mardi 16 février 2021

Allemagne: le "Réseau pour la liberté universitaire", un réseau pour la réhabilitation d'Hitler


Soixante-dix universitaires allemands ont fondé le 'Réseau pour la liberté de l'enseignement' le 3 février. Même si cette organisation consiste simplement en un site Web vide, d'un bref communiqué de presse et d'une liste de noms, les grands médias lui ont réservé un large espace publicitaire. 'La création du Réseau a reçu plus de reconnaissance dans les médias grand public que presque tout autre événement politique dans le milieu universitaire ces derniers mois', a écrit le quotidien Süddeutsche Zeitung.........Détails........

Si les fondateurs du réseau étaient tant soit peu francs, ils nommeraient leur organisation 'Réseau pour la réhabilitation d'Adolf Hitler'. Ils cherchent à cacher leurs véritables objectifs derrière un barrage de propagande. 
Ils se présentent, dans un communiqué de presse, comme une minorité persécutée dont les 'positions et opinions' ont été ' marginalisées et moralement condamnées' et se plaignent de 'restrictions à la liberté universitaire', qui 'ont souvent une motivation idéologique ou politique'.
En réalité, les initiateurs du réseau sont des professeurs qui peuvent exprimer leurs opinions où et quand ils le souhaitent. 
Ils ont accès à des facultés universitaires bien financées, en tant qu’universitaires titulaires ils ne peuvent être licenciés et ils ont un accès illimité aux médias. Leur réseau ne vise pas à défendre la liberté universitaire, mais plutôt à supprimer toute critique de leur politique droitière.
Si l'on leur demande de citer des 'exemples concrets' de personnes qui ont été écartées pour des 'positions marginales', la réponse inévitable est Jörg Baberowski, qui est devenu la principale voix universitaire de l'extrême droite ces dernières années et qui est également membre de ce réseau.
Il est grotesque de dépeindre l'historien basé à Berlin comme la victime d'une attaque contre la liberté universitaire. Il est lui-même responsable de la persécution impitoyable de ses détracteurs. 
Il a banni les étudiants de réunions publiques, les a traînés devant les tribunaux, les a insultés gratuitement et les a menacés de violence pour avoir contredit ses opinions d'extrême droite. 
Une vidéo largement diffusée montre Baberowski en train de déchirer les affiches électorales de l'International Youth and Students for Social Equality et menacer son porte-parole, Sven Wurm, d'un poing levé, déclarant: 'Tu veux que je te casse la figure?'
Baberowski calomnie également les spécialistes de sa discipline lorsqu'ils osent le critiquer. Pas même une semaine ne s'est écoulée après la formation du réseau avant que le premier d'entre eux ne s'exprime publiquement. 
Jan Plamper, professeur d'histoire au Goldsmith's College de Londres, a décrit (article en allemand) sur le blog du journal Merkur comment il avait été 'annulé' par Baberowski. 
Baberowski a cherché à écarter Plamper de la rédaction d'un projet commun après qu’il ait exprimé des critiques à son égard.
La station de radio publique Deutschlandfunk Kultur a diffusé une émission les 1er et 2 février intitulée 'Dispute autour de l'historien basé à Berlin: on essaie de faire taire Jörg Baberowski'. 
Il s'agissait là d'une attaque méprisable contre l'IYSSE (Jeunes et Étudiants internationaux pour l'égalité sociale) se servant de déformations, falsifications et mensonges tout court, et qui violait les normes les plus élémentaires de la pratique journalistique. 
L’émission a évidemment été préparée en collaboration avec les fondateurs du ‘Réseau’. Il n'y avait pas pour elle d’autre raison contemporaine – les incidents abordés remontent pour nombre d’entre eux à plusieurs années. L'auteur, Sebastian Engelbrecht, s'était précédemment distingué en tant que défenseur de Baberowski.
Baberowski et ses adeptes sont furieux contre l'IYSSE, car ses membres ont été les seuls à avoir sonné l'alarme il y a sept ans lorsque Baberowski a affirmé dans Der Spiegel qu'Hitler n'était 'pas cruel'.
Grâce à une lutte intense pour clarifier les faits, Baberowski est considéré aujourd'hui par la grande majorité des étudiants et du grand public pour ce qu'il est: un professeur d'extrême droite qui minimise les crimes de la Wehrmacht, défend Hitler, agite contre les réfugiés et est couvert d'éloges par le parti d'extrême droite Alternative pour l'Allemagne (AfD), les néo-nazis et Breitbart News. 
Quand Baberowski tenta de poursuivre le conseil étudiant de Brême et l'IYSSE, les tribunaux ont confirmé qu'il pouvait légitimement être décrit comme un extrémiste de droite.
Malgré tous les efforts déployés par les administrations universitaires, les professeurs, les politiciens et les médias pour défendre le professeur d'extrême droite, sa réputation a été largement ruinée. Le nouveau réseau s'intéresse donc moins à Baberowski en tant qu'individu qu'au projet qu'il cherche à réaliser depuis des années – la réhabilitation d'Hitler. 
Il est nécessaire de revenir en arrière sur le début de la polémique avec Baberowski en 2014 pour comprendre la portée de cette question.

Baberowski défend Hitler

Le 10 février 2014, Der Spiegel publia 'Transformation du passé', de Dirk Kurbjuweit, plus tard traduit en anglais par 'Les questions de culpabilité pour la Première Guerre mondiale divisent toujours les historiens allemands'. 
L'article poursuivait l'objectif autoproclamé de 'réévaluer la question de la culpabilité allemande' – c'est-à-dire de réévaluer les crimes de l'Allemagne dans les deux guerres mondiales – 100 ans après le déclenchement de la Première Guerre mondiale et 75 ans après le déclenchement de la Seconde Guerre mondiale.
La publication coïncidait avec un tournant décisif de la politique étrangère allemande. 
Un an plus tôt, 50 représentants de la politique, du monde universitaire et des médias avaient rédigé un document (article en anglais), 'Nouveau pouvoir, nouvelles responsabilités', sous l'égide de l'Institut allemand des affaires internationales et de sécurité (SWP), qui appelait à la renaissance d'une politique étrangère allemande militariste et impérialiste. 
Lors de la Conférence de Munich sur la sécurité, qui s'est tenue en même temps que la publication de l'article de Der Spiegel, la ministre de la Défense Ursula Von der Leyen, le ministre des Affaires étrangères Frank-Walter Steinmeier et le président Joachim Gauck d’alors avaient chacun plaidé énergiquement en faveur de ce cours.
Comme l'a fait remarquer l'IYSSE à l'époque, dans une lettre ouverte à l'administration de l'Université Humboldt, 'la renaissance du militarisme allemand nécessite une nouvelle interprétation de l'histoire qui minimise les crimes de l'ère nazie. Telle était la tâche de l'article de Der Spiegel.
Kurbjuweit interviewa le politologue Herfried Münkler afin de minimiser la responsabilité de l'Allemagne dans la Première Guerre mondiale. Cette tâche fut beaucoup plus difficile à accomplir quant à la Seconde Guerre mondiale, car il est pratiquement impossible de nier que l'initiative de la guerre est venue de l'Allemagne. 
Kurbjuweit s'est basé sur Ernst Nolte et Baberowski sur cette question.
Nolte, qui est décédé depuis, a déclenché la soi-disant querelle des historiens (Historikerstreit) en 1986 en affirmant que le nazisme était une réaction malheureuse mais compréhensible au bolchevisme, une affirmation associée par la suite à l'extrême droite. 
Dans une interview à Der Spiegel, Nolte a accusé la Grande-Bretagne et la Pologne de porter la responsabilité conjointe de l'attaque d'Hitler de 1939 contre la Pologne qui déclencha la Seconde Guerre mondiale. Il a également attribué aux Juifs 'une part de responsabilité pour le Goulag', parce que de nombreux bolcheviks étaient juifs.
Baberowski a défendu Nolte en 2014. 'Nolte a été victime d'une injustice. Historiquement parlant, il avait raison ', a-t-il commenté dans Der Spiegel. Mais il est allé bien au-delà de tout ce que Nolte avait déclaré lorsqu'il a dit à propos d'Hitler: 
'Hitler n'était pas un psychopathe et il n'était pas cruel. Il ne voulait pas que les gens parlent de l'extermination des Juifs à sa table. Staline, en revanche, était ravi d'ajouter des noms et d’apporter sa signature aux les listes des condamnés à mourir. Il était cruel. C'était un psychopathe.'
Le mouvement trotskyste comprenait déjà que Staline était un meurtrier brutal lorsque Baberowski, alors maoïste, défendait toujours Staline et collectait des fonds pour le meurtrier de masse Pol Pot, étant donné que les opposants de gauche et d'autres socialistes étaient les principales victimes de Staline. 
Mais dépeindre Hitler sous un jour 'relativement' positif est une forme de la falsification historique la plus obscène, comparable à la négation de l'Holocauste.
Il était significatif qu’en 2014, personne, à part l’IYSSE et le Sozialistische Gleichheitspartei (Parti de l’égalité socialiste, SGP), n’ait répondu à la déclaration de Baberowski. 
En 1986, les formulations beaucoup plus vagues de Nolte avaient déclenché une tempête de protestations, qui a entraîné son discrédit en tant que chercheur. Aujourd'hui, le 'Réseau pour la liberté universitaire' souhaiterait la bienvenue à Nolte en tant que membre honoraire et le décrirait comme une victime présumée de 'la culture d'annulation'.
La déclaration de Baberowski n’était pas seulement une falsification pure et simple de l’histoire, mais elle a aussi banalisé la dictature nazie, car la cruauté personnelle d’Hitler a joué un rôle important dans ses crimes.
Peter Longerich a écrit dans sa biographie d'Hitler en 2015 que la personnalité de ce dernier 'a non seulement (joué) un rôle qui ne doit pas être sous-estimé dans les décisions politiques importantes, mais aussi (co-déterminé) l'essence de sa politique. 
À un moment donné, Longerich décrit graphiquement comment Hitler s'est personnellement rendu à Munich pendant le ' putsch contre Röhm ' pour prononcer des condamnations à mort arbitraires contre d'anciens camarades d'armes.
Dans sa biographie d'Hitler, Ian Kershaw décrit la sauvagerie avec laquelle Hitler a exécuté les dirigeants de la tentative d'assassinat du 20 juillet 1944 après qu’ils aient été torturés en prison et humiliés devant le ‘Tribunal du peuple’: 'Le mode normal d'exécution des civils accusés de crimes capitaux sous le Troisième Reich étaient la décapitation. 
Mais Hitler avait ordonné qu'il voulait que les auteurs de la conspiration du 20 juillet 1944 'soient pendus, suspendus comme des carcasses de viande'.
Sur ordre d'Hitler et de Goebbels, les exécutions ont été filmées et photographiées. 
Kershaw écrit: 'Les condamnés furent amenés, menottés et portant des pantalons de prison… La pendaison fut effectuée dans les 20 secondes suivant l'entrée du prisonnier dans la pièce. 
La mort n'a cependant pas été immédiate. Parfois, cela venait rapidement, dans d'autres cas, l'agonie était lente et durait plus de 20 minutes. Dans une obscénité gratuite supplémentaire, certains des condamnés ont eu le pantalon baissé par leurs bourreaux avant de mourir. 
Et sans cesse, la caméra tournoyait. Les photographies et le film macabre furent envoyés au QG du Führer. Speer a rapporté plus tard avoir vu une pile de ces photographies éparpillées sur la table de cartes d'Hitler lors de sa visite au QG le 18 août'.
Baberowski, qui se spécialise dans la recherche sur la violence, connaît bien ces questions. Lorsqu'il affirme tout en sachant que cela n’est pas vrai, que, 'Hitler n'était pas cruel', cela équivaut à une banalisation délibérée d'Hitler et de la dictature nazie.
Son affirmation que l'extermination des Juifs n'a pas été discutée à la table d'Hitler est également de la falsification pure et simple. 
Il existe d'innombrables extraits des 'discussions de table' enregistrées par Hitler à son quartier général entre l'été 1941 et le début de 1942, dans lesquelles il dénonce avec colère les Juifs et veut que l'Europe soit 'libérée des Juifs' avant la fin de la guerre.
Le plus grand crime des nazis, le meurtre de six millions de Juifs, a été directement initié et ordonné par Hitler, comme le prouve Longerich. 
Celui-ci écrit dans le résumé de sa biographie: 'C'est Hitler qui a pris les décisions fondamentales concernant la colonisation des régions conquises par les colons allemands et 'germaniques', et la persécution des habitants autochtones, et c'est lui qui au printemps et au début de l'été 1942 a déterminé les mesures qui conduiraient à l'extermination des juifs européens pendant la guerre.'

Le retour du fascisme

Le nouveau ‘Réseau’ a été créé pour justifier, sous le faux drapeau de la 'liberté universitaire', ces crimes historiques sans précédent. Le fait que 70 professeurs y aient adhéré montre que les idées d’extrême-droite et fascistes gagnent du terrain parmi les universitaires.
La liste de ses membres recoupe dans une large mesure celle des signataires de 'l'Appel pour des espaces libres de débat' de décembre dernier, signé par des extrémistes de droite comme Monika Maron, Vera Lengsfeld et Matthias Matussek. Aux côtés de personnalités de droite bien connues, comme Peter Hoeres, Egon Flaig et Andreas Rödder, les fondateurs du ‘Réseau’ comprennent des universitaires qui évoluent rapidement vers la droite sous la pression de la crise sociale.
Quiconque croit que le retour du fascisme en Allemagne est impossible, est aveugle. Le parti d'extrême droite AfD joue un rôle majeur dans la politique allemande pour la première fois depuis les nazis. Hitler compte de nombreux admirateurs dans une élite dirigeante qui prépare maintenant systématiquement sa réhabilitation.
Partout dans le monde, la bourgeoisie se tourne de plus en plus ouvertement vers des formes de gouvernement autoritaires et fascistes. 
Aux États-Unis, la plus ancienne démocratie occidentale, un président en exercice a pour la première fois organisé depuis la Maison Blanche une tentative de coup d'État pour empêcher l'arrivée au pouvoir de son successeur démocratiquement élu. La conspiration fasciste, dans laquelle le Parti républicain et l'appareil d'État sont profondément impliqués, se poursuit après le départ de Trump.
La bourgeoisie répond aux vives tensions sociales, encore intensifiées par la pandémie de coronavirus et la politique criminelle de faire passer les profits avant les vies humaines. 
Elle craint une rébellion sociale et se tourne, comme dans les années 1930, vers des forces fascistes pour la réprimer.
Un autre facteur est le programme massif de réarmement militaire, auquel la population dans son ensemble est fermement opposée. Bien que les dépenses militaires aient considérablement augmenté depuis 2014, l'élite dirigeante allemande insiste pour dire que cela est loin de suffire pour transformer l'Europe et l'Allemagne en puissance militaire mondiale. Une opposition généralisée à cela se développe également.
Le rôle misérable joué pendant le Troisième Reich par les mandarins titulaires de chaires d'université qui interprétaient chaque voix critique parmi les étudiants comme une insulte à l'autorité de l'État, est bien connu. 
Plusieurs ont rejoint les nazis avant 1933, tandis que les autres ne purent plus se retenir quand la victoire d'Hitler sembla hors de question. Pendant que leurs collègues juifs partaient en exil, des centaines de professeurs signaient une 'Profession de foi des professeurs d’universités allemandes pour Adolf Hitler et l'État national-socialiste'.
Dans son essai 'Le Führer protège la loi', le juriste Carl Schmitt a justifié le meurtre de 200 personnes sur les seuls ordres d'Hitler pendant le putsch contre Röhm. Il convient de noter au passage que Baberowski a dédié son dernier livre, Le Léviathan menacé, à Carl Schmitt.
L'IYSSE et le SGP ont montré qu'il était possible de résister efficacement à la montée de l'extrême droite. Bien que Baberowski ait de puissants alliés dans la politique et les médias, la lutte contre ses positions a trouvé un fort soutien parmi les étudiants et les travailleurs. 
Une telle lutte requiert l'indépendance totale vis-à-vis de tous les partis établis, y compris le Parti de gauche, et un programme socialiste.

Source Wsws
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