Installée dans l'Yonne à la fin du XIXe siècle, la famille Herrmann à l'origine de ce qui est aujourd'hui le Monoprix d'Auxerre, ont vécu la Seconde Guerre mondiale dans toute son horreur.
Spoliation des biens des personnes de confession juive, déportation, prisonniers de guerre...
Cette histoire, Jean-Luc Herrmann nous l'a partagée. Petit-fils de Lucie Herrmann, déportée en 1942, il souhaiterait rendre hommage à cette grand-mère qu'il n'a pas connue en faisant apposer un pavé de la mémoire portant son nom à Auxerre, place Charles-Surugue.
Ces pavés, utilisés dans d’autres villes européennes en souvenir de la déportation des juifs, n’existent pas encore dans l’Yonne. Un projet est cependant en réflexion.
Découvrez l'histoire de cette famille en six dates
1894
En 1870, Abraham Herrmann quitte l’Alsace pour ne pas devenir Allemand. "Après un passage à Lunéville (Meurthe-et-Moselle, ndlr) comme représentant en jouet, mon arrière-grand-père a acheté un fonds de commerce à Auxerre le 1er mai 1894, place des Fontaines (aujourd'hui place Charles Surugue) : le Bazar national, devenu affilié des Nouvelles galeries”, raconte son descendant, Jean-Luc Herrmann.
1939
Le fils d'Abraham, Élie, né en 1879, se marie avec Lucie Scheuer et a trois fils : Paul, le père de Jean-Luc Herrmann, André et Pierre.
Le 7 mars 1939, un magasin Noveco (pour Nouveau et économique) est également ouvert.
Quelques mois plus tard, en septembre, les trois fils sont mobilisés durant la Seconde Guerre mondiale.
1941
La famille est forcée de se séparer des commerces en 1941, année de création du Commissariat général aux questions juives par le régime de Vichy. Cette structure a organisé la spoliation des biens des juifs.
Dans un bulletin de l’Association pour la recherche sur l’occupation et la résistance dans l’Yonne (Arory) publié en mai 2010, il est décrit qu’Élie Hermann "est resté persuadé pendant longtemps que les juifs français ne pouvaient être touchés."
Il avait lui-même été mobilisé et fait prisonnier durant la Première Guerre mondiale.
1942
Selon l’Arory, le 18 juin 1942, à 12h30, Lucie Herrmann est arrêtée. Sa belle-fille, Marguerite, mariée au frère d’Elie, Emile, est avec elle.
Elles sont ensuite transférées au camp de Pithiviers, puis déportées à Auschwitz. Dont elles ne reviendront pas.
Selon l'Arory, il leur aurait été reproché de ne pas avoir prévenu de la “fuite” des deux hommes, partis en zone libre.
1945
À la libération d'Auxerre, le 24 août 1944, les fils Herrmann ne sont pas rentrés. La même année, Elie décède à Agen. C'est seulement en 1945, au retour des trois frères, que les biens leur sont rendus.
1949
Le magasin Noveco a continué son activité sous la direction de Paul Hermann. "Les commerces sont devenus affiliés Monoprix en septembre 1949, raconte son fils. On a racheté petit à petit tout le pâté de maison, même le couvent au fond, pour faire le Monoprix - Noveco qui a existé, puis s’est réduit”. Avant d’être vendu en 1992.
Le 24 février 1944 avait lieu la dernière rafle de juifs de l'Yonne
“Mon père, Paul, a été fait prisonnier en 1939 à Baccarat et a été rapatrié comme mineur dans le Nord de la France, explique Jean-Luc Herrmann.
Il a été protégé par le directeur de la mine, avec autorisation de partir en zone libre.
André était changeur pour l’armée française au Liban, il est parti en Argentine et est devenu l’un des premiers courtiers en café vert.
Pierre, fait prisonnier, s’est évadé et a retrouvé l’armée de de Lattre de Tassigny en Algérie en passant par l’Espagne.”
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