mardi 15 octobre 2013

Des cellules "fantômes" contre le cancer


En théorie, on sait guérir les cancers. Il "suffirait" de les détruire violemment à coups de chimiothérapie ou par ablation. Mais ce n'est malheureusement pas si simple. La chimiothérapie attaque les cellules qui se reproduisent rapidement, c'est-à-dire les cellules cancéreuses bien sûr, mais aussi celles du système immunitaire et les cellules folliculaires (qui font pousser les cheveux, d'où la chute de cheveux).


Il existe des produits chimiothérapeutiques plus sélectifs, mais la sélectivité absolue n'existe pas. Rappelons que le cancer n'est pas un corps étranger, il s'agit d'un groupe de cellules "normales" qui bascule dans un état de multiplication incontrôlée. La cellule dont l'ADN est endommagée, en raison d'une prédisposition génétique ou d'un facteur environnemental (cigarette, soleil, alcool, etc.), peut ainsi se dérégler et se propager exponentiellement.

Une solution miracle ?

L'équipe du Pr Marcelle Macluf, du Lab for Cancer Drug Delivery & Cell Based Technologies du Technion - Israel Institute of Technology, a décrit l'utilisation originale de nano-cellules fantômes pour cibler précisément les cellules cancéreuses. Le principe est le suivant : des coques de matériau cellulaire sont formées autour de composés anticancéreux et sont livrés spécifiquement aux cellules cancéreuses. Les cellules utilisées sont des cellules souches mésenchymateuses (MSC, Mesenchymal stem cells) [4], c'est-à-dire des cellules venant de tissus dits de "soutien" (cellules stromales, tissus conjonctifs, etc.) capables d'auto-renouvellement et de différenciation. Ces MSC sont faciles à obtenir, notamment à partir de tissus de faible intérêt comme le tissu adipeux. Ces cellules portent à la surface des marqueurs, variant selon le type de MSC, mais qui peuvent mener à une reconnaissance spécifique par les cellules tumorales. Ces cellules sont dénoyautées chimiquement, tout en préservant leur membrane. On parle alors de cellule fantôme : ce n'est plus qu'une membrane "morte", sans activité, puisque c'est le noyau qui contient le matériel génétique de la cellule. Ces cellules sont ensuite broyées et le tissu membranaire obtenu est reformé autour des composés que l'on souhaite injecter dans les cellules cancéreuses. On parle alors de nano-cellules fantômes dont la surface reste parsemée des mêmes protéines membranaires de reconnaissance que la MSC parente.
Ainsi, l'équipe du Pr Macluf a réussi à préparer à partir de matériaux faciles d'accès des capsules biomimétiques pouvant contenir un large choix de composés thérapeutiques.


Trop beau pour être vrai ?

Non, même pas ! Les premiers tests in vivo (dans un être vivant) et in vitro (dans un tube à essai) ont montré que l'activité antitumorale des composés n'était pas affectée par l'encapsulation. De plus, les nano-cellules fantômes issues des MSC semblent être tout à fait biocompatibles : il n'y a pas de problème avec les organes filtrants du sang (reins), et on constate une destruction rapide et sans problèmes en dehors des zones ciblées. Surtout, de premiers essais ont montré un taux de 80% d'inhibition sur des tumeurs de cancer humain de la prostate. Des premiers résultats extrêmement encourageants !
Il se pourrait que cette découverte change complètement la façon de traiter les cancers à l'avenir, si tant est qu'elle puisse se généraliser. Les défis sont les suivants : il faut pouvoir avoir des MSC dont les protéines de surface puissent interagir avec les tumeurs et il est nécessaire d'avoir des molécules thérapeutiques dont l'injection puisse, sans risque pour le patient, détruire la tumeur. Toutefois, il faut constater qu'une grande avancée à été faite, la question du mode d'administration semble avoir été très largement simplifiée par cette méthode apparemment polyvalente et facile.

Source Bulletins Electroniques