mardi 22 septembre 2020

Un cas probable de maladie de Parkinson après infection par le SARS-CoV-2


Ce cas clinique est rapporté par des neurologues israéliens dans un article accessible en ligne et destiné à paraître dans le numéro daté du 1er octobre 2020 dans la revue Lancet Neurology. C’est l’histoire d’un homme de 45 ans hospitalisé en mars 2020 pour une toux sèche et des douleurs musculaires. Quelques jours auparavant, il avait remarqué une perte de l’odorat (anosmie).......Détails.......



Ses symptômes ont débuté six jours plus tôt, le surlendemain de son retour d’un week-end prolongé passé aux États-Unis. 
Il pourrait avoir été exposé au coronavirus SARS-CoV-2 lors du vol de retour en Israël car il occupait dans l’avion un siège juste devant un passager qui toussait fréquemment.
Ce patient a dans ses antécédents médicaux une hypertension artérielle pour laquelle il suit un traitement et un asthme traité par salbutamol. Un test PCR de détection du SARS-CoV-2 réalisé sur un prélèvement nasopharyngé revient positif.
Lors de son hospitalisation, cet homme présente des difficultés respiratoires, des douleurs thoraciques, de la fatigue, mais n’est pas fiévreux. Il est traité par inhalations de salbutamol, mais il n’est nécessaire de recourir à une supplémentation en oxygène ou à la ventilation mécanique. Il est ensuite placé en isolement à l’hôpital dans une unité Covid. 
Huit jours après son admission, un test PCR du SARS-Co-V2 effectué sur un nouveau prélèvement nasopharyngé revient négatif, de même qu’un second réalisé cinq jours plus tard.

Trouble de l’écriture

Lors de la période d’isolement d’une durée de trois semaines, le patient remarque un changement de son écriture. Les lettres sont plus petites qu’à l’habitude. 
Ce qu’il écrit est moins lisible qu’à l’accoutumée. Cet homme commence à avoir des difficultés à parler et à écrire des SMS sur son téléphone portable. Par ailleurs, sa main droite est prise de tremblements.
À son retour à domicile, les symptômes persistent. Le patient est alors admis dans le service de neurologie du centre médical Shaare Zedek de Jérusalem, soit environ deux mois après avoir été diagnostiqué positif pour le SARS-CoV-2.
À l’examen clinique, les neurologues observent que le patient présente une hypomimie, autrement dit une diminution et un ralentissement des mouvements expressifs et des jeux de physionomie qui accompagnent normalement les émotions. Son élocution est ralentie et faible. 
Les médecins notent également un phénomène dit de « roue dentée », c’est-à-dire une résistance cédant par à-coups lors de mouvements du cou et du bras droit. Il existe également, du côté gauche, une lenteur des mouvements volontaires des extrémités des membres (bradykinésie). La démarche est un peu lente, sans balancement du bras droit.
Au cours des neuf jours que dure son hospitalisation, le patient se plaint de tremblements des membres inférieurs, plus importants à droite qu’à gauche, ainsi que de troubles urinaires (mictions fréquentes).
Le patient n’apparaît pas diminué sur le plan cognitif (score du Montreal Cognitive Assessment de 28 sur un total de 30) mais éprouve néanmoins la sensation que ses capacités cognitives sont en-deçà ce qu’elles sont habituellement.
Les analyses sanguines ne montrent rien de particulier. Après ponction lombaire, l’examen du liquide céphalo-rachidien (LCR) montre une pléiocytose, à savoir la présence de cellules dans l’échantillon de LCR observé au microscope. Alors que l’on observe généralement moins de 5 globules blancs par microlitre dans le LCR, le patient en présente 6 par microlitre (pléiocytose lymphocytaire « borderline »).

Anticorps anti-SARS-CoV-2 dans le liquide céphalo-rachidien

La présence d’anticorps IgG dirigés contre le SARS-CoV-2 est détectée dans le sang (sérum) du patient, mais la technique PCR ne décèle pas de traces du coronavirus dans le liquide céphalo-rachidien (LCR). La recherche dans le sérum et le LCR d’anticorps antineuronaux*, généralement identifiés dans des syndromes neurologiques, s’avère négative.
Le scanner cérébral et l’imagerie par résonance magnétique (IRM) du cerveau sont normaux. 
En revanche, la scintigraphie (PET-scan à la F-Dopa), examen d’imagerie permettant d’étudier la transmission de la dopamine, détecte une anomalie. Il existe en effet une diminution de captation de ce neurotransmetteur, indispensable au contrôle des mouvements, de chaque côté du cerveau dans une région appelée putamen et probablement dans une autre zone (noyau caudé).
Les médecins procèdent également à une analyse génétique chez ce patient, juif ashkénaze. 
En effet, un tiers des ashkénazes atteints de la maladie de Parkinson sont porteurs d’une mutation sur les gènes GBA (responsable de la synthèse de l’enzyme β-glucocérébrosidase) ou LRRK2 (Leucine-Rich Repeat Kinase 2). La recherche de mutations sur ces deux gènes et de 62 autres mutations, connues pour être associées à cette maladie neurodégénérative, se révèle négative. On ne peut cependant exclure que le patient soit porteur d’une mutation plus rare qui interférerait avec le SARS-CoV-2. 
Par ailleurs, il n’existe pas de cas de maladie de Parkinson dans la famille du patient et ce dernier n’a pas été exposé à des neurotoxines ou des substances illicites.
Sur la base des données cliniques, biologiques et de l’imagerie cérébrale, les neurologues concluent que leur patient souffre probablement de la maladie de Parkinson. 
Selon les neurologues, « l’association temporelle entre l’épisode d’infection par le SARS-CoV-2 et les symptômes parkinsoniens, apparus lors de l’infection aiguë, est intrigante ». 
Un traitement antiparkinsonien (pramipexole) a entraîné une amélioration rapide des signes cliniques et du ressenti du malade.
Reste à savoir quel mécanisme physiopathologique sous-tend la dégénérescence des neurones sécréteurs de dopamine chez ce patient parkinsonien. Présente-il une prédisposition génétique rendant les neurones dopaminergiques plus vulnérables à une agression biochimique (stress oxydatif et dysfonctionnement mitochondrial) ? 
Une autre hypothèse serait que le virus provoque une inflammation de cellules non neuronales (activation de cellules gliales), contribuant à l’accumulation de protéines toxiques et à la dégénérescence neuronale. Le court laps de temps entre l’infection virale aiguë par le SARS-CoV-2 et la survenue des symptômes parkinsoniens ne plaident cependant pas pour cette hypothèse, soulignent Mikhal Cohen et ses collègues neurologues. 
Et d’ajouter qu’un scénario « coup double » (dual-hit hypothesis) a déjà été proposé, selon lequel la maladie neurodégénérative résulterait de l’interaction entre une prédisposition génétique et un facteur environnemental. Ces deux phénomènes aboutiraient à la mort neuronale sous l’action conjointe d’un stress cellulaire toxique et d’une inhibition des mécanismes de défense au sein du tissu nerveux.

Virus et maladie de Parkinson

Les neurologues israéliens font remarquer qu’une perte de l’odorat est souvent observée chez les personnes atteintes de la maladie de Parkinson. Il est ainsi possible que des perturbations au niveau du bulbe olfactif soient impliquées. Cette structure, située sous le cerveau, reçoit les axones des neurones de l’épithélium olfactif qui traversent le toit des fosses nasales. 
Une activation du système immunitaire dans le bulbe olfactif pourrait conduire à la production de formes toxiques d’une protéine principalement produite dans le système nerveux, l’alpha-synucléine. 
Cette protéine anormale, qui a la particularité de former des agrégats, finirait par tuer les neurones producteurs de dopamine, provoquant ainsi l’apparition de la maladie neurodégénérative.
Les auteurs rappellent qu’une maladie de Parkinson ou des syndromes parkinsoniens ont été rapportés après des infections virales. C’est le cas du virus de la grippe (virus influenza A), du virus d’Epstein-Barr (EBV), du virus varicelle-zona (VZV), de celui de l’hépatite C (VHC), du virus du sida (VIH), du virus de l’encéphalite japonaise, ou encore du virus du Nil occidental (West Nile virus). 
Enfin, des études ont montré que les patients souffrant de la maladie de Parkinson présentent dans le liquide céphalo-rachidien un taux d’anticorps dirigés contre les coronavirus saisonniers (responsables du rhume banal) plus élevé que celui détecté chez des sujets sains témoins.
Et les neurologues d’évoquer une toute dernière hypothèse, à savoir que « le SARS-CoV-2 a pu pénétrer dans le système nerveux central », une possibilité ne pouvant être totalement exclue compte tenu de l’atteinte olfactive et de la présence de globules blancs dans le liquide céphalo-rachidien, concluent-ils.

Marc Gozlan

* Absence des anticorps antineuronaux anti-GABAB-R de type B (γ-aminobutyric acid receptor type B), anti-NMDA-R (N-methyl-d-aspartate receptor), anti-CASPR2 (contactin-associated protein-like 2), anti-AMPA-R de type 1 (α-amino-3-hydroxz-5-methyl-4-isoxazolepropionic acid receptor type 1), anti-LGI1 (Leucine-rich Glioma-Inactivated protein 1). Ces anticorps sont dirigés contre des cibles (récepteurs, protéines) présentes à la surface des neurones.

Source Le Monde
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