L'histoire se termine mal. Une toile volée à une famille juive durant la guerre et retrouvée en 2019 serait en fait d'Alessandro Turchi. Un gros moins financier ! ........Détails........
La même dépêche de l’Agence France Presse (AFP) a circulé en boucle la semaine dernière.
C’est souvent comme cela. Personne dans les rédactions ne vérifie rien, alors qu’Internet existe pourtant aujourd’hui.
L’histoire racontée demeurait simple. Un tableau de Nicolas Poussin représentant «Loth et ses filles» (Genèse 19:5, lisez c’est une histoire d’inceste) a été retrouvé par la police italienne. Volé par les nazis à Poitiers en 1944, il a été identifié par un expert hollandais lors d’une exposition aux Pays-Bas en 2019.
L’œuvre a été restituée aux héritiers de son ancien propriétaire, une Suissesse de 98 ans et un Américain de 65.
Je ne vous ai pas parlé à ce moment-là. D’abord parce que des affaires de ce genre il doit bien en avoir une par semaine. Ensuite à cause de la grande toile, qui mesure un mètre et demi de large.
Elle ressemble autant à un Poussin que moi à Brad Pitt. Aucun rapport! Seule, la chaîne France3-Aquitaine a fait son travail de fond assez vite.
L’œuvre appartenait avant guerre à un Alsacien, René Bloch, qui exploitait des filatures. En 1938, voyant venir le vent, cet industriel a confié sa collection à un cousin habitant Poitiers.
Lui-même a gagné la Bretagne en 1939, puis les Etats-Unis où il est mort en 1942. Deux ans plus tard, en 1944 donc, le tableau s’est retrouvé pris dans la terrible rafle menée par la police française (et non les nazis eux-mêmes) à Poitiers.
Elle conduira 481 personnes dans des camps. Le tableau a disparu à ce moment, mais il en existait une photo. Une chose qui n’allait alors pas de soi.
En 1946, l’œuvre a donc pu figurer, avec illustration, dans le grand et tragique répertoire des œuvres volées. FR3 montre la page en question. Surprise… La plupart des autres personnes spoliées ne sont pas Juives. Qu’on se le dise. Ensuite?
Eh bien plus rien, en dépit des efforts de l’héritière. La toile serait réapparue en France courant 2017. Un antiquaire italien l’a alors achetée (avec ou sans permis d’exportation, le texte ne le dit pas). Il l’a revendue à un de ses compatriotes, également marchand.
C’est ce dernier qui sent aujourd’hui la douloureuse. La restitution n’est sans doute pas accompagnée de dédommagement. Tout au plus le perdant peut-il se retourner contre le vendeur.
Mais là, c’est moi et non plus FR3 qui parle.
Apparemment la nonagénaire, qui est en fait la fille de René Bloch installée en Suisse, et l’Américain (sur lequel je ne sais rien) ont tout pour être heureux. Eh bien non! J’avais raison.
La «Tribune de l’art», sous la plume de Didier Rykner, vient de leur apporter la mauvaise nouvelle. Il aurait en fait fallu se montrer plus attentif à la liste de 1946. Le sujet religieux n’y était qu’«attribué» (le mot est écrit en tout petits caractères) à Poussin. Et il semble sûr aujourd’hui qu’il soit sorti des mains d’Alessandro Turchi, mort en 1649.
Un très honorable peintre de Vérone, à qui sa ville a dédié une belle rétrospective en 1999.
L’homme demeure un artiste rare, certes. Mais ses créations valent infiniment moins qu’un Poussin. Vingt fois moins. Peut-être même davantage. Reste qu’il semble s’agit d’un beau tableau… et en principe d’une demande en restitution désintéressée.
Vous nous aimez, prouvez-le....