dimanche 1 mars 2020

La respiration du temps dans l'image chez Georges Didi-Huberman


Dans "Eparses", l'historien et philosophe Georges Didi-Huberman, interroge la mémoire et fait entrer le lecteur dans le ghetto de Varsovie par l'intermédiaire de textes et d'images. C’est le récit d’une épreuve qui passe par l’écriture, afin de « soulever la douleur qui vous accable ».......Détails........


L’auteur, Georges Didi-Huberman, né en 1953 à Saint-Étienne, est de ceux qui nous laissent entrevoir la respiration du Temps dans l’image, il ne craint pas de faire sa part à l’imagination. 
Il préfère d’ailleurs aujourd’hui se présenter comme un anthropologue de l’image, plutôt que comme philosophe et historien de l’art. 
Dans Eparses, l'historien et philosophe interroge la mémoire et fait entrer le lecteur dans le ghetto de Varsovie par le prisme de textes et d'images.
Chez lui, les mots et les images jouent à égalité. 
Elles sont des échantillons du monde qui inquiètent notre mémoire et travaillent de concert avec le savoir historique. 
Elles bouleversent nos états psychiques. C’est l’exploit de ce livre que de réussir à conjoindre la grande Histoire et la part intime de l’auteur. 
De nous faire voir autrement « un trésor de cris muets », après tant de témoignages et de livres parus sur le ghetto de Varsovie. Hanté depuis l’enfance par cette tragédie, « il aura fallu plusieurs décennies, écrit-il, pour qu’une petite liasse de papiers familiaux, qui dormaient dans je ne sais quel coffret, finisse par se retrouver entre mes mains ». 
Et vienne briser « le désert de silence », auquel sa mère, d’origine juive polonaise, l’avait habitué durant son enfance au sujet de ses parents déportés, dénoncés par un « bon Français », et des autres membres de la famille à jamais disparus.

ALLER AU BOUT DE CE QU’ON ÉPROUVE DEVANT DES CLICHÉS

La découverte de ces papiers jaunis - cartes d’identité, diplômes, recueils de poésies -, ravive chez l’auteur des traces enfouies de ce drame familial. Il donne en 2017 un séminaire sur l’histoire du ghetto. 
À la fin de l’un d’eux, il est interpellé par un homme qui lui montre des photographies inédites incluses dans le tas d’archives enterrées le 3 août 1942 par le célèbre historien Emanuel Ringelblum. 
Il part voir en octobre 2018 à l’Institut historique juif de Varsovie, « cette ville spectrale », ce corpus photographique et les documents appartenant à ce recueil clandestin. Il parlera à ce propos d’expérience « philologique et archéologique ». 
Le deuil met le monde en mouvement, il faut apprendre à partir pour voir, se dit-il.
Aller au bout de ce qu’on éprouve devant des clichés de vieilles archives, souvent floues, de lettres exhumées, de cartes postales, de vignettes colorées, des papiers de peu, en les photographiant. 
Devant des portraits de bourgeois bien mis ou d’un petit mendiant tirés d’un vieux classeur. 
Mais aussi devant un fragment de mur, ce qui reste aujourd’hui du mur d’enceinte du ghetto de Varsovie, photographié par l’auteur, qui a fait venir à lui, comme le titre de ce récit magnifique l’indique, quelques traces « Éparses », de ce monde enfoui, oublié, refoulé.

APPRENDRE À VOIR

Il faut garder le contact et maintenir la distance d’avec ce qui nous sépare de ce « trésor de souffrance » empilé dans un coffre et retrouvé dans un « désert de gravats », grâce à Emanuel Ringelbaum (1900-1944), et son équipe, qui a sauvegardé ces journaux intimes, affiches, billets jetés d’un train, photographies prises depuis l’intérieur du ghetto. 
Il faut « apprendre à voir malgré tout » ces visages, qui font penser à des palimpsestes. Ne pas perdre le contact. Sans forcément chercher à faire le point. 
Car cette lamentation nous enseigne une Histoire. Elle nous soulève. Et nous force à recommencer.

Eparses, Editions de Minuit, 2020, 176 p.

Source Marianne
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