Lorsqu'elle est interviewée par Gay Block et Malka Drucker, le 1er août 1988, elle précise : "c'est surtout mon mari qui a agi". Pourtant, Hava Groisman (ci-dessus), dite Yvonne Jospa, a joué un rôle primordial dans le sauvetage des Juifs en Belgique pendant la Seconde Guerre Mondiale. Infatigable militante contre "tout ce qui concerne l'injustice", dit-elle, Yvonne Jospa a mené une vie entière à lutter contre le racisme et l'antisémitisme.........Détails........
Née le 4 février 1910 en Bessarabie, Hava est la troisième des quatre filles Groisman.
Très tôt, elle développe un intérêt pour les affaires sociales, qu’elle dit tenir de sa famille : sa mère est investie auprès d’enfants pauvres d’une école primaire juive et sa sœur aînée, elle, vient à la rencontre du peuple pour lui apprendre à lire et à écrire.
Roumaine en ce temps-là, la Bessarabie est soumise au traditionalisme des Juifs orthodoxes, une situation difficile pour les Juifs plus modérés comme les Groisman.
Dans la loi mais moins dans les faits, les Juifs ne sont autorisés à rentrer en contact avec des non-Juifs.
À 18 ans, Hava quitte la Bessarabie pour venir étudier en Belgique. Son futur époux, Hertz (ou Ghert) Jospa, originaire de la même ville et immigré en Belgique pour les mêmes raisons – l’accueille à Liège.
Hébergée dans une famille pour apprendre le français, Hava s’inscrit en philologie germanique à Liège.
Après avoir échoué aux examens, elle opte pour l’Ecole centrale de service social de Bruxelles.
Sa spécialisation la sensibilise au bien-être de l’enfant. Après avoir décroché son diplôme en 1933, Hava commence à exercer comme assistante sociale et se marie avec Hertz Jospa. En guise de cadeau de mariage, les deux jeunes époux s'inscrivent au Parti communiste.
La montée des tensions en Europe conduit Yvonne à prêter main-forte aux nombreux réfugiés politiques. Pendant la Guerre d’Espagne, elle accueille les Roumains désireux de se battre pour les escorter jusqu’à la frontière française. Dès 1936, Yvonne s’occupe personnellement de foyers mis en place pour les réfugiés juifs allemands et autrichiens à la recherche d’argent, de travail, de logement.
"Nous avons toujours été préoccupés par le sort des Juifs, mais pas spécialement en travaillant dans la communauté juive. […] C’était contre tout ce qui concernait l’injustice dans le monde".
Le 28 mai 1940, l’armée belge rend les armes et l’occupant s’installe. Près d’un an plus tard, le futur Front de l’Indépendance (FI)* appelle à la résistance nationale, peu importe la couleur politique tant qu'elle soit antinazie.
Les rafles menées par la Sipo-SD à Bruxelles et à Anvers pendant les mois d’août et septembre 1942 pousse Hertz à convaincre le FI de créer une entité consacrée au sauvetage des Juifs.
Le couple fait ainsi partie des sept membres fondateurs du Comité de Défense des Juifs (CDJ). Véritable cheville ouvrière du CDJ depuis ses premières heures jusqu’aux dernières, Yvonne se consacre à la section Enfance, un domaine qu’elle maîtrise plutôt bien.
Se définissant comme "la fille à tout faire" face caméra, Yvonne raconte dans l'interview qu'elle dut reprendre la direction de la section suite à l’arrestation de son prédécesseur.
Le 21 juin 1943, son époux est également arrêté et ne reviendra en Belgique que deux ans plus tard après un séjour à Breendonck et à Buchenwald.
David Susskind, ancien président du Centre Communautaire Laïc Juif (CCLJ), raconte :
"Elle ne s’est pas contentée de diriger un comité […] Nombreux sont les témoignages de ceux qu’elle a elle-même cachés quand ils étaient des enfants traqués et voués à la "Solution finale"!
Combien d’enfants juifs, aujourd’hui devenus grands-parents, vivant en Belgique, en Israël, aux Etats-Unis ou ailleurs, ne lui doivent-ils pas leur vie et par conséquent, celle de leurs enfants et petits-enfants ? A New York, le Congrès des Enfants cachés lui avait réservé l’accueil dû à une héroïne".
Au total, près de 3.000 enfants juifs seront cachés dans des familles et des institutions publiques grâce aux actions du Comité.
La guerre terminée, Yvonne s’engage avec son mari au sein de la section belge du Mouvement contre le Racisme, l’Antisémitisme et pour la Paix (MRAP) fondé par d’anciens résistants juifs.
Renommé en 1966 le Mouvement contre le Racisme, l’Antisémitisme et la Xénophobie (MRAX), celui-ci choisit Yvonne à sa tête suite au décès de Hertz Jospa la même année.
Elle préside également l’Union des Anciens Résistants juifs de Belgique jusqu’à sa mort en janvier 2000.
Près de la Place Sainte-Catherine à Bruxelles, une rue porte son nom depuis 1993.
* Front de l'Indépendance (FI) : Né à l’aube de l’année 1942, le Front de l’indépendance est un réseau de résistance belge qui a rassemblé plusieurs dizaines de milliers de membres en 1943 et 1944, ce qui en fait le mouvement de résistance le plus étoffé pendant la majeure partie de l’Occupation.
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