La fondation des tribus d’Israël
Le Premier Livre de la Bible (Genèse), relatant la vie de Jacob en Égypte au Xème siècle avant J.C. (–1000), se termine avec son retour et l’installation de ses douze fils en terre d’Israël : Ruben, Siméon, Lévi, Juda, Zabulon, Dan, Naftali, Gad, Issacar, Aser, Joseph et Benjamin.
À leur installation, ces douze fils fondèrent les douze tribus d’Israël qui portèrent alors leurs noms.
Toutefois, même si l’histoire parle de douze tribus d’Israël parmi lesquelles dix perdues, dans Jean 7 :4, il est fait mention de treize tribus dont onze perdues, puisque deux tribus avaient été attribuées à Joseph au nom de ses deux fils Manassé et Ephraïm.
Les rois Saül, David et Salomon furent ceux qui réussirent à garantir l’unité de ces tribus chaque fois qu’elles étaient au bord de l’implosion.
Mais à la mort de Salomon, en l’an – 930, le royaume d’Israël éclata en deux, et il se forma le royaume du Nord ou royaume de Samarie comprenant onze tribus et ayant pour capitale Samarie (habitants Samaritains), et le royaume du Sud comprenant deux tribus dirigées par Juda et ayant pour capitale Jérusalem. Toutes les treize tribus vécurent sous ces deux royaumes de Samarie et de Juda pendant deux siècles, jusqu’en l’an – 722, année où le puissant empire Assyrien conquit et détruisit le royaume de Samarie au Nord et ses onze tribus.
Destruction et disparition des onze tribus d’Israël
D’après le Deuxième Livre des Rois, les onze tribus du Nord détruites disparurent à la faveur des vagues de déportations que l’empereur Assyrien Teglat-Phalassar III organisa.
Le royaume de Juda (Sud) survécu. Le chapitre 15 du Deuxième Livre des Rois mentionne que les Assyriens remplaçaient les Israélites déportés des onze tribus du Nord par des peuples non israélites.
Dès lors, ceux du Royaume de Juda (Sud), considérèrent ces peuples qui les remplacèrent comme des colons assyriens.
Ils leur refusèrent de ce fait le statut d’Israélites et les déclarèrent toutes comme étant les onze tribus perdues d’Israël.
Première escale : l’Égypte
L’Égypte étant le centre de la très brillante civilisation pharaonique jusqu’à l’an – 1000, le commerce des esclaves s’y était déjà établi. Dans Genèse 47 :23, on apprend comment Joseph, l’un des douze fils de Jacob, avait pu faire acheter des esclaves au Pharaon :
« Joseph dit au peuple : Je vous ai achetés aujourd’hui avec vos terres, pour Pharaon ; voici pour vous de la semence, et vous pourrez ensemencer le sol. »
Ce point de la Genèse permet d’établir que si l’empereur Assyrien Teglat-Phalassar III avait organisé les déportations des onze tribus d’Israélites à partir de l’an – 722, il est fort probable que ce fût pour les vendre comme esclaves en Égypte. Mais ici, les données historiques sont plus parlantes.
L’histoire établit qu’à partir de l’an – 700, l’empereur Assyrien avait attaqué l’Égypte et avait fini par l’occuper entre – 671 et – 667.
Puisque cette annexion de l’Égypte coïncida avec les vagues de déportations des onze tribus perdues d’Israël (–722), on est en droit de dire les Israélites déportés avaient pu servir soit comme soldats de rangs dans les conquêtes assyriennes, soit simplement comme esclaves assyriens.
En tant que tels, ceux-ci n’auraient que difficilement pu recouvrer leur liberté. Le concept de tribus perdues d’Israël, entretenu par le royaume de Juda (Sud), prend dès lors ici tout son sens.
Comment donc repérer, parmi les onze tribus perdues, celle des ascendants des Bamilékés ainsi établis de nouveau en Égypte 300 ans après que leur ancêtre, Jacob, y eût séjourné comme homme libre?
Identification de la tribu ascendante des Bamilékés
C’est dans Genèse 49 :1, 49 :2, 49 :14 et 49 :15 qu’il faut chercher la réponse à la question centrale de l’identification de la tribu ascendante des Bamilékés. Il y est écrit que Jacob, sur son lit de mort, rassembla ses fils, les bénit et leur indiqua le destin futur de chacun d’eux :
« Jacob appela ses fils et dit : Assemblez-vous, et je vous annoncerai ce qui vous arrivera dans la suite des temps. Rassemblez-vous, et écoutez, fils de Jacob ! Écoutez Israël, votre père ! »
Puis, au sujet de son 9ème fils Issacar, fondateur de la tribu perdue d’Issacar, il révéla deux données qui marqueront plus tard sa relation à l’espace qui l’entoure et son rapport à l’impôt (le tribut); il dit donc ceci:
« Issacar est un âne robuste, qui se couche dans les étables. Il voit que le lieu où il repose est agréable, et que la contrée est magnifique ; et il courbe son épaule sous le fardeau, il s’assujettit à un tribut. »
Issacar fut ainsi le seul fils en qui Jacob, son père, perçut, d’une part, la propension à se plaire partout où il ira et où il s’installera et, d’autre part, cette facilité à se soumettre à l’impôt (au tribut), question de ne pas faire obstacle à son commerce.
Ceci est une caractéristique très propre aux Bamilékés.
Deux mille ans de présence issacar-bamiléké en Égypte (– 700 à +1300)
Ce qui précède donne les toutes premières preuves de notre postulat qui fonde, dans la tribu juive perdue d’Issacar, l’ascendance bamiléké. Un fait majeur à observer est que les Issacar-Bamilekés résideront en Égypte pendant deux mille ans, c’est-à-dire jusqu’à la naissance de l’Islam en l’an 622 et jusqu’à son expansion à travers l’Afrique subsaharienne.
Ces deux mille ans de leur présence en Égypte révèlent la preuve de ce qu’ils sont, tel qu’avait prophétisé leur père Jacob : « Ils voient que le lieu où ils reposent est agréable et que la contrée est magnifique. »
Mais ici aussi, les sources historiques permettent de comprendre que si les Issacars, ancêtres des Bamilékés, y étaient restés si longtemps, c’est parce que ces deux mille ans (de – 700 à + 1300) correspondent exactement au déclin de l’Égypte pharaonique.
En effet, à l’annexion de l’Égypte par l’Assyrie entre – 700 et – 667 succéda la domination Perse en – 525, l’occupation Grecque en – 332, la colonisation Romaine en – 30 et, enfin, la conquête islamique après + 622.
Ainsi, avec la dislocation de l’Égypte pendant les deux mille ans de leur établissement, les Issacars en profitèrent pour former et consolider plusieurs petits royaumes, et ce, en participant à la construction de toutes ces civilisations traversées par les influences perses, grecques et romaines qu’ils ne rejetèrent pas, parce que proches des leurs.
C’est seulement au contact de l’Islam qu’ils décidèrent de quitter l’Égypte.
Deuxième escale : la Nubie et l’unification des royaumes par le Ndop
Avec la naissance de l’Islam et ses conquêtes progressives, les Issacars, ancêtres des Bamilékés, sentirent la nécessité de fuir vers le sud, vers la Nubie, où ils ne furent toujours pas épargnés, les musulmans, parce que se déplaçant à cheval, étant plus rapides.
Cette migration eut pour conséquence la dispersion des royaumes, ce qui les rendait très vulnérables. C’est là que naquit le besoin de s’unir pour résister aux assaillants, comme du temps des rois Saül, David et Salomon.
L’histoire raconte alors que c’est à ce moment-là que furent organisés, pour la première fois, des sept rites du Ndop, lesquels feront plus tard leur entrée dans l’ensemble des manifestations culturelles du peuple bamiléké.
« Les assaillants savaient que les royaumes étaient divisés.
Un sage prêtre utilisa le jujube (Ndimdim) pour convaincre les rois de s’unir. Cela marcha bien.
Il leur donna ensuite le vin blanc (Mlou’kheu) et la kola pour sceller l’entente, laquelle devait être respectée au risque d’encourir la malédiction (Ndoh). Après quoi ils sortirent, chacun avec l’arbre de paix (Fieh-ken) à la main droite, pour le montrer à tout le peuple.
Il fut alors demandé à chaque roi de déposer le (lam ou Kui’fo), le double-Gong, à l’entrée de son palais. L’ennemi, qui n’était pas au parfum de cette entente entre les divers Rois parce que croyant toujours à leur éternelle division, attaqua une fois de plus.
Mais cette fois-ci, le message du danger fut transmis à l’aide des doubles gongs et des tam-tams. La résistance fut immédiatement organisée et, contrairement aux habitudes, un dur combat eut lieu. L’ennemi trouvant le terrain miné, tenta de rebrousser chemin.
Mais sa troupe fut décimée, son chef tué, son cheval massacré. Pour prouver à toutes les populations que l’ennemi avait été vaincu, les vainqueurs enlevèrent la queue de cheval (Sain-ling/Sang’aleu) et la brandirent à leur retour en signe de preuve de la victoire. Pour identifier les vainqueurs, on leur fit porter le tissu traditionnel du Ndop à l’occasion de la danse guerrière (Mendjong/Mendzon) qui fut organisée. »
Depuis lors, les rois s’unirent sous un seul super-roi et toutes les manifestations culturelles furent marqués du sceau des sept rites du Ndop. Les armoiries actuelles du peuple Bamiléké contiennent les éléments de ce rite; ils trouvent leur origine dans cet événement crucial qui eut lieu au contact des conquérants musulmans sur les routes de la Nubie.
La queue de cheval, qui symbolise la victoire sur ces assaillants musulmans est un élément nouveau dans la liste de ces armoiries et des rites du Ndop.
Et, bien qu’important pour marquer l’histoire, elle contribue à masquer les traces de la juiveté bamiléké car, on ne la trouve dans aucune autre tribu juive, ni même dans celle cousine des Falashas ou Beta-Israël d’Éthiopie (descendants de la tribu perdue de Dan).
Le mentionner permet d’éliminer les éléments de la culture non juive qui se sont grevés au cours de la longue migration bimillénaire des Bamilékés, du Royaume de Samarie jusqu’au hautes terres de l’Ouest-Cameroun, afin de faciliter la lecture des traces.
Pour quiconque fait donc la recherche sur le sujet, il importe de noter que l’armoirie du Sain-ling/Sang’aleu (la queue du cheval des assaillants vaincus) n’est rentrée dans la liste des rites du Ndop que dans le but de consacrer la toute première victoire historique des Bamilékés sur un redoutable ennemi, et indiquer l’origine de l’unification de leurs royaumes sous un seul souverain.
Ainsi, même si la queue du cheval, par son absence dans les armoiries judaïques, fait perdre aux Bamilékés les traces de leur juiveté, elle représente en revanche l’un des éléments déclencheurs de la répétition de l’histoire.
Car, comme vu plus haut, à chaque fois que les douze tribus israélites étaient au bord de l’implosion, il émergeait un nouveau roi unificateur dont Saül, David et Salomon sont les plus connus.
Ainsi, en ce qui concerne les Issacars (ancêtres des Bamilékés) lors cette deuxième escale en Nubie, à partir de 1200 se succéda une lignée de super-rois rassembleurs, et ce, jusqu’au roi Ndéh, considéré comme le dernier roi unificateur bamiléké qui mourut autour de 1360. Sa mort entraina les royaumes dans une longue migration vers le Sud.
Dernière escale : établissement sur les montagnes de l’Ouest Cameroun
À la mort du roi Ndéh, ses enfants, redoutant les pertes faces aux conquérants musulmans et soucieux de préserver leurs cultes religieux et pratiques ancestrales égypto-judaïques, refusèrent de monter au trône et prirent la direction du Sud-Ouest, d’où ils traversèrent le Tchad actuel et le nord Cameroun pour s’établir sur les Montagnes de l’Ouest.
Le premier fils du roi Ndéh, le prince Yendé, alla fonder Bafoussam. Sa sœur alla vers la région de Banso dans le Nord-Ouest et, deux décennies plus tard, leur cadet, Ncharé, descendit dans la plaine du Noun pour fonder le royaume bamoun. C’est plus tard, pendant la colonisation allemande et française (1884-1959), que les descendants du roi Yendé, qui fonda Bafoussam, prirent définitivement le nom de Bamiléké.
On observe donc que sur la grande région des Grassfields du Cameroun, trois groupes de Bamilékés se sont définitivement établis : les Bamilékés anglophones (appelés les Anglophones du Nord-Ouest), les Bamilékés islamisés (appelés les Bamouns, installés sur les plaines du Noun), et les Bamilékés francophones (appelés les Bamilékés, installés sur les hautes montagnes de l’Ouest).
Une fois établis sur les hautes montagnes de l’Ouest Cameroun, les Bamilékés (francophones), descendants du roi Yendé, se constituèrent en royaumes de premier degré.
Ils en formèrent onze qui rappellent aujourd’hui les onze tribus perdues d’Israël. Ce sont : Babadjou, Bafang, Bafou, Bamougoum, Bana, Bandjoun, Bangang, Bagangté, Banka, Batcham et Foto. De plus, chacun de ces onze royaumes de premier degré est constitué d’une assemblée de neuf notables, comme pour se souvenir de ce que leur ancêtre, Issacar, était le neuvième fils de Jacob.
TRADITIONS BAMILÉKÉS ET TRADITIONS JUIVES
Le Ndop, symbole de la cosmogonie
Le tout premier élément commun entre les cosmogonies bamiléké et juive, c’est le Ndop. Nous avons vu plus haut que, devant les assaillants musulmans, tous les royaumes descendant d’Issacar, ancêtres des Bamilékés, se réunirent pour pratiquer les sept rites du Ndop.
Puisque le Ndop marque la relation de l’homme au cosmos, ses rites ont pour but d’implorer les pouvoirs célestes pour vaincre le danger qui menace l’existence même des royaumes.
Ce n’est donc pas un hasard s’il est représenté par un tissu de coton bleu (symbole de l’eau et du ciel) sur lequel sont gravés, en fil blanc (symbole de la pureté) les éléments de la cosmogonie.
Ce fil blanc, appelé Ndop, permet de représenter l’étendue du cosmos et de tisser les liens entre l’homme et l’univers.
L’image suivante montre les différentes représentations de cet univers et les liens qui unissent l’homme à lui. Un total de douze figures y sont représentées, dédiées aux douze fils de Jacob qui fondèrent les douze tribus d’Israël. Les points représentent les hommes ou les vivants et leurs positions par rapport au cosmos. Les vides représentent les morts ou l’infini. Nous en présentons ici une brève description:
La première figure à gauche contenant le losange symbolise la fécondité. On y voit la représentation des vagues sous forme de triangles bleus et blancs qui symbolisent l’eau où baigne et nait la vie, aussi bien dans le milieu aquatique que dans le ventre de la femme. Les points autour dudit losange représentent les vivants qui en sortent.
La deuxième figure présente un cercle divisé en huit cases triangulaires dont quatre contiennent les points représentant les vivants et quatre autres n’ayant pas de points, et donc symbolisant le monde des morts et de l’infini.
Puisque les vivants sont plutôt dans le cercle et non à l’extérieur, on perçoit la représentation de la réincarnation ou la conception de la résurrection qui nait de la complémentarité et de la circularité des deux mondes. On observe aussi que le tout baigne dans une large croix bleue indiquant les quatre directions du monde céleste.
La troisième figure présente des formes ondulées indiquant la diversité de la vie.
Dans la quatrième figure, on a de nouveau un cercle, mais fait d’un triple trait rappelant l’univers en trois dimensions, une tridimensionnalité qui fonde la possibilité de la vie et le mouvement dans l’espace, puisque cette fois-ci, les êtres humains sont autour.
Il s’agit de montrer que la sortie de l’être vivant ou humain du milieu aquatique ou du ventre conditionne son entrée dans l’espace tridimensionnel. Contrairement à celui de la deuxième figure, ce cercle ne baigne pas dans une large croix sous fond bleu.
C’est plutôt la croix qui est représentée au fond du cercle tridimensionnel autour duquel on retrouve de nouveau la présence des vivants symbolisés par les nombreux points. C’est la conception selon laquelle c’est Dieu (le monde céleste) qui vint créer le monde terrestre tridimensionnel. Bref, dans la figure 2, c’est le rapport de l’homme à l’infini, dans la figure 4, c’est le rapport de l’infini à l’homme.
Les formes géométriques (losange, carrés, triangles, rectangles) de la cinquième figure, tout comme celles des deux dernières (figures 11 et 12), symbolisent la science et indiquent le moyen par lequel l’homme étudie la carte du ciel et dompte l’espace.
Elles révèlent que le Ndop est un système mathématique complexe englobant les mathématiques, la physique et la cosmogonie.
C’est cela qui a rendu possible la création des systèmes d’écriture Bangam (et Schümom dans le Noun), l’élaboration des règles strictes de la géométrie dans la construction des habitats et des toits pyramidaux et poly-pyramidaux, la production des arts plastiques et des symboles qui meublent de manière récurrente les murs, la maîtrise de la métallurgie (fer et bronze), l’institution du métier des tisserands, la sculpture et toutes les formes d’art qu’on a pu voir pendant la colonisation franco-britannique et aujourd’hui encore.
La sixième figure nous montre la Croix de Jérusalem dans sa représentation la plus parfaite avec, dans les quatre lobes, quatre autres petites croix. Les lignes courbes à l’intérieur de la grande croix centrale indiquent les chemins tortueux qu’il faut réemprunter pour arriver à la Terre Sainte.
La relation avec les ancêtres
Les Bamilékés ont une relation très étroite aux ancêtres qu’ils considèrent comme les intermédiaires entre eux et Dieu.
Ce qui fonde, chez eux, le culte des ancêtres, est dans 2 Timothée 1 :3 « Je rends grâces à Dieu, que mes ancêtres ont servi, et que je sers avec une conscience pure, de ce que nuit et jour, je me souviens continuellement de toi dans mes prières, me rappelant tes larmes, et désirant te voir afin d’être rempli de joie. »
Rites mortuaires
On peut noter que dans le domaine des traditions mortuaires, les Bamilékés exigent d’être enterrés à l’Ouest Cameroun, auprès de leurs parents et grands-parents, le culte des ancêtres ne pouvant être pratiqué ailleurs que là-bas.
On retrouve l’origine de cette pratique dans Genèse 49, où on perçoit la raison pour laquelle de l’Égypte, les douze fils de Jacob entamèrent le retour vers les terres israélites pour enterrer leur père et fonder les 12 tribus selon ses prescriptions.
En effet, Jacob rassembla ses douze fils, indiqua à chacun d’eux quel sera son destin et conclut :
« Je vais être recueilli auprès de mon peuple ; enterrez-moi avec mes pères, dans la caverne qui est au champ d’Éphron, le Héthien, dans la caverne du champ de Macpéla, vis-à-vis de Mamré, dans le pays de Canaan. C’est le champ qu’Abraham a acheté d’Éphron, le Héthien, comme propriété sépulcrale. »
Suivant cette tradition à la lettre, les Bamilékés font des offrandes et des prières à leurs ancêtres à l’intérieur de la maison familiale, mais bâtissent, non loin de la concession familiale, une petite case sacrée appelée Nguiè-dem ou Nguiè-Si (la maison de Dieu) où des offrandes sont faites au Dieu créateur de l’univers. On voit l’origine de cette pratique dans le Livre Saint, dans Zephaniah 3 où le créateur de l’univers parle en ces termes aux tribus dispersées d’Israël : « Alors je donnerai aux peuples des lèvres pures, afin qu’ils invoquent tous le nom de l’Éternel, pour le servir d’un commun accord. D’au-delà des fleuves de l’Éthiopie, mes adorateurs, mes dispersés, m’apporteront des offrandes. »
Le message semble s’adresser aux Bamilékés spécifiquement, puisqu’ils sont ces « dispersés » résidant actuellement « au-delà des fleuves d’Éthiopie », et on voit, partout sur les montagnes de l’Ouest camerounais, ces offrandes faites dans les cases sacrées, au pied des arbres sacrés, des rochers sacrés et des montagnes sacrées.
De la montagne de Sion aux montagnes sacrées
Au Cameroun, on ne peut alors parler des montagnes sans les associer aux Bamilékés, ou des Bamilékés sans les associer aux montagnes. Ceci n’est pas le fait du hasard.
Les Bamilékés vouent à leurs montagnes un attachement proche de l’irrationnel. Elles jouent même le rôle de double-gong, et il est coutume de voir des personnes se positionner au sommet pour communiquer des messages qui résonnent à l’infini.
C’est comme si, après avoir réussi à échapper aux conquêtes de l’Islam, ils avaient retrouvé, sur les hautes terres de l’Ouest, la montagne de Sion décrite dans la Bible : « En ce temps-là, des offrandes seront apportées à l’Éternel des armées…sur la montagne de Sion (Ésaïe 18:7). »
Les montagnes, dans la pensée bamiléké, représentent donc le lieu des offrandes. C’est pourquoi, bien qu’elles soient arides, froides et accidentées, ils y retournent toujours se ressourcer et y pratiquer le culte des ancêtres, toutes les semaines, tous les mois ou une fois par an pour ceux qui vivent à l’étranger, comme pour répondre à l’appel du message biblique:
« Et sur la montagne de Sion, il y aura délivrance; et elle sera sainte, et la maison de Jacob possèdera ses possessions (Abdias 1:17). »
Le « rite du Ngap-Mbo » et le «rite des ‘’Kapparot ‘’»
Un prêtre rituel bamiléké annonce qu’il faut protéger l’enfant, le purifier de ses pêchés afin de lui ouvrir les portes du succès, et le rite du Ngap-Mbo (poule du créateur) est fait.
On fait venir l’enfant au lieu sacré. Celui-ci s’accroupit. Pendant que les prières sont faites, on tournoie la poule autour de sa tête. À la fin de la prière, on blesse l’orteil de la poule et laisse couler le sang. Puis, on la pose sur la tête de l’enfant qui reste accroupi jusqu’à ce qu’elle s’échappe.
En Israël aujourd’hui, à la veille de la fête judaïque du Yom Kipour, le même rite est pratiqué, et de la même manière, sous le nom de « rite des ‘’Kapparot ‘’», en référence à Esaïe 1 :18 :
« Si vos péchés s’avèrent rouges comme l’écarlate, ils deviendront blancs comme la neige. » On fait alors tourner le poulet trois fois au-dessus de la tête du fidèle en prononçant des prières. À la fin, on fait couler le sang de la poule et on la sacrifie en signe d’expiation des péchés.
L’HOLOCAUSTE ET LE GÉNOCIDE BAMILÉKÉ
Peut-on aujourd’hui parler des Juifs sans évoquer l’Holocauste, et des Bamilékés sans évoquer le Génocide Bamiléké? La réponse est non.
Car leur histoire récente est marquée par ces deux événements tragiques, et leur présent, tout comme leur futur, en est et en sera encore la conséquence.
Une fois encore, une fois de plus, ce qui est remarquable, c’est la similitude dans la façon dont ils furent victimes, comme si leur appartenance à la même famille spirituelle les prédisposait au même destin cruel, et ce, sensiblement au même moment de l’histoire :
1933-1945 pour les Juifs, 1958-1970 pour les Bamilékés, ce qui représente douze années sous la terreur pour chacun des deux groupes, comme si chaque année était dédiée à chacun des douze fils de Jacob ;
Six millions de morts chez les Juifs et un million chez les Bamiléké;
Utilisation du Cyclone B contre les Juifs et utilisation du Napalm contre les Bamilékés.
Ces similitudes, et bien d’autres, montrent qu’il était écrit dans le ciel que les montagnes de l’Ouest-Cameroun deviendraient ce qu’avait prédit la Bible dans Ésaïe 18:1, à savoir « la Terre, où retentit le cliquetis des armes, au-delà des fleuves de l’Éthiopie! » De ce point de vue biblique, on peut affirmer que le Génocide Bamiléké était le prolongement de l´Holocauste, et que la France, en chassant l´Allemagne du Cameroun en 1919, avait pris son relais dans la Shoah (bamiléké) pour devenir actrice dans un drame qui n´aurait jamais dû relever de sa responsabilité.
CONCLUSION
Les Bamilékés sont aujourd’hui à la fois chrétiens et porteurs d’une tradition fondée dans le judaïsme.
Le fait qu’ils suivent l’enseignement du Christ (Nouveau Testament) en conservant le culte des ancêtres (Ancien Testament) fait dire d’eux qu’ils pratiquent le syncrétisme religieux. Il n’en est rien. Ils pratiquent tout simplement leur culture originaire juive dans sa totalité.
Par ailleurs, entre 1933 et 1970, Juifs et Bamilékés ont connu des génocides qui ont marqué leur chair.
Et, malgré la paix retrouvée, il subsiste encore, en 2020, des conflits sanglants, en Israël entre les Juifs et les Palestiniens, et au Cameroun entre les Bamilékés anglophones et le pouvoir central de Yaoundé.
Par le Dr. Maurice NGUEPÉ, Anthropologue
Source 237 Online
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