitter la synagogue au milieu de l’office du Shabbat matin pour simplement affirmer leur présence.
 
La ferme de l’étoile de David

« Quand ils arrivent, nous sommes d’abord inquiets pour notre vie et celle de nos familles. Si nous ne nous montrons pas et, par-là, ne défendons pas notre droit d’être ici, il y aura comme un vide, et sans aucun doute, les Arabes revendiqueront cette région comme la leur. »Doitch, avec sa femme Michal, a déménagé du Goush Katif à Mitzpe Yaïr où il cultive des légumes bios. La communauté a été établie en 1998 sur une terre qui, selon lui, appartient à 100 % à l’Etat. D’abord connue sous le nom de «Hava Maguen David » (la ferme de l’étoile de David), la communauté a été renommée en 2001 Mitzpe Yaïr, en mémoire de Yaïr Har-Sinaï, 51 ans, père de neuf enfants, assassiné par des terroristes arabes liés au Hamas, alors qu’il gardait son troupeau de moutons dans un champ voisin.
Debout devant sa maison, face aux collines luxuriantes, Doitch scrute l’horizon et remarque sur une montagne voisine un troupeau de moutons gardé par des bergers arabes : « Regardez cette colline brune où paissent les moutons, les Arabes rendent la terre désertique alors que partout où vivent les Juifs, l’herbe pousse et la terre est verte ».
Et d’ajouter que les Arabes locaux utilisent les moutons pour s’approcher de plus en plus près et tenter d’entourer et d’enfermer la communauté de Mitzpe Yaïr.
« Ces moutons ne sont pas vraiment là pour paître, vous voyez bien que la colline est brune. Non seulement ce qu’ils font est mauvais pour la terre, mais ce n’est pas bon non plus pour les bêtes. Elles sont trop nombreuses et ils n’en prennent pas bien soin. » Au premier plan, juste à quelques mètres de là où nous nous sommes, sur la colline, se trouvent les serres de la famille Doitch. Ils font pousser du céleri, du persil, du brocoli, du fenouil, de la laitue et une large variété d’autres légumes bios qu’ils vendent à de nombreux clients, dont la plupart se trouvent à Jérusalem et aux alentours.
 
Voyage aux frais des organisations de gauche

Alors que Doitch est catégorique quant à la légitimité de Mitzpe Yaïr, « les autorités ne veulent pas reconnaître officiellement la communauté puisqu’elles sont contre la construction dans cette région ». Il espère toutefois que la publication récente du rapport Lévy, qui demande à l’Etat de reconnaître des communautés illégales comme légales, aidera à changer le statut de la région.
Michal, assise dans la salle à manger qui, par ses portesfenêtres, offre quelques-unes des plus belles vues d’Israël, donne plus de détails sur l’identité des manifestants qui les menacent chaque semaine.
« Ce ne sont pas des gauchistes habituels, mais des anarchistes. Il s’agit d’un groupe extrêmement bien organisé.
Ils utilisent Internet et les médias sociaux pour coordonner leurs activités. »Elle a aussi eu l’occasion de parler avec l’un de ces étudiants européens. Ce dernier a pris part à une récente confrontation de Shabbat et admis devant elle qu’« il ne savait pas grandchose sur le conflit, mais était venu en Israël parce qu’une organisation de gauche israélienne lui avait offert le voyage.
Une fois dans le pays, on avait dit à son groupe qu’en plus des visites, ils auraient l’occasion de faire un travail important “au nom de la paix” et c’est ainsi qu’on les a amenés aux manifestations. » Michal déclare fièrement que deux de ses fils sont à l’armée et que l’un deux est commandant, et raconte que le plus perturbant et le plus effrayant dans ces manifestations est le fait que les agitateurs connaissent les noms de famille des habitants de Mitzpe Yaïr. «Quand ils viennent et hurlent notre nom, cela fait peur. Cette personnalisation rend les menaces plus dangereuses et l’on ne sait pas ce qui peut arriver. »

Du lait, du miel et du vin

Pour Avidan Ophir, chargé de l’administration de la communauté, l’armée devrait être plus sévère et ne pas tolérer ces provocations hebdomadaires. « C’est comme une pièce de théâtre. Les manifestants se pointent le Shabbat et semaine après semaine, l’armée débarque avec ses 10 jeeps et ses 80 soldats pour former une sorte de mur de protection. Cette méthode ne résout rien et la provocation continue. Il faut trouver une solution. » Ophir comme Doitch ajoutent que parfois l’armée est forcée de se concentrer sur Mitzpe Yaïr. Résultat : les manifestants en profitent pour déranger la vie d’autres communautés de la région, comme celle d’Avigail, située juste au nord, ainsi que celles de quelques fermes alentours.
A quelques encablures de la maison des Doitch, on aperçoit clairement la ville d’Arad au sud-est, les montagnes jordaniennes à l’est, et la vallée du Jourdain au-delà du désert de Judée qui s’étend sous Mitzpe Yaïr.
Du point de vue de la sécurité, il est évident que cette communauté et ses voisines de la région sont d’une importance capitale pour tout le pays, mais pour Michal, vivre à Mitzpe Yaïr représente beaucoup plus. « Il n’y a pas de mot pour décrire cet endroit. Parler d’amour n’est pas suffisant pour expliquer la particularité d’habiter ici.
Nous sommes venus pour vivre plus spacieusement, et pour cultiver. Nous avons un voisin apiculteur, un autre est viticulteur et un troisième a ouvert une ferme de produits laitiers, c’est vraiment une communauté spéciale. » Malgré les manifestants agressifs, les intentions malveillantes de quelques-uns de leurs voisins arabes, les problèmes de Mitzpe Yaïr avec la Cour suprême sur la reconnaissance légale de la communauté et les conflits sur les terres cultivables environnantes, Michal affirme ne pas être inquiète quant à l’avenir de Mitzpe Yaïr. « Toutefois, les juifs devraient commencer à se rendre compte et à affirmer que cette terre nous appartient. »