Membre de la Knesset depuis 2019, il est aujourd’hui chargé des Affaires arabes au sein du gouvernement de coalition israélien. Si vous vous intéressez de près à la politique israélienne, le nom de Mansour Abbas vous dit sans doute quelque chose. C’est lui qui a brisé ce tabou de longue date, en Israël, en faisant entrer son parti arabe dans la coalition gouvernementale, l’an dernier. Lui l’ancien homme politique de l’ombre, désormais la « cheville ouvrière de cette union chancelante », comme le présente l’agence américaine Associated Press (AP)........Portrait........
« Numéro d’équilibriste »
A 47 ans, Mansour Abbas dirige le parti Ra’am, un parti islamiste conservateur modéré lié aux Frères musulmans. Les électeurs de Ra’am sont principalement des Arabes bédouins, qui comptent parmi les citoyens les plus pauvres du pays. Dentiste de formation, le nouvel édile est d’abord devenu membre de diverses commissions parlementaires, avant d’apparaître comme « l’antidote au chaos », alors qu’Israël s’enfonçait dans une impasse politique durable, avec 4 élections en l’espace de 2 ans.
Depuis plusieurs mois, Mansour Abbas obtient des budgets importants, et contribue à l’adoption de politiques favorables à ses électeurs – il a même réussi à décrocher une audience avec le roi de Jordanie.
« Nous sommes des partenaires égaux sur toute la ligne, faisant partie de la coalition, pour la première fois dans l’État d’Israël, a-t-il récemment déclaré, non sans fierté, au site d’information israélien Ynet. Nous faisons des compromis pour résoudre les problèmes de la société arabe ».
L’approche pragmatique de Mansour Abbas lui a donc permis d’obtenir des financements pour le logement, l’électricité et la lutte contre la criminalité dans le secteur arabe traditionnellement négligé en Israël.
« Et il n’a pas eu peur d’affronter ses partenaires pour obtenir ce dont il avait besoin », précise même AP. Car il fut contraint, à plusieurs reprises, d’accomplir un « délicat numéro d’équilibriste » entre les désirs de ses électeurs arabes, et ceux de ses partenaires juifs au sein de la coalition.
« Chacun de ses gestes est observé par ses électeurs, dont l’intérêt pour la démocratie du pays pourrait s’effriter s’il ne parvient pas à apporter des changements à long terme », estime AP.
« Le fait que des Arabes soient assis autour de la table du gouvernement israélien n’est pas une mince affaire », a reconnu Nasreen Haddad Haj-Yahya, directrice du programme Société arabe en Israël à l’Institut israélien pour la démocratie, un groupe de réflexion de Jérusalem.
« La question est de savoir si ce pouvoir politique se traduira par des actions que les citoyens ressentiront dans leur vie quotidienne. »
Question palestinienne
Pour de nombreux observateurs de la politique israélienne, Mansour Abbas, en faisant de son parti la première faction arabe à rejoindre une coalition à la tête de l’État hébreu, en juin dernier, est tout simplement « entré dans l’histoire ». Et l’expression n’est pas galvaudée, puisque durant 73 ans, les partis arabes sont restés en retrait du pouvoir, en Israël, où ils étaient cantonnés à des rôles d’opposition.
Ces mouvements, surtout, refusaient de participer à un pouvoir qui allait à l’encontre des populations arabes de Judée Samarie et de la bande de Gaza. Et leurs homologues juifs les ont souvent considérés comme des menaces potentielles pour la sécurité du pays, voyant en eux des ennemies de l’intérieur. Mais les citoyens arabes, qui représentent le cinquième des presque 10 millions d’habitants israéliens, ne pouvaient pas rester sans représentation au gouvernement éternellement.
La coalition, composée de 61 députés (sur les 120 sièges de la Knesset), compte désormais sur les quatre membres du parti de Mansour Abbas pour faire passer les lois, approuver le budget et maintenir le gouvernement à flot. Et la question palestinienne ?
C’est là que le bât blesse. Si, traditionnellement, les partis arabes la brandissent comme un dossier de premier ordre, force est de constater qu’elle a ici été largement ignorée…
Comme le précise AP, Mansour Abbas a insisté sur le fait qu’il n’ignorait pas les aspirations palestiniennes de longue date à la création d’un État en Judée Samarie, à Gaza et à Jérusalem-Est.
Des liens familiaux unissent d’ailleurs les citoyens arabes d’Israël et ceux qui vivent en Judée Samarie ou Gaza.
Mais le leader de Ra’am l’a dit très clairement : son parti « veut se concentrer sur les questions urgentes de la société arabe » israélienne. Exit, dès lors, l’épineuse question palestinienne.
Sympathisant terroriste
Mais Mansour Abbas, indéniablement, a pu avancer ses priorités au sein de la coalition. Il a obtenu un budget sans précédent, de plusieurs milliards de dollars, pour la communauté arabe, dans le but d’améliorer les conditions de vie et de minimiser les taux de criminalité qui battent des records.
Sur proposition de Ra’am, le gouvernement israélien a également pris des mesures pour autoriser certains villages bédouins non reconnus dans le sud du désert du Néguev, et pour raccorder à l’électricité des milliers de maisons construites illégalement.
« Au fil du temps, les gouvernements d’Israël ont négligé le Néguev et n’ont pas traité les problèmes à la racine, a déclaré Faiz Abu Sahiban, le maire de la ville bédouine de Rahat, et partisan de Mansour Abbas. C’est la première fois que l’État d’Israël entend les Bédouins ».
Sur ce sujet, Mansour Abbas a dû ferrailler. Pas plus tard que la semaine dernière, il a même menacé de retirer les voix de son parti au Parlement pour protester contre la plantation d’arbres sur des terres revendiquées par les Bédouins dans le Néguev – la crise a conduit à la suspension du projet forestier.
Ra’am a également repoussé les efforts des éléments nationalistes de la coalition visant à étendre une loi qui empêche les Palestiniens qui épousent des citoyens israéliens d’obtenir des droits de résidence.
Mais tout n’est pas rose non plus.
Régulièrement qualifié de sympathisant terroriste par certains députés ultra-nationalistes d’opposition, Mansour Abbas, conservateur sur le plan social, s’oppose à la législation pro-LGBT, alors que la coalition gouvernementale compte un ministre ouvertement gay dans ses rangs.
Sans parler du fait qu’il ait récemment reconnu Israël comme un État juif, s’attirant les foudres de citoyens arabes.
Source Le monde arabe
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