Coup de colère contre l’establishment laïc israélien, qui dénonce les positions anti-féminines des juifs ultra-orthodoxes, mais limite drastiquement la place des femmes dans la vie publique. Les Israéliennes sont sous-représentées dans le monde politique et largement discriminées sur le marché du travail. Nous, électeurs israéliens éclairés, n’avons élu que cinq femmes au poste de maire dans les 257 localités concernées par les élections municipales [du 22 octobre]. Oui, vous avez bien lu : c’est de nous qu’il s’agit, nous qui nous considérons comme les défenseurs des droits des hommes et des femmes, qui nous proclamons féministes progressistes, qui méprisons ceux qui méprisent les femmes. Nous sommes responsables du fait que seule une femme pour 51 hommes dirige une collectivité locale. Embarrassant !
Depuis des années, nous avançons gonflés d’orgueil en saisissant toutes les occasions pour montrer combien les femmes sont importantes à nos yeux et combien nous sommes horrifiés par les offenses qui leur sont faites. Les haredim [juifs ultraorthodoxes] ne les laissent pas postuler à des fonctions publiques, ne publient pas de photos d’elles dans leurs journaux et les tiennent à l’écart, dans la partie de l’espace public qui leur est réservée. De manière à ce qu’on ne les voie pas, qu’on ne les entende pas, que leur présence passe inaperçue.
Nous sommes si occupés à dénoncer les haredim que nous ne nous sommes pas aperçu de ce qui était en train de se passer dans notre bourgade laïque. L’écart des salaires entre hommes et femmes est énorme : selon le Bureau central des statistiques, en 2012, le salaire moyen d’un homme était de 10 953 shekels [2270 euros], contre 7 244 [1501 euros] pour une femme. Un écart révoltant de 33,9% qui est sensiblement le même depuis des années.
La moitié des femmes exercent des emplois que les mouvements féministes qualifient de “médiocres” — les six activités perçues comme traditionnellement féminines, peu prestigieuses et mal rémunérées, parmi lesquelles celles d’enseignante dans le primaire et en maternelle, d’infirmière et de secrétaire. Les femmes plus ambitieuses découvrent le plafond de verre : pour obtenir un bon salaire, elles doivent gravir un échelon réservé aux hommes, qui n’admettent que leurs pairs à leurs côtés et créent des barrières invisibles pour empêcher les femmes d’y accéder.
Nous étions si occupés à attirer l’attention sur le comportement des haredim que nous n’avons pas remarqué la terrible sous-représentation des femmes en politique. Bien qu’elles représentent environ la moitié de la population israélienne, seules 14 femmes ont occupé jusqu’ici un poste de ministre et 14 de vice-ministre au sein du gouvernement.
De même, elles ne représentent aujourd’hui que 22,5% des membres de la Knesset et 18% des ministres. En termes de représentation des femmes au Parlement, Israël arrive au 64e rang dans le monde et au 20e sur les 34 pays membres de l’OCDE.
Depuis l’instauration d’un scrutin au suffrage direct au niveau local, seules 14 femmes ont été élues à la tête d’une municipalité. Le pourcentage de conseillères municipales a lentement augmenté au fil des ans pour passer de 4,2% en 1950 à 14% en 2013.
Selon un haut fonctionnaire du ministère de l’Intérieur, le nombre de femmes qui ont brigué un poste de conseillère municipale aux élections du 22 octobre était en forte hausse, leur pourcentage représentant 20% de l’ensemble des candidats. Mais bien que 330 d’entre elles aient réussi à s’imposer — un bond de 30% par rapport aux 250 de 2008 —, elles ne représentaient que 14% de l’ensemble des élus.
Cette année, 42 femmes se sont présentées au poste de maire, soit 6% de l’ensemble des candidats et quatre fois plus qu’aux élections de 2008. Malheureusement, nous nous retrouvons avec seulement cinq femmes élues, soit à peine 2% de l’ensemble des maires d’Israël.
Ces chiffres scandaleux indiquent que la présence des femmes à des postes décisionnaires est quasiment nulle. Beaucoup prétendent qu’il n’est pas nécessaire d’accroître leur représentation dans les conseils d’administration et les partis politiques par la voie juridique. Ce faisant, disent-ils, on risquerait de mettre en place des femmes manquant de compétences dans le seul but de gonfler leur nombre.
Source Courrier International