Frederic Hof n’en finit plus de s’inviter dans l’actualité libanaise. L’ancien médiateur américain entre le Liban et Israël sur la question de la délimitation de la frontière maritime a ravivé un ancien débat en révélant le 7 avril dans un article publié sur le site Newslines que Bachar el-Assad lui avait avoué que les fermes de Chebaa étaient syriennes........Détails........
« Les cartes montrent clairement que la zone en question est syrienne », a dit le président syrien au diplomate américain, selon les dires de ce dernier, alors qu’il menait en 2011 une médiation souterraine entre la Syrie et Israël.
Personne au sein du régime Assad n’a démenti les propos attribués au président, alors qu’officiellement le pouvoir syrien considère que cette zone est libanaise. Ceux-ci ne manquent pourtant pas de portée.
Les forces israéliennes ont quitté le territoire libanais en 2000, mais ont conservé leur position au sein des fermes de Chebaa, cette région stratégique située sur un triangle entre le Liban, la Syrie et Israël.
Cette présence est le principal argument avancé par le Hezbollah pour poursuivre son mouvement de résistance contre l’État hébreu.
À l’instar du Liban officiel, le parti chiite considère effectivement que les fermes de Chebaa sont libanaises. Le chef druze Walid Joumblatt, opposant au régime syrien, a affirmé à plusieurs reprises que cette zone appartenait à la Syrie, provoquant à chaque fois une polémique, notamment auprès des partisans de l’autoproclamé axe de la résistance.
Le débat n’a jamais été complètement tranché. Les frontières n’ont pas été précisément délimitées lors de la création du Grand Liban en 1920 puis durant le mandat français.
En 1958, des forces syriennes s’installent dans la zone alors que les combats font rage au Liban entre pro et anti-Nasser.
Elles restent en place jusqu’à la guerre de 1967 et la défaite des pays arabes contre Israël qui aboutit à l’occupation de ce territoire par l’État hébreu dans le cadre de la conquête du Golan syrien.
La résolution 425 du Conseil de sécurité de l’ONU, qui concerne le retrait israélien du sud du Liban, n’évoque pas les fermes de Chebaa, qui relèvent plutôt de la résolution 242, consacrée aux territoires occupés en 1967.
De même, les forces internationales opérant dans les fermes sont les Fnuod de Syrie, et non la Finul qui opère au Liban-Sud. Israël considère que cette région fait partie du Golan syrien, qu’elle a annexé en 1981. Et ce n’est qu’après le retrait israélien en 2000 que le Liban évoque sa souveraineté sur ces territoires.
Négociations avec la Syrie
« Les propos de Hof sont un mensonge », affirme un proche du Hezbollah, qui considère que tout cela relève d’une opération de propagande qui vise à diviser l’axe irano-syrien.
Dans son article, le diplomate américain affirme que Bachar el-Assad était prêt à prendre ses distances avec l’Iran contre la signature d’un traité de paix avec Israël. Le début de la révolution syrienne qui a muté rapidement en une guerre civile et régionale, dans laquelle le Hezbollah est un acteur de premier plan, a toutefois mis un terme aux négociations.
Les rumeurs de nouvelles tractations syro-israéliennes, sur le dos de l’Iran, ont toutefois à nouveau émergé au cours de ces derniers mois, compliquant les relations entre le Hezbollah et le régime.
« La Syrie considère qu’il faut délimiter les frontières, et que cela ne peut se faire sans négociations avec elle. Il est impératif d’entamer des négociations directes entre le Liban et la Syrie et de rétablir des relations normales pour résoudre cette question », dit le proche du Hezbollah.
Malgré la volonté du Liban d’engager des discussions sérieuses sur le tracé des frontières entre les deux pays, le régime syrien a toujours éludé le dossier et refusé de s’engager sérieusement dans des négociations.
Le régime considère en effet que le Liban appartient à la Grande Syrie et souhaite dans tous les cas garder cette carte comme un outil de négociation avec les grandes puissances.
« La Syrie n’a jamais fourni au Liban une reconnaissance détaillée avec des cartes terrestres et aériennes confirmant que les fermes de Chebaa et les collines de Kfarchouba étaient libanaises », dit un ancien ministre, sous couvert d’anonymat, qui était membre de la commission libano-syrienne créée en 2008 pour régler la question de la délimitation des frontières.
La question des fermes de Chebaa est donc un litige syro-libanais avant d’être un conflit libano-israélien.
Les propos de Frederic Hof interviennent dans le contexte d’un nouveau litige frontalier entre la Syrie et le Liban, concernant cette fois-ci l’espace maritime. Le régime syrien a récemment signé un contrat d’exploration avec une compagnie russe qui déborde dans la zone économique exclusive du Liban.
« Les Russes vont certainement jouer les médiateurs entre la Syrie et le Liban sur le dossier des délimitations des frontières », dit un homme politique opposé au Hezbollah.
Les propos de l’ex-médiateur américain résonnent aussi forcément avec la situation concernant la démarcation de la frontière maritime entre le Liban et Israël. Le Liban revendique désormais un droit sur 1 430 km2 supplémentaires en dehors de la zone contestée entre les deux pays.
Le président Michel Aoun a refusé pour le moment de signer un décret affirmant la souveraineté du Liban sur cette zone. « C’est la même situation que pour les fermes de Chebaa.
Certaines forces veulent que la zone reste conflictuelle, pour justifier leur résistance contre Israël », dit l’homme politique précité, en allusion au Hezbollah. « Si le Liban s’obstine avec ses demandes maximalistes, il n’y aura pas d’accord avec Israël et le pays passera à côté des potentielles ressources gazières, comme il est passé à côté des fermes de Chebaa », résume un diplomate américain qui a souhaité garder l’anonymat.
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