mardi 16 février 2021

Mort de l’historienne Rivka Ajzersztejn, alias Régine Robin


Historienne devenue sociologue, française devenue canadienne, dépositaire de deux legs terribles, l’extermination des juifs et l’engagement communiste de l’ère stalinienne, dont elle sut ne pas être l’otage, l’écrivaine Régine Robin, de son vrai nom Rivka Ajzersztejn, est morte à Montréal, le 3 février, à l’âge de 81 ans.....Portrait.......

Si Rivka Ajzersztejn naît française à Paris le 10 décembre 1939, ses parents sont encore étrangers. 
Comme sa mère, son père, coiffeur juif polonais membre du Parti communiste ayant choisi l’agitprop en Allemagne avant de migrer en France en 1932, n’est naturalisé qu’en 1948 – il francisera alors son patronyme en Aizertin. Prisonnier de guerre dès l’été 1940, il échappe à la Shoah – une cinquantaine de ses parents demeurés en Pologne sont exterminés dans les camps –, lui étant détenu près de Hanovre dans le stalag XI-B de Fallingbostel, où il côtoie le philosophe Emmanuel Levinas, et ne retrouve les siens qu’en 1945.
Cachée durant l’Occupation au fond d’un garage abandonné du 11e arrondissement de Paris, où elle s’invente une langue secrète pour survivre en dialoguant avec son ours Gratok, Rivka grandit entre Belleville et Ménilmontant, s’appliquant, dès la Libération, à se faire plus Française que les Français : ainsi, elle s’intègre en excellente élève à un autre monde au lycée Fénelon. 
Honteuse de l’accent de ses parents, qui ne parlent que yiddish à la maison, elle se rêve fille d’un médecin juif qui aurait fui Charlottenburg dès 1933, même si, paradoxalement, elle se nourrit d’un tout autre légendaire familial dont son père l’alimente par ses récits, stalinien fervent, sur l’action clandestine, la révolution bolchevique, l’âme polonaise et Le Capital, de Marx, qu’il lui enseigne chaque soir.
Partagée entre le patronage du jeudi, tenu par des socialistes proches du Bund, et le dimanche, voué à la liturgie communiste, Rivka navigue « entre », entre les legs et les cultures. Si la brutale révélation du XXe Congrès du PCUS, en février 1956, qui fait de Staline, Bon Dieu familial, un criminel absolu, conduit son père à troquer l’allégeance communiste pour une foi sioniste, elle reste fidèle à l’assimilation et à la laïcité républicaine que lui offre l’école.
Normalienne à Fontenay-aux-Roses (Hauts-de-Seine) l’année même, elle se syndique et adhère au PCF (1959), diplômée de la Sorbonne (1962), agrégée d’histoire (1963), elle enseigne au lycée de jeunes filles de Dijon (1963-1967), y épouse un étudiant en philosophie qui lui donne un nom français, Robin, et entreprend une thèse sur la société d’Ancien Régime à travers les cahiers de doléances de Semur-en-Auxois (Côte-d’Or). 
Nommée en 1967 assistante à la faculté de Nanterre (Hauts-de-Seine), elle y vit Mai 68 au sein de la cellule communiste de l’établissement. 
Se tournant vers l’analyse des discours révolutionnaires, elle en fait un objet d’histoire, couplant langage et idéologie et en propose une synthèse sous forme de manuel : Histoire et linguistique (1973, Armand Colin).
Les ouvrages de fiction de Régine Robin de même que ses ouvrages d'histoire et de sociologie portent principalement sur les thèmes de l'identité, de la culture, de la mémoire collective et de la judéïté. 
Son roman La Québécoite a connu un succès considérable et constitue aujourd'hui un incontournable dans l'analyse de phénomène de l'« écriture migrante » et des problèmes que posent cette posture nouvelle de l'écrivain québécois depuis les années 1970.
Régine Robin est également l'une des pionnières de l'analyse du discours, discipline qu'elle a contribué à développer aux côtés notamment du linguiste althussérien Michel Pêcheux, de Denise Maldidier et de Jacques Guilhaumou. En confrontant histoire et linguistique (Histoire et linguistique) Régine Robin a élaboré une réflexion épistémologique se proposant de tenir compte à la fois des apports du marxisme et de l'approche « archéologique » de Michel Foucault. Cette approche a eu des échos en Allemagne dans l'Histoire des concepts (Begriffsgeschichte) de Reinhart Koselleck.
Elle a aussi contribué à l'analyse sociologique de la littérature, en collaboration notamment avec Marc Angenot. 
Sa maîtrise des langues de l'Europe de l’Est et sa connaissance approfondie des régimes communistes de la Guerre froide l'ont conduite à une analyse extrêmement documentée de l'esthétique du « réalisme socialiste » (Le réalisme socialiste : une esthétique impossible). Cet ouvrage audacieux et érudit demeure une autorité dans le domaine de la sociologie de la littérature et de l'analyse des discours idéologiques.
Régine Robin a mérité de nombreux prix, dont le Prix du Gouverneur général en 1986, et le Grand prix du livre de Montréal en 2001 pour son ouvrage Berlin Chantiers. 
Ses dernières recherches portent essentiellement sur la question de la mémoire (La mémoire saturée) qu'elle interroge par rapport à la Shoah et l'expérience de la Seconde Guerre mondiale à laquelle son parcours est étroitement lié en raison de ses origines polonaises.

Source Le MondeWikipedia
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