vendredi 22 janvier 2016

Haftara Bechalah : L’âge d’or de la féminité



Le chant de Deborah nous montre une dimension plus complexe du chant à D. Comme pour Moshé, chez Deborah, le chant à D exprime l’amour de D et de soi même. Par le chant, Deborah cherche à ne plus se voir comme une victime. Mais chez Deborah ce n’est pas l’asservissement physique par l’autre qui s’oppose à l’amour de soi, c’est la rationalisation par l’esprit...




Texte de la Haftara:




Dans ce temps-là, Débora, prophétesse, femme de Lappidoth, était juge en Israël.
Elle siégeait sous le palmier de Débora, entre Rama et Béthel, dans la montagne d’Éphraïm ; et les enfants d’Israël montaient vers elle pour être jugés.
Mobilisation contre Aram
Elle envoya appeler Barak, fils d’Abinoam, de Kédesch Nephthali, et elle lui dit : N’est-ce pas l’ordre qu’a donné l’Éternel, le Dieu d’Israël ? Va, dirige-toi sur le mont Thabor, et prends avec toi dix mille hommes des enfants de Nephthali et des enfants de Zabulon ; j’attirerai vers toi, au torrent de Kison, Sisera, chef de l’armée de Jabin, avec ses chars et ses troupes, et je le livrerai entre tes mains.
Barak lui dit : Si tu viens avec moi, j’irai ; mais si tu ne viens pas avec moi, je n’irai pas.
Elle répondit : J’irai bien avec toi ; mais tu n’auras point de gloire sur la voie où tu marches, car l’Éternel livrera Sisera entre les mains d’une femme. Et Débora se leva, et elle se rendit avec Barak à Kédesch.
Barak convoqua Zabulon et Nephthali à Kédesch ; dix mille hommes marchèrent à sa suite, et Débora partit avec lui.
Héber, le Kénien, s’était séparé des Kéniens, des fils de Hobab, beau-père de Moïse, et il avait dressé sa tente jusqu’au chêne de Tsaannaïm, près de Kédesch.


Bataille du Tabor


On informa Sisera que Barak, fils d’Abinoam, s’était dirigé sur le mont Thabor.
Et, depuis Haroscheth Goïm, Sisera rassembla vers le torrent de Kison tous ses chars, neuf cents chars de fer, et tout le peuple qui était avec lui.
Alors Débora dit à Barak : Lève-toi, car voici le jour où l’Éternel livre Sisera entre tes mains. L’Éternel ne marche-t-il pas devant toi ? Et Barak descendit du mont Thabor, ayant dix mille hommes à sa suite.
L’Éternel mit en déroute devant Barak, par le tranchant de l’épée, Sisera, tous ses chars et tout le camp. Sisera descendit de son char, et s’enfuit à pied.
Barak poursuivit les chars et l’armée jusqu’à Haroscheth Goïm ; et toute l’armée de Sisera tomba sous le tranchant de l’épée, sans qu’il en restât un seul homme.


Sisera séduit puis tué par Yaël


Sisera se réfugia à pied dans la tente de Jaël, femme de Héber, le Kénien ; car il y avait paix entre Jabin, roi de Hatsor, et la maison de Héber, le Kénien.
Jaël sortit au-devant de Sisera, et lui dit : Entre, mon seigneur, entre chez moi, ne crains point. Il entra chez elle dans la tente, et elle le cacha sous une couverture.
Il lui dit : Donne-moi, je te prie, un peu d’eau à boire, car j’ai soif. Elle ouvrit l’outre du lait, lui donna à boire, et le couvrit.
Il lui dit encore : Tiens-toi à l’entrée de la tente, et si l’on vient t’interroger en disant : Y a-t-il ici quelqu’un ? tu répondras : Non.
Jaël, femme de Héber, saisit un pieu de la tente, prit en main le marteau, s’approcha de lui doucement, et lui enfonça dans la tempe le pieu, qui pénétra en terre. Il était profondément endormi et accablé de fatigue ; et il mourut.
Comme Barak poursuivait Sisera, Jaël sortit à sa rencontre et lui dit : Viens, et je te montrerai l’homme que tu cherches. Il entra chez elle, et voici, Sisera était étendu mort, le pieu dans la tempe.
En ce jour, Dieu humilia Jabin, roi de Canaan, devant les enfants d’Israël.
Et la main des enfants d’Israël s’appesantit de plus en plus sur Jabin, roi de Canaan, jusqu’à ce qu’ils eussent exterminé Jabin, roi de Canaan.


Ici commencent les séfaradim :Cantique de Débora


En ce jour-là, Débora chanta ce cantique, avec Barak, fils d’Abinoam :
Des chefs se sont mis à la tête du peuple en Israël, Et le peuple s’est montré prêt à combattre : Bénissez-en l’Éternel !
Rois, écoutez ! Princes, prêtez l’oreille ! Je chanterai, oui, je chanterai à l’Éternel, Je chanterai à l’Éternel, le Dieu d’Israël.
O Éternel ! quand tu sortis de Séir, Quand tu t’avanças des champs d’Édom, La terre trembla, et les cieux se fondirent Et les nuées se fondirent en eaux ;
Les montagnes s’ébranlèrent devant l’Éternel, Ce Sinaï devant l’Éternel, le Dieu d’Israël.
Au temps de Schamgar, fils d’Anath, Au temps de Jaël, les routes étaient abandonnées, Et ceux qui voyageaient prenaient des chemins détournés.
Les chefs étaient sans force en Israël, sans force, Quand je me suis levée, moi, Débora, Quand je me suis levée comme une mère en Israël.
Il avait choisi de nouveaux dieux : Alors la guerre était aux portes ; On ne voyait ni bouclier ni lance Chez quarante milliers en Israël.
Mon coeur est aux chefs d’Israël, A ceux du peuple qui se sont montrés prêts à combattre. Bénissez l’Éternel !
Vous qui montez de blanches ânesses, Vous qui avez pour sièges des tapis, Et vous qui marchez sur la route, chantez !
Que de leur voix les archers, du milieu des abreuvoirs, Célèbrent les bienfaits de l’Éternel, Les bienfaits de son conducteur en Israël ! Alors le peuple de l’Éternel descendit aux portes.
Réveille-toi, réveille-toi, Débora ! Réveille-toi, réveille-toi, dis un cantique ! Lève-toi, Barak, et emmène tes captifs, fils d’Abinoam !
Alors un reste du peuple triompha des puissants, L’Éternel me donna la victoire sur les héros.
D’Éphraïm arrivèrent les habitants d’Amalek. A ta suite marcha Benjamin parmi ta troupe. De Makir vinrent des chefs, Et de Zabulon des commandants.
Les princes d’Issacar furent avec Débora, Et Issacar suivit Barak, Il fut envoyé sur ses pas dans la vallée. Près des ruisseaux de Ruben, Grandes furent les résolutions du cœur !
Pourquoi es-tu resté au milieu des étables A écouter le bêlement des troupeaux ? Aux ruisseaux de Ruben, Grandes furent les délibérations du cœur !
Galaad au delà du Jourdain n’a pas quitté sa demeure. Pourquoi Dan s’est-il tenu sur les navires ? Aser s’est assis sur le rivage de la mer, Et s’est reposé dans ses ports.
Zabulon est un peuple qui affronta la mort, Et Nephthali de même, Sur les hauteurs des champs.
Les rois vinrent, ils combattirent, Alors combattirent les rois de Canaan, A Thaanac, aux eaux de Meguiddo ; Ils ne remportèrent nul butin, nul argent.
Des cieux on combattit, De leurs sentiers les étoiles combattirent contre Sisera.
Le torrent de Kison les a entraînés, Le torrent des anciens temps, le torrent de Kison. Mon âme, foule aux pieds les héros !
Alors les talons des chevaux retentirent, A la fuite, à la fuite précipitée de leurs guerriers.
Maudissez Méroz, dit l’ange de l’Éternel, Maudissez, maudissez ses habitants, Car ils ne vinrent pas au secours de l’Éternel, Au secours de l’Éternel, parmi les hommes vaillants.
Bénie soit entre les femmes Jaël, Femme de Héber, le Kénien ! Bénie soit-elle entre les femmes qui habitent sous les tentes !
Il demanda de l’eau, elle a donné du lait, Dans la coupe d’honneur elle a présenté de la crème.
D’une main elle a saisi le pieu, Et de sa droite le marteau des travailleurs ; Elle a frappé Sisera, lui a fendu la tête, Fracassé et transpercé la tempe.
Aux pieds de Jaël il s’est affaissé, il est tombé, il s’est couché ; A ses pieds il s’est affaissé, il est tombé ; Là où il s’est affaissé, là il est tombé sans vie.
Par la fenêtre, à travers le treillis, La mère de Sisera regarde, et s’écrie : Pourquoi son char tarde-t-il à venir ? Pourquoi ses chars vont-ils si lentement ?
Les plus sages d’entre ses femmes lui répondent, Et elle se répond à elle-même :
Ne trouvent-ils pas du butin ? ne le partagent-ils pas ? Une jeune fille, deux jeunes filles par homme, Du butin en vêtements de couleur pour Sisera, Du butin en vêtements de couleur, brodés, Un vêtement de couleur, deux vêtements brodés, Pour le cou du vainqueur.
Périssent ainsi tous tes ennemis, ô Éternel ! Ceux qui l’aiment sont comme le soleil, Quand il paraît dans sa force. Le pays fut en repos pendant quarante ans.


Analyse :


Le chant de Deborah nous montre une dimension plus complexe du chant à D. Comme pour Moshé, chez Deborah, le chant à D exprime l’amour de D et de soi même. Par le chant, Deborah cherche à ne plus se voir comme une victime. Mais chez Deborah ce n’est pas l’asservissement physique par l’autre qui s’oppose à l’amour de soi, c’est la rationalisation par l’esprit.
Dans l’histoire de Deborah c’est la rationalisation par l’esprit qui justifie la victimisation de l’individu. Par son chant Deborah veut s’émanciper de la victimisation par la raison.
L’histoire de Deborah est une histoire surprenante. Deborah est une prophétesse qui gouverne Israël. Elle décide de partir en guerre contre un roi amorrite qui opprime Israël. En lisant le texte on se rend compte que cette oppression n’est pas mortelle pour les juifs. Les juifs sont simplement obligés d’utiliser des chemins détournés pour se rendre d’une ville à l’autre, ils doivent entourer leurs villes de murs pour se protéger.
Le texte dit « Au temps de Samgar, fils d’Anat, aux jours de Jaël, les routes étaient devenues solitaires, les voyageurs suivaient des sentiers détournés. 7 Plus de ville ouverte en Israël, plus aucune, quand enfin je me suis levée, moi Déborah, levée comme une mère au milieu d’Israël».
Deborah trouve la situation inacceptable. Elle se dit « pourquoi sommes nous obliger de bâtir un mur pour nous protéger de nos voisins, nous voulons vivre dans un pays ouvert, sans murs et sans avoir besoin de nous protéger. Comment donc vivre sans mur ? « C’est très simple ! » se dit Deborah, «il suffit d’exterminer toute la population voisine qui cause problème ; homme, femme et en enfant !»
Il y a simplement un petit problème technique, la population à éliminer possède une armée à cheval, ce qui n’est pas le cas des juifs. Les hébreux ne peuvent pas battre les amorites dans une vallée.
Deborah a une solution. Il faut qu’un groupe important de soldats se rende dans la vallée et qu’ils immobilisent la cavalerie ennemie, ensuite, un autre groupe armé pourra attaquer l’arme de « Sisra » en descendant de la montagne.
Le problème de cette solution c’est que le premier groupe de soldat est sure de ne pas revenir vivant de l’attaque. Deborah demande à son mari d’être le chef de l’armée et de se porter volontaire pour guider l’attaque. Barak est réticent à conduire cette attaque ; moralement il ne comprend pas comment on peut justifier un tel massacre. Deborah prévoit le sacrifice de 5000 soldats juifs ! Mais il est d’accord de prendre la direction de l’armée si Deborah prend la responsabilité morale de la guerre. Deborah accepte et son mari Barak recrute les volontaires.
Là, quelque chose d’étonnant arrive, ceux qui se portent volontaires pour la mission suicide ce sont les rabbins de la tribu de Zabulon. C’est étonnant car on sait que dans la halakha les rabbins sont les derniers qui doivent partir en guerre. Ils doivent être protégés en cas de danger plus que les femmes et les enfants. On ne comprend pas pourquoi ici Deborah accepte les rabbins comme volontaires dans une mission suicide.
Les rabbins partent donc dans un attaque suicide contre l’armée de Sisra, mais un miracle arrive et un fleuve soudainement sort de son lit et il anéanti l’armée de Sisra et ses chars qui ne peuvent pas fuir par ce qu’ils sont embourbés dans la boue du fleuve. Les juifs sont saufs et les amorites massacrés et Deborah fait un chant de louange à D.
Dans ce chant Deborah met en opposition deux types de rabbins, ou deux types d’intellectuels. Il y a d’un coté les rabbins de Zabulon et Nafatali qui sont loués : « Mon cœur est à vous, maîtres d’Israël, qui vous êtes dévoués au milieu du peuple, rendez grâce à l’Eternel! Makhir a produit des législateurs, et plusieurs, dans Zabulon, manient la plume du scribe. 15 Et ces princes d’Issachar, amis de Déborah, et Issachar, l’appui de Barak, dans la vallée ils s’étalent à ses pieds. Zabulon, voilà le peuple qui se dévoue à la mort! Lui et Nepthali, seuls au champ de bataille! 19 Les rois sont venus, ils ont guerroyé, oui, ils ont guerroyé, les rois de Canaan, à Taanakh, près des eaux de Meghiddo: les riches dépouilles n’ont pas été pour eux. »
Et de l’autre coté il ya les rabbins de la tribu de Ruben qui n’ont pas accepté de prendre part au combat que lorsque la victoire était déjà évidente. « Parmi les groupes de Ruben, grands sont les soucis de la pensée... pourquoi es-tu resté entre les collines, écoutant le murmure des troupeaux?
C’est que, pour les décisionnaires de Ruben, grave est la perplexité d’esprit » dit Deborah.
Le texte de la haftarah semble dire qu’avant Deborah, les rabbins avaient tendance à accepter les difficultés de la vie. Ils acceptaient des compromis. Si le roi de kenaan attaquait les voyageurs, les rabbins conseillaient au peuple de prendre des chemins détournés. Si les kenaanites attaquaient les villages, les rabbins répondaient qu’il fallait construire des fortifications.
Les rabbins démissionnent même de leur rôle de juge, c’est pour cela que se sont des femmes comme Yaël et Deborah qui deviennent juge.
Les femmes ont toujours des difficultés avec les compromis. Ce n’est pas un hasard si ce sont Deborah et Yaël qui jugent le pays et qui mènent le peuple à la guerre. Pour les rabbins la pensée était devenue une manière de justifier le confort de la vie et sa médiocrité.
Il faut cependant comprendre pourquoi et comment les scribes de Zabulon arrivent à se ressaisir en décidant de partir dans une attaque suicide contre l’ennemi. Pourquoi les décisionnaires de Ruben, par contre, continuent de penser qu’il ne faut pas prendre part aux combats.
Lorsque l’on regarde le talmud on est surpris de voir qu’il pense que les sages de Ruben étaient plus grands que ceux de Zebulon et Nafatali.
Le talmud dans le traité de Guitin (89) parle du cas d’un enfant mineur qui est très intelligent et qui a marié une femme.
Le talmud s’interroge sur la validité du mariage, le talmud dit « nous ne sommes par arrivé au niveau de la perplexité des décisionnaires de Ruben ». Les décisionnaires de Ruben étaient capables de déterminer le niveau de maturité mentale nécessaire pour être considéré majeur, alors que les autres rabbins n’étaient pas capables de le savoir.
C’est pour cela que les autres rabbins considèrent un homme ou une femme majeur indépendamment de sa maturité mentale, en se basant uniquement sur a maturité physique, c'est-à-dire son aptitude à procréer. (Selon rabenou Hananel, un rabbin tunisien du 9 siècle).
Le talmud semble donc décrire les sages de Ruben comme étant les seuls capables d’envisager la vérité absolue de l’idée, sans avoir à se baser sur des observations physiques.
D’autre part le talmud dans Yomah 26 parle des sages de Juda et ceux de Nafatali sur lesquelles il est écrit qu’ils sont « des législateurs, des gens qui approfondissent et qui creusent » le talmud dit à leur sujet « ces sages n’avaient pas accès à une vérité absolue, ils sont uniquement capable de raisonner et de créer de idées mais incapables de comprendre la vérité tel qu’elle est révélée ».
Cette prise de position du talmud semble étonnante puisque dans la bible ont voit bien que la prophétesse donne raison aux sages de Nafatali et de Zebulon et tort aux sages de Ruben.
On peut répondre à toutes ces questions et comprendre le message de l’histoire de Deborah en regardant comment l’histoire du général ennemi se finit.
Le chef de l’armée des amorites « Sisra » cherche à fuir. Dans sa course il est accueilli pas Yaël, une femme juive, réputée comme étant une juge d’Israël. Elle l’accueille dans sa maison et elle a des rapports sexuels avec lui à 7 reprises, selon le talmud, ensuite le général s’endort et Yaël lui fracasse le crâne avec un pieux qu’elle lui enfonce dans la tempe avec un marteau. Pourquoi la bible nous raconte cela ?
Sisra aurait du se douter qu’il n’était pas en sécurité chez Yaël. Il aurait du demander un cheval et partir, ou prendre son épée et la tuer. En fait, il se laisse séduire par la facilite, il rationalise ce qu’il voit, il cherche à expliquer a fortiori le comportement de Yaël.
Il se dit « peut être que Yaël a un intérêt à me sauver, peut être qu’en fait elle n’aime pas les juifs, peut être qu’elle est nymphomane ». Sisra résonne exactement comme les sages d’Israël qui acceptaient les attaques des armées amorites, en relativisant, et en se disant que l’on pouvait toujours trouver un compromis et une solution.
A la fin, le crâne de Sisra est fracassé, comme pour symboliser son incapacité à réfléchir.
Les sages de Zebulon comprennent ce que Sisra n’a pas vu et ce que les sages de Ruben ne comprennent pas. «Lorsqu’il y a un doute, en fait il n’y a plus de doute ». Lorsque l’on a un doute en fait on a une certitude, seulement on pense qu’il y a une autre certitude qui s’oppose à la première et on ne sait pas qu’elle valeur est la plus défendable, alors on reste dans le doute.
Mais au départ de tout doute il y a une évidence et une certitude. Il était évident que les amorites attaquaient les juifs de manière déloyale, et qu’ils étaient condamnables, pourtant les rabbins acceptaient cette situation par ce qu’il était aussi évident que la punition de amorites causerait des pertes humaines.
Les sages de la tribu de Ruben ne peuvent pas prendre de décision par ce qu’ils comprennent ces évidences, ils restent dans la perplexité. Le talmud explique que l’impuissance des sages de Ruben n’est pas du a leur manque de connaissance, au contraire ils sont plus intelligents que les autres. Mais ils sont impuissants par ce qu’ils sont habités par la peur. Celui qui a peur vit comme une victime, il cherche toujours à rationaliser sa situation.
Par contre, les sages de Zebulon comprennent que s’ils n’arrivent pas à guider le peuple c’est par ce qu’ils sont dans une logique d’opprimé et de victime. Si un homme se voit comme une victime ou comme un opprimé, il ne peut que chercher à temporiser. Pour être capable de faire un choix il faut sortir de cette position de victime pour se mettre dans la position d’un acteur.
Les sages de Zebulon comprennent que tant qu’ils cherchent à survivre à tout prix, ils seront toujours de victimes, la victime c’est celui qui a peur de mourir. Or l’homme qui a peur ne peut pas prendre de décision.
Les sages de Zebulon décident de mourir dans un but constructif pour sauver le peuple, en fait ce suicide n’a pas lieu, on contraire on assiste à une renaissance des sages de Zebulon après la bataille. Par contre lorsque les sages d’Israël acceptaient les exactions de Sisra pour survivre à tout prix et qu’ils étaient des victimes, les sages étaient déjà morts en survivant. Les sages de Zebulon deviennent vivants lorsqu’ils acceptent la mort.
Il y un parallèle qui est fait dans le texte entre le suicide inconscient de Sisra et le suicide avorté des sages de Zebulon.
Pour Sisra il devrait être évident que Yaël a tout intérêt à aider les juifs surtout maintenant qu’ils ont gagné la bataille, il devrait s’enfuir au plus vite. Mais une autre évidence s’impose à lui, il est fatigué il ne veut plus faire d’effort.
Sisra accepte inconsciemment le fait qu’il va mourir lorsqu’il accepte les avances de Yaël, il sait déjà inconsciemment qu’elle va le tuer ou qu’elle va le trahir.
Pourtant, paradoxalement si Sisra accepte les avances de Yaël c’est par ce qu’il n’accepte de voir le danger en face. Sisra est condamné à se suicider inconsciemment par ce qu’il a peur de mourir. Sisra aurait put tuer Yaël, mais il attend inconsciemment de se faire tuer par elle. Il est une victime par ce qu’il ne veut pas voir le danger de sa mort de manière consciente.
La logique de Sisra l’aveugle aux lieux de le guider. La pensée ne peut éclairer l’homme que s’il décide de ne pas être « un survivant », si l’homme décide d’accepter d’être une victime, sa raison ne peut que le tromper.
Ce qui fait que l’homme accepte d’être une victime c’est son désir de survivre à tout prix, vouloir survivre c’est avoir peur de la mort.

Au début, Les sages de Zebulon avaient peur de mourir, alors ils n’étaient plus capables de penser et de guider le peuple, mais, une fois qu’ils acceptent l’idée de mourir et qu’ils n’ont plus peur ils redeviennent capable de guider le peuple. En fait derrière tout doute idéologique ou existentiel il faut voir l’expression d’une peur cachée.
Ce n’est qu’en sublimant cette peur que l’on peut prendre la bonne décision.


Source Masorti et Chiouraviges