mercredi 24 février 2021

Négociations maritimes : la délégation libanaise attend les mesures officielles... et le consensus politique


Alors que les Libanais sont plongés dans les crises du quotidien, un dossier reste en suspens et attend un déblocage : celui des négociations sur le tracé des frontières maritimes. Celles-ci avaient commencé en force l’an dernier, après l’annonce par le président de la Chambre Nabih Berry de l’accord-cadre en octobre 2020.........Détails........

À cette époque, il avait été dit que le processus devait avancer rapidement et les spéculations avaient commencé à se multiplier sur la position du Hezbollah qui, disait-on, avait donné son aval. Mais au bout de la quatrième séance (elles se sont tenues à Naqoura), le processus a été suspendu, suite à une prise de position de la délégation libanaise, qui avait pris de court les Israéliens et les médiateurs américains.
La délégation nationale avait en effet outrepassé la revendication traditionnelle sur les 860 km2 litigieux (dans les blocs 8 et 9) entre le Liban et Israël pour évoquer, selon des cartes précises, le droit du Liban sur 1 430 km2 supplémentaires, qui englobent notamment le fameux bloc Karish, dont les Israéliens ont déjà confié la prospection et même l’exploitation à une compagnie grecque. 
La nouvelle revendication libanaise avait alors irrité les Américains, qui avaient exprimé leurs reproches aux responsables, et poussé les Israéliens à se rétracter.
Comme d’habitude, les parties politiques libanaises se sont montrées partagées sur la question, certaines appuyant à fond la délégation officielle et d’autres estimant que la nouvelle position a provoqué le blocage du processus, au moment où le Liban a particulièrement besoin de nouvelles perspectives économiques pour sortir de la crise dans laquelle il se débat.
Des sources qui suivent de près ce dossier exposent l’ensemble du processus. Selon elles, il faut d’abord savoir que contrairement aux frontières terrestres, il n’y a jusqu’à présent aucun tracé des frontières maritimes libanaises. En 2007, le gouvernement présidé par Fouad Siniora avait signé un accord avec Chypre sur le tracé des frontières maritimes entre les deux pays. 
En 2008, les commissions parlementaires des Affaires étrangères, de la Défense et des Travaux publics se sont réunies pour étudier les frontières maritimes. Elles ont achevé leurs travaux en 2009 en adoptant au Sud la ligne 23, avec la Syrie le point dit 17-7 et avec Chypre la ligne 23. 
En 2010, le gouvernement présidé par Saad Hariri a envoyé à l’ONU un document dans lequel le Liban retenait la ligne 23. Mais pour officialiser cette position, il faut une loi. 
En 2011, le gouvernement présidé par Nagib Mikati adopte une loi à ce sujet datée du 18 août 2011.
Dans cette loi, il est dit que les frontières seront délimitées par un décret d’application. Le 11 octobre 2011, le décret est publié et il confirme le travail et les conclusions du gouvernement Siniora et la démarche du gouvernement Hariri.
Toutefois, avant d’adopter la loi, le gouvernement Mikati avait fait appel à une société britannique spécialisée dans les hydrographies, le cabinet Le Bœuf. C’était d’ailleurs un des plus grands cabinets internationaux spécialisés dans le tracé des frontières maritimes. 
Ce cabinet a envoyé son rapport au gouvernement libanais le 17 août 2011, c’est-à-dire un jour avant l’adoption de la loi. Dans son rapport, le cabinet Le Bœuf affirme que la ligne 23 retenue par le Liban est fausse, il y en a deux autres plus exactes et il propose de procéder à une étude plus approfondie. 
Le cabinet Le Bœuf s’est basé dans ses conclusions sur les données fournies par le UKHGO (United Kingdom Hydro Graphic Office), l’institut hydrographique britannique qui fournit les données aux marins et organisations maritimes du monde entier. 
Mais le Liban n’a pas donné suite à cette demande. Le rapport a-t-il été soumis au Conseil des ministres ? Nul ne répond à cette question, mais, si c’est le cas, il devrait y avoir un procès-verbal de cette réunion.
L’armée en tout cas n’a eu vent de l’existence de ce rapport que quelques mois plus tard, après l’adoption de la loi et du décret d’application.
En 2014, l’armée libanaise a créé son propre bureau hydrographique et au bout de quatre ans de préparation, il entrait officiellement en fonction à partir de 2018. Il a d’ailleurs rejoint l’Organisation hydrographique internationale (OHI). 
Ce bureau commence à constituer un dossier sur les frontières maritimes qui est achevé en 2019 et dans lequel les conclusions du rapport du cabinet Le Bœuf sont reprises. 
Une fois le dossier achevé, l’armée l’a remis au Conseil des ministres. Ce qui signifie que les responsables ne peuvent pas prétendre avoir été surpris par la revendication de la délégation libanaise, qui permet au Liban de réclamer 1 430 km2 supplémentaires.
D’ailleurs, la délégation libanaise regroupe, outre les officiers, l’expert Nagib Massihi qui a longtemps travaillé auprès de la Cour internationale de justice sur le dossier des frontières maritimes. Il avait même fait gagner au Costa Rica ses revendications dans un dossier similaire.
Pourquoi, au lieu de serrer les rangs autour de la délégation libanaise, certaines voix s’élèvent-elles pour critiquer sa position ? La question mérite d’être posée, car il suffirait que le Liban amende le décret publié en 2011 et l’envoie aux Nations unies pour que sa position soit plus solide. 
Selon les sources précitées, auprès de l’ONU, tout document envoyé unilatéralement (ce qui est le cas du décret de 2011) peut être retiré et remplacé. Le Liban devrait donc agir rapidement et pour cela il faudrait soit une réunion du Conseil des ministres démissionnaire pour amender le décret, soit que le décret amendé soit signé par les ministres concernés, le président du Conseil et le chef de l’État avant d’être envoyé à l’ONU.
À la question de savoir pourquoi les différentes parties politiques n’appuient pas la position de la délégation libanaise, les sources qui suivent le dossier présentent différentes explications. 
Il se pourrait ainsi que pour certaines d’entre elles, le souci principal soit de ne pas reconnaître l’erreur commise dans le passé et d’essayer de la couvrir. Une autre explication serait qu’il s’agit essentiellement de régler de petits comptes politiques, comme c’est souvent le cas au Liban, ou encore le souci de ne pas vouloir braquer les Américains, qui jusqu’à présent appuient la position des Israéliens.
Toujours selon les sources précitées, les Israéliens ont pu convaincre les Américains que le Liban compte négocier au sujet des 860 km2 conflictuels pour finalement revenir à la ligne Hoffe qui donne au Liban près de 60 % de ces 860 km2 laissant aux Israéliens les 40 % restants. 
En présentant cette nouvelle ligne réclamant pour le Liban 1 430 km2 supplémentaires, et qui existe depuis 2011 dans ses tiroirs, le Liban a renversé l’équation : il considère que les 860 km2 litigieux sont acquis et négocie une superficie en plus. C’est désormais aux Israéliens de prouver que cette revendication n’est pas justifiée...
Pour la délégation libanaise, il s’agit en tout cas d’une question de droits nationaux qui doit être dissociée des questions politiques et, par conséquent, faire l’objet d’un consensus national...

Source L'Orient Le Jour
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