jeudi 10 décembre 2020

Imam Hassen Chalghoumi : "Je suis une cible"


Partisan du rapprochement entre communautés et du respect des valeurs républicaines, l’imam de Drancy vit sous haute protection, en exil perpétuel. Sa famille cachée à l’étranger a dû changer de nom. D’une pièce close et sécurisée, il nous a accordé un entretien exclusif sur la stratégie de conquête islamiste.......Décryptage........

Paris Match. Le ministère de l’Intérieur a annoncé des mesures contre 76 mosquées, combien de lieux de prières dispensent un discours séparatiste?
Hassen Chalghoumi. Je pense qu’il y en a davantage. C’est presque 10% des 2600 lieux de prières et mosquées en France qui nous inquiètent. Sanctionner, contrôler, fermer ces lieux est un message fort de la République dont on a besoin. Il y a au moins 147 mosquées liées aux Frères musulmans. A cela s’ajoute le salafisme et les salles de prière turques. 
On n’a pas de problèmes avec les Turcs mais ils sont très communautaristes et sous l’influence négative de la politique de Recep Erdogan. La finance saoudienne a un rôle également très inquiétant. 
Les jeunes sont plus influencés par les mosquées liées aux salafistes que par les Frères musulmans. 
Attirés par leurs codes comme la façon de s’habiller, la barbe, la polygamie, ils sont embrigadés lors des pèlerinages à La Mecque. Environ 30 000 personnes s’y rendent chaque année. Sans aucun encadrement. Le prix du voyage est aujourd’hui d’environ 5000 euros. 
Là-bas ils se retrouvent sous influence salafiste, aux travers de livres ou de rencontres. Des prêcheurs extrémistes les attendent dans leurs hôtels, à Djeddah, à la Mecque. 
Après un mois de lavage de cerveau, à leur retour en France, ils portent la barbe et la femme est voilée. Pire, ces prêcheurs les mettent en relation avec d’autres salafistes de leur département. Ils ont un véritable réseau et sont très efficaces sur internet.
Chez les Frères musulmans, l’Union des organisations islamique de France (UOIF), appelée aujourd’hui « Musulmans de France », est très présente. 
Au congrès du Bourget, ils réunissent 150 000 personnes, grâce au financement du Qatar, de la Turquie, et les soutiens dans le monde entier des Frères musulmans. 
Depuis 30 ans, ils importent le conflit israélo-palestinien par un discours victimaire. Il n’y a pas pire que ces discours sur le passé colonial, ou le conflit israélo-palestinien, pour détruire la jeunesse.
C’est triste. En 2010 devant la mosquée de Drancy, le collectif Cheikh Yacine distribuait des tracts tous les jours (ndlr :le collectif pro-palestinien, du nom d’un ancien chef du Hamas, a été dissout le 21 octobre 2020 suite à son implication dans l’attentat contre Samuel Paty à Conflans-Saint-Honorine). 
Ils me diabolisaient comme « le pion de Sarkozy », comme un « vendu à Israël et au Conseil représentatif des instituions juives en France (CRIJF) » et je ne sais quoi encore. 
Sur les tracts, ils m’accusaient de donner l’argent de la quête au CRIJF, qui le reversait à l’armée israélienne. C’est n’importe quoi. Et les jeunes le croyaient !

Quelles sont les qualités nécessaires pour devenir un imam en France, qu’il soit homme ou femme ?

Du courage. Il y a quelques années j’étais invité à Prague pour un hommage aux déportés des camps de concentration. Je rencontre un grand rabbin rescapé d’Auschwitz qui discute avec un général américain. 
Ce dernier lui demande pardon pour être arrivé trop tard. Le drame durant l’Holocauste c’est que la majorité de la population n’était pas nazie mais indifférente et silencieuse. 
On a besoin de courage. Je m‘adresse aux imams : « Oui, on risque d’être agressé, insulté, mais on ne peut pas supporter l’image que les islamistes donnent de notre religion ». 
Nos imams, nos religieux, nos conférenciers, hommes et femmes, doivent avoir le courage de s’exprimer. Le vendredi après l’attentat contre Samuel Paty, on a fait une prière pour lui à la mosquée de Drancy. J’ai eu un peu peur durant mon prêche car j’appréhendais les réactions. 
Il y avait 3 à 4000 fidèles et on ne peut pas tout contrôler. Tout le monde était debout, silencieux et a prié. Il faut avoir le courage… Et la masse des musulmans suivra. 
L’action du gouvernement est dans notre intérêt. Celui de protéger ses enfants contre l’islamisme, cette vermine qui salit les musulmans et qui transforme des enfants innocents en assassins. Comme Merah, Kouachi, Coulibaly , Anzorov...

Depuis combien de temps êtes-vous menacé sur le sol français?

Fuir à l’étranger n’a jamais été une solution pour moi. Ma femme et mes enfants sont nés en France. Mais en 2005, ils ont saccagé ma maison. C’était juste après un discours au mémorial de la Shoah. 
En 2009, j’ai écrit un article pour dénoncer l’importation du conflit israélo-palestinien en France. Ils ont brûlé ma voiture. A partir de 2010, des manifestations étaient régulièrement organisées contre moi. Ils filmaient ma maison et ma famille. 
Des membres du collectif Cheikh Yassine ont réussi à entrer chez moi. En 2012, Merah a tué une petite fille de six ans, Myriam. J’ai pleuré et prié devant sa tombe à Jérusalem. Ma fille s’appelle Myriam aussi.
S’ils n’arrivent pas à m’avoir, ces gens-là peuvent s’en prendre à ma famille. En 2013, ils nous ont agressés en Tunisie, ont insulté ma femme et lui ont craché dessus. 
En 2014, je n’ai pas eu le choix. J’ai dû trouver une solution pour les mettre à l’abri à l’étranger et sous un autre nom. Je passe quatre à cinq mois sans les voir et les appelle au téléphone tous les jours. Je me déplace tout le temps et je vis en exil permanent. 
C’est le prix pour défendre la liberté.
En 2015, après les attentats de Charlie, l’Etat islamique a prononcé une fatwa pour appeler à m’assassiner. Je n’oublierai jamais les paroles d’un de mes officiers de sécurité, le 13 novembre 2015. 
J’étais à la maison quand les attentats ont commencé. Du Stade de France à Drancy, il n’y a même pas quinze minutes de trajet. Des CRS étaient positionnés devant la maison. 
L’officier de sécurité est arrivé et m’a fait monter à l’étage en me disant: « Imam, ils ne passeront jamais tant que je serais vivant. » Trois individus cagoulés et armés étaient venus devant chez moi pour m’assassiner… Je suis menacé à vie. C’est comme ça.

Dans quel pays vit votre famille aujourd’hui ?

Ils sont quelque part… En sécurité. J’en veux à certains hommes politiques qui ne m’ont pas cru quand je les ai alertés, il y a quelques années. Je suis un homme de dialogue, j’emmène des jeunes au mémorial de la Shoah, en Israël, en Palestine. Je dialogue avec toutes les communautés. 
J’ai invité Charlie Hebdo à la mosquée… Il faut que la République prenne désormais ses responsabilités. Aujourd’hui, il y a des premiers engagements. La peur doit changer de camp. Chaque personne qui nous menace doit avoir peur de la loi.

Vous dites que la République prend des engagements forts. Pourtant quelque 63 individus condamnés pour terrorisme ont été libérés de prison cette année. Une soixantaine sortira encore en 2021…

Je pense que condamner à cinq ans de prison un individu qui est parti ou a voulu partir assassiner et violer des Yezidis ou des chrétiens en Irak, c’est une honte. Il ne doit pas sortir. 
En mars 2016, l’un des assassins du père Hamel à Saint-Etienne du Rouvray, portait un bracelet électronique. Cela n’a pas empêché ce criminel d’égorger un prêtre. Ces individus n’ont plus leur place dans la société. Je ne crois pas à la déradicalisation. 
Un islamiste, c’est un islamiste. Il est dangereux. Le gouvernement doit être plus ferme de ce point de vue. Les services de renseignements ne peuvent pas faire de miracles pour surveiller tout le monde. 
Les personnes radicalisées qui sortent de prison, comme l’attaquant de Vienne en Autriche, ont subi un lavage de cerveau pour mourir en martyr. Ils ne doivent pas sortir. Sinon il y aura toujours d’autres attentats et d’autres victimes.

Savez-vous comment on appelle l’aumônier musulman dans les prisons françaises ? « L’imam juif »… Est-ce un combat perdu d’avance ?

C’est incroyable. C’est terrible. Il faut un courage énorme. Lorsqu’ils me nomment « l’imam juif », c’est un honneur pour moi. Ma fille dit « mon papa est l’imam de tout le monde ». 
Cette haine est animée à 90% par de l’antisémitisme. Il existe en France un antisémitisme incroyable. Lorsque je parle des islamistes dans mes prêches, 80% des fidèles sont d’accord avec moi. 
Mais si je parle des Juifs, 80% sont contre moi. Il y a un travail énorme à faire. Regardez Hypercasher, Merah ou Mehdi Nemmouche. Ils ont attaqué directement les juifs…

Comment expliquez-vous cet antisémitisme chez les musulmans ?

L’islam politique est très puissant et organisé depuis une trentaine d’années. Les Frères musulmans ont fait de la cause palestinienne la colonne vertébrale de leur action. Je vais vous donner un exemple : Imaginons que vous récoltez 1000 euros lors de la quête du vendredi, dans n’importe quelle mosquée de France. Si vous faites la quête pour Gaza, vous récolterez dix fois plus. 
C’est incroyable, la présence de la cause palestinienne dans le discours des prêcheurs de haine sur les réseaux sociaux et dans les médias arabes. La plupart des gens qui cultivent la haine des Juifs ne fréquente même pas la mosquée. Le nationalisme arabe depuis 60 ans nous a fait beaucoup de tort. C’est l’arbre qui cache la forêt. 
Quand on nomme un aumônier comme ‘l’imam juif’, cela signifie qu’il est dans la machine sioniste, au service des Juifs. On rejoint le discours victimaire. Pour eux, l’Etat français, comme l’Etat américain, est au service des Juifs.

Où sont situés les lieux de prières qui vous inquiètent en France ?

Il y a Mantes-la-Jolie, Lille, La Courneuve, Saint-Denis, Bondy. Dans ces villes l’islamisme est très présent. Je n’ai pas envie de toutes les nommer, sinon j’aurai des plaintes des maires. 
Mais c’est énorme. J’étais invité il y a trois ans dans une église à Dijon, avec un rabbin, dans un contexte interreligieux. Je me suis retrouvé à l’issue de la rencontre face à des drapeaux palestiniens. 
En 2019, je suis allé en Israël et en Palestine avec 35 jeunes de France et cinq de Molenbeek en Belgique. 
A notre retour, j’étais face à une manifestation pro-palestinienne à l’aéroport, contre « Chalghoumi le collabo », « le vendu ». Il faut mettre fin à cette haine en France.

A Nice, l’attentat contre la basilique Notre Dame a été perpétré par un Tunisien qui venait d’arriver en France deux jours auparavant… Quelle est votre réaction en tant que Tunisien?

La Tunisie est le berceau des communautés. Il y a 2000 ans d’histoire du judaïsme en Tunisie. Vous avez la cathédrale de Carthage que vous voyez en arrivant de Marseille. C’est magnifique. 
La mosquée de Kairouan est ancienne de quatorze siècles. J’aimais la Tunisie de Bourguiba, le pays de la sérénité et de la modernité pour toutes les communautés. Je ne me reconnais pas dans la Tunisie d’aujourd’hui. En dix ans on a laissé faire l’islamisme, les ingérences étrangères et la déstabilisation causée par le conflit libyen. 
Cette même Tunisie a envoyé 3000 djihadistes en Irak. C’est une honte. Brahim Aouissaoui, l’auteur de l’attaque de Nice, avait 21 ans et venait de la périphérie de Sfax, une grande ville avec une activité économique. Il ne faisait la prière que depuis six mois. 
Il a grandi durant le printemps arabe, ce fameux printemps arabe dont on voit les conséquences. Il sort de Tunisie sans passeport pour venir en Europe en passant par Lampedusa, l’Italie puis arrive à Nice. Il sait où aller et a déjà repéré la cathédrale. 
Il connaît les lieux et dispose de couteaux. Je pense que c’était programmé dès le début, en Tunisie ou en Italie. Il passe à l’acte parce qu’un discours l’a préparé à cela et parce qu’il a été financé. Un loup solitaire cela n’existe pas.

Source MSN (Paris Match)
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