L’infâme accord du Caire a fait couler beaucoup d’encre. Néanmoins, certains aspects de cet accord demeurent obscurs. Il est nécessaire de remettre les pendules à l’heure pour comprendre les profondes répercussions de cet accord qui perturbent, jusqu’à nos jours, la scène politique libanaise. Pour rappel, l’accord du Caire est signé le 3 novembre 1969 dans la capitale égyptienne entre Yasser Arafat (leader de l’Organisation terroriste de libération de la Palestine – OLP) et Émile Boustany (commandant en chef de l’armée libanaise)........Détails........
Il fait suite à sept heures de négociations secrètes dans des conditions aujourd’hui encore inconnues. L’accord reconnaît la présence militaire palestinienne au Liban et cautionne aux fedayin le droit de s’armer et de lancer des opérations contre Israël.
Pour comprendre la vraie signification de cet accord, il est nécessaire de le situer dans le contexte historique de l’époque. Avant l’approbation de l’accord, des opérations sont fréquemment lancées par les fedayin palestiniens à partir du Liban contre Israël.
En contrepartie, Israël riposte de façon virulente contre le Liban à la suite de chaque opération palestinienne. Inlassablement, Raymond Eddé ne cesse de répéter que le seul moyen de mettre un terme au cercle vicieux d’attaques palestiniennes et de représailles israéliennes est de créer une force tampon internationale à la frontière sud du pays.
La présence des Casques bleus de l’ONU protégerait le Liban des interférences externes, surtout que la conjoncture régionale est en pleine ébullition. Malheureusement, les admonestations à répétition de Raymond Eddé ne trouvent pas écho favorable dans le pays.
Elles se heurtent irrévocablement à l’intransigeance de certains politiciens qui refusent, au nom de la sacro-sainte lutte armée contre l’État hébreu, d’entraver de quelque manière que ce soit l’activité des fedayin.
Il faut dire que la rue musulmane est inconditionnellement solidaire de la cause palestinienne.
Le président de la République de l’époque, Charles Hélou, décide de former un gouvernement pour présenter l’accord du Caire au Parlement libanais. Il sollicite Raymond Eddé pour faire partie du gouvernement.
Ce dernier refuse d’être ministre car il considère que l’accord ne sert pas l’intérêt suprême du Liban.
Outre sa nature malsaine, l’accord du Caire est hermétique. L’article 15 de l’accord stipule que son contenu est ultrasecret et n’est accessible qu’aux « autorités intéressées ».
Qui sont ces soi-disant « autorités intéressées » ? Étrangement, l’accord ne le précise pas.
Dans son témoignage à L’Orient-Le Jour du 24 avril 1998, Raymond Eddé énonce la chose suivante : « Comment admettez-vous que le chauffeur d’Abou Ammar en connaisse la teneur et moi, député, représentant tout le peuple libanais, n’en ai-je pas le droit ? Bien entendu, j’ai refusé d’être ministre. »
C’est donc sans connaître son véritable contenu que le nouveau gouvernement de Charles Hélou (dont Pierre Gemayel fait partie) soumet l’accord du Caire à l’Assemblée nationale pour son approbation.
La Chambre des députés se réunit à huis clos afin d’éviter un débat public aux conséquences incertaines. Raymond Eddé fait un long discours pour dénoncer de façon cinglante la nature inacceptable de l’accord du Caire. Peine perdue. L’écrasante majorité des députés entérine cet accord, et cela sans même l’avoir lu. Seuls les six députés du Bloc national de Raymond Eddé, ainsi que quatre autres députés chrétiens, font défection en refusant catégoriquement d’avaliser le texte.
En ratifiant l’accord du Caire, le Liban signe sa condamnation à mort. En octroyant aux fedayin une légitimité d’agir en toute impunité à l’intérieur du territoire libanais, l’accord du Caire bascule à tout jamais le Liban dans l’anarchie la plus totale.
Des milices armées jusqu’aux dents poussent comme des champignons venimeux aux quatre coins du pays. Le Liban, naguère un havre de paix et de tranquillité, devient une poudrière.
Et, cerise sur le gâteau, les fedayin commettent des exactions et des vexations immondes envers la population civile libanaise. En se comportant agressivement comme un « État dans l’Etat », les fedayin font preuve d’une incroyable ingratitude envers leur pays d’accueil.
Cinquante ans se sont écoulés depuis la signature de l’accord du Caire et, depuis lors, beaucoup d’eau a coulé sous les ponts.
En regardant en arrière, on réalise qu’il ne fait pas l’ombre d’un doute que l’accord du Caire est le précurseur et le catalyseur de la guerre civile au Liban en 1975.
Cette guerre durera quinze ans. Elle portera dans son flanc un lot insolant de sang et de sanglots. Deux ans après l’abrogation de l’accord du Caire en 1987, l’accord de Taëf met un terme à la guerre civile au Liban. Cependant, Taëf a un goût amer pour les chrétiens du fait de l’affaiblissement significatif de la présidence de la République.
Plus sournoisement, Taëf permet la montée en puissance du Hezbollah qui, dans les années 1980, n’est qu’un parti clandestin, presque anodin. Bien que sur le papier
Taëf stipule le désarmement de toutes les milices armées, il est implicitement convenu de laisser le Hezbollah opérer en toute impunité sous le prétexte de la résistance contre Israël.
Tranquillement, loin des regards indiscrets, le Hezbollah se renforce considérablement jusqu’à avoir une emprise quasi totale sur le pays.
Aujourd’hui, outre son imposante suprématie militaire, le Hezbollah domine outrageusement la scène politique libanaise.
De par sa mainmise sur les institutions constitutionnelles et administratives du pays, il contrôle (directement et indirectement) les ressources vitales du pays ainsi que ses décisions stratégiques (notamment la décision de la paix ou de la guerre).
En somme, l’accord du Caire est la cause originale de l’anéantissement du Liban en tant que Suisse du Moyen-Orient. Ce maudit accord comporte plusieurs péchés capitaux.
Premièrement, il est scandaleux de par son contenu toxique. Deuxièmement, il est honteux de par sa nature fourbe. Troisièmement, il est outrageux de par son caractère opaque.
Finalement et surtout, il est injurieux de par la façon trouble dont il est ratifié par le Liban officiel. Incontestablement, il est démentiel, voire criminel, d’approuver un accord qui décide du sort de toute une nation sans en connaître son véritable contenu.
Vous nous aimez, prouvez-le....