En 1944-1945, près de trois cent mille déportés meurent sur les routes lors de leur évacuation par les SS des zones bientôt aux mains des Alliés. Virginie Linhart a retracé leur chemin en Pologne, en Allemagne et en Lituanie, et en a tiré un documentaire intime et engagé, diffusé mardi dernier sur Arte. Il est disponible en fin d'article pour ceux qui l'ont raté.......Détails & Vidéo.......
Après avoir consacré d’excellents documentaires au retour des survivants de la Shoah (Après les camps, la vie, en 2009) et à l’inertie des grandes puissances face à la destruction des Juifs d’Europe (Ce qu’ils savaient. Les Alliés face à la Shoah, en 2012), Virginie Linhart s’était promis de ne plus travailler sur le génocide.
Et puis Carlos Pinsky, producteur de ses portraits de Jacques Derrida et de Françoise Dolto, l’a convaincue d’aborder un épisode essentiel mais négligé de cette histoire : les marches de la mort, dans lesquelles périrent deux cent cinquante mille à trois cent mille déportés jetés par les nazis au bord de la défaite sur les routes de Pologne, d’Allemagne ou de Lituanie.
Routes qu’elle a arpentées – aux mêmes saisons que sept cent mille femmes, hommes et enfants –, à la recherche de traces de cette période souvent réduite à un chapitre dans les livres d’histoire.
« Pour travailler, un historien a besoin de sources écrites, et les bourreaux étaient alors dans une situation de désorganisation qui ne leur permettait plus d’en produire, relève-t-elle pour expliquer ce déficit. Par ailleurs, les témoins de ces marches ont rarement parlé, et les souvenirs de ceux que j’ai interviewés m’ont rarement convaincue. »
Quant aux récits des déportés ayant survécu, Virginie Linhart les a puisés dans différents fonds d’archives.
Pour « [s’]arrimer au réel » et saisir ce qu’ils avaient pu endurer, elle a choisi de mettre ses pas dans les leurs. Ainsi a-t-elle roulé et marché en Pologne (en février dernier), en Allemagne (en avril), en Lituanie (en juin), dans des campagnes d’une grande rudesse, et en a rapporté des images qui participent de la force du film en ancrant cette histoire terrifiante dans une géographie.
Plus que sa visite d’Auschwitz-Birkenau, vidé de ses touristes par la pandémie, c’est la proximité de la ville et « ses jolies maisons » qui l’a impressionnée. « Il suffit d’avoir vu ça pour acquérir la certitude que la population savait.
Au camp de Majdanek, dont nous avons filmé les bâtiments et les amoncellements de chaussures, j’ai été atterrée de voir des familles de Lublin promener leurs enfants comme dans un jardin public.
Mais mes émotions les plus fortes sont survenues sur les routes, dans les forêts ou dans les champs où, tout à coup, une stèle apparaissait. »
À son retour, son engagement de documentariste était comme renforcé par l’épreuve du terrain.
« Quand j’ai interviewé les historiens, je n’avais pas seulement des questions à leur poser : je pouvais apporter moi-même certaines explications, du fait d’y être allée. »
Aux traitements documentaires ordinaires de l’histoire son film oppose ainsi une forme d’engagement qui fait toute la différence, associant le spectateur à une compréhension intime des marches de la mort.
Voici le documentaire (1h26)
Source Telerama & Koide9enisrael
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