Dans la salle du conseil de la mairie du quartier de Pasing à Munich, une tapisserie monumentale d’un artiste nazi est accrochée depuis 1952. Lorsque les élus l’ont appris, ils n’ont pas souhaité décrocher l’œuvre. Pendant des décennies, les élus d’une mairie de quartier de Munich se sont réunis sans le savoir devant une tapisserie de l’artiste nazi Bruno Goldschmitt, fervent adhérent du NSDAP, grand admirateur d’Hitler et antisémite notoire qui voulait participer au «réveil de l’Allemagne» avec son art...
Jusqu’à ce qu’un philosophe féru d’art se penche sur l’histoire de la mairie de quartier de Pasing et demande à décrocher ladite tapisserie pour vérifier si la niche où trônait autrefois un buste d’Hitler se trouvait toujours derrière, rapporte le quotidien bavarois Süddeutsche Zeitung.
Freimut Scholz, 79 ans, a fait chou blanc mais ses recherches lui ont permis de découvrir que la tapisserie était l’œuvre de l’artiste nazi. Comme le signale le quotidien Merkur, cette tapisserie de plus de quatre mètres sur cinq devait faire partie d’une série de douze tapisseries commandées par la mairie de Munich qui devaient conter l’histoire de la «capitale du mouvement», en référence à la création du parti politique nazi NSDAP en 1920 dans la ville bavaroise. À cause de la guerre, seules quatre d’entre elles ont pu être tissées.
Celle qui orne la salle du conseil de la mairie du quartier munichois de Pasing relate, comme son titre l’indique, «la fondation de la ville de Munich par Henri XII de Bavière».
On peut y déceler plusieurs symboles nazis, fait remarquer Freimut Scholz: le duc de Bavière a le regard tourné vers l’est, ce qui peut faire référence à l’invasion de la Pologne; le pont en bois évoque, lui, une croix gammée à l’horizontale.
Art de propagande
La tapisserie ne fut exposée qu’entre 1939 et 1942 dans la mairie de Pasing, passant le reste de la guerre stockée au musée municipal de Munich par crainte qu’elle ne soit détruite par les bombardements alliés.
Des années après la fin de la Seconde guerre mondiale, en 1952, elle fut retrouvée et raccrochée dans la salle du conseil. Visiblement, personne ne savait qui en était l’auteur.
Il est possible que le maire de l’époque, Thomas Wimmer, ait cru qu’il s’agissait d’un cadeau diplomatique.
Pour Freimut Scholz, le fait que «cette œuvre caractéristique l’art de propagande nazi» soit «accrochée encore de nos jours dans la salle du conseil d’une communauté démocratique» est inconcevable. Après avoir été informé de la provenance de la tapisserie, le conseil de la mairie de Passing a pourtant décidé en septembre 2015 de ne pas décrocher l’œuvre mais d’y faire ajouter un panneau apportant des éléments d’information sur le contexte de sa création. Freimut Scholz a porté l’affaire devant le conseil des anciens de Munich, qui s’est rangé du côté des élus de Pasing.
Le maire SPD de Munich, Dieter Reiter, a même envoyé à Freimut Scholz une copie du texte destiné à être affiché près de la tapisserie. Celui-ci mentionne notamment que «la composition confronte le spectateur avec les formes de représentation monumentales, héroïques et populaires qui étaient d’usage à l’époque».
Freimut Scholz ne veut pas en rester là et a déjà trouvé des soutiens, notamment auprès de Winfried Nerdinger, directeur du Centre de documentation sur le nazisme, inauguré à Munich en 2015, qui estime qu’«une telle décoration est totalement inappropriée dans la salle du conseil d’un établissement démocratique».
L’artiste Blanka Wilchfort, qui a réalisée une sculpture baptisée Leerer Stuhl (Chaise vide) en hommage aux victimes du nazisme, exposée depuis janvier 2015 dans l’enceinte de la mairie de Pasing, est également choquée par la présence de cette œuvre, «inacceptable pour tous ceux qui ont fait l’expérience du Reich allemand criminel et leurs descendants».
Source Slate.fr