dimanche 3 mars 2019

Visages de Chana Orloff, par Rebecca Benhamou


Dans un premier livre très intense et habité, Rebecca Benhamou redonne vie à l’artiste juive expressionniste Chana Orloff. Une quête et une déclaration d’admiration qui permet aussi de se replonger dans le Montparnasse des années folles......Détails........



Pour fuir l’Ukraine et ses pogroms, l’arrivée dans le Paris artiste de Montparnasse se passe vers 1910 où la jeune Chana Orloff caresse plein de possibles, mais passe d’abord un diplôme de couturière pour assurer son indépendance financière. 
Elle côtoie Soutine, Modigliani et sa femme, Jeanne, ainsi que d’autres artistes « enfants du kheder » et très vite, exposé à leurs côtés. 
Elle tombe amoureuse du peintre polonais Ary Justman, l’épouse et lui fait un enfant avant que le front, puis la grippe espagnole ne la séparent de lui définitivement.
Les années d’entre-deux-guerres, sont celles de la résilience par l’art, de la nationalisation (1926) et du féminisme avec l’appartenance au groupe des Amazones. Chana et son fils Elie échappent à la déportation en fuyant en Suisse avec des faux papiers où la sculptrice de femmes protectrices peut continuer à travailler.
En 1945, elle retrouve son atelier parisien « violé » mais elle commence son chef d’œuvre « Le Retour ». La fin des années 1940 marque le début d’un art lié à Israël (portrait de Ben Gourion …) et le rendez vous raté avec une monographie qui aurait pu éviter l’oubli…
“Chana Orloff a d’abord été une sorte d’âme errante, entrant et sortant de mon esprit à sa guise comme s’il lui suffisait de pousser une porte battante pour s’y faufiler »(p. 11), explique une Rebecca Benhamou hantée avec beauté par son sujet.
Partie en Israël comme pour répondre à un appel en rencontrant les petits enfants de Chana Orloff, l’auteure fait de la vie de cette artiste expressionniste mieux connue en son temps qu’aujourd’hui, l’objet d’un roman fort.
C’est une quête qu’elle nous présente, une enquête, qui la pousse, à Paris, à Tel-Aviv ou à Odessa, pour chercher, rencontrer, rassembler, de quoi écrire cette biographie.
La vie du Montparnasse des années 1910 et 20, la question de la condition féminine (y compris les ouvrières de paris) et celle de survivre à ceux qu’on aime, sont autant de thèmes forts qui parsèment une trajectoire autant rêvée que documentée. 
Émaillé de mots en hébreu et de vers du mari de l’héroïne, le texte n’hésite pas à se montrer lyrique et à nous faire entrer dans la peau de l’artiste.
Paradoxalement, on en sait bien plus sur l’œuvre de Chana Orloff par les éclairages des critiques et artistes (Claude Cahun, Anaïs Nin) de son temps et par ses interviews dans des journaux, que sur sa vie privée dont les traces semblent avoir disparu, à part quelques lettres à Beata Rank (la femme du psychanalyste Otto Rank). 
En final, il y a la découverte de la voix, émouvante et la sensation apaisante d’une mission remplie. L’on sort du livre avec une folle envie de voir des œuvres de Chana Orloff et de se laisser saisir par leur intensité.

Rebecca Benhamou, L’horizon a pour elle dénoué sa ceinture, Chana Orloff (1888-1967), Fayard, 295 p., 18 euros.
Vous nous aimez, prouvez-le....


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