À ses débuts, il y a une éternité, à peu près cinq ans, les critiques comparaient souvent Noémie Schmidt à Julia Roberts. Malgré de trop courtes gambettes pour arriver à sa cheville, la Valaisanne cousine toujours avec la star hollywoodienne sur le plan du sourire panoramique et de la chevelure en cascades botticelliennes. Elle surprend encore, alternative dans «Paris est à nous», une production anarchique sur Netflix, et «Le merveilleux voyage de Wolkenbruch», comédie nationale de Michael Steiner.......Détails........
Autre signe indéniable de fille en vogue, l’actrice s’affiche désormais en égérie parfumée Rochas.
Le président de la maison, Philippe Benacin, vend ainsi les charmes de la «Frenchic»: «Noémie incarne à nos yeux le plus parfait esprit de la jeune femme parisienne moderne.»
La Valaisanne traduit: «Cette pub, c’est surtout l’opportunité extraordinaire de pouvoir prendre trois mois pour me consacrer gratuitement à des projets. La liberté artistique, quoi ! Avec en prime la découverte d’un couturier brillant des années 1920, l’envie de bosser avec eux à long terme.»
Vénale mais pas trop, donc. Et de rire: «Le parfum Mademoiselle, par chance, je l’aime bien, je peux même le porter !»
À décortiquer ses aventures, la quasi-trentenaire n’a jamais donné dans les légendes de jeunes premières. «Longtemps, je n’ai pas eu les mots pour dire mon côté rebelle hors de la sphère privée.
À mon arrivée à Paris il y a cinq ans, je n’osais pas formuler toutes ces questions sur le chaos de la planète. Mais désormais, j’ai cette petite tribune, et dans un monde qui ne s’écoute pas, j’essaie d’y véhiculer des messages que je crois justes.
Quoi de plus important que le rapport humain, la joie d’être ensemble? J’ai besoin de l’autre.»
Elle qui débuta par l’art lyrique à Sion ne rêve pas de danser les claquettes dans «La la land».
«Mon truc, ce serait plutôt «Hair». Les valeurs des années 70 me parlent, ça me raconte des histoires de spiritualité et de communauté. J’apprécie cette idéologie qui place en haut l’humain, le local, qui lutte contre la société de consommation.
Mais je n’idéalise pas avec naïveté le temps des hippies, j’ancre simplement cet héritage dans le présent. Être femme en 2019 me semble mieux qu’à cette époque. Ou qu’à n’importe quelle autre d’ailleurs.»
L’artiste ne se démonte plus si facilement. «Usurper ma position? Moi, je questionne sans cesse ma légitimité d’actrice dans mon travail. Mais la parole, je l’ai. De là, mon seul souci, c’est de faire passer l’intérêt général devant le mien.»
Et les bons sentiments déménagent avec Noémie Schmidt. Qui en 2016 redistribue une bourse du canton du Valais de 10 000 francs pour financer un film prometteur.
Qui, le jour de Nouvel-An, «va toquer à la porte des voisins pour partager des biscuits maison, histoire de dire qu’on est là, qu’on existe».
De quoi lui pardonner des logorrhées débitées parfois avec un staccato de titi parisien.
Quand elle peste contre «le centralisme parisien, les élites qui éclipsent le peuple, l’économie des intérêts politiques qui oublie la valeur de la gratuité», tant de générosité volubile, ça dépasse un peu.
Surtout quand elle fantasme à l’idée de trouver un plombier au bout de sa rue, sans demander à la gérance. «Mais c’est ça, la vraie révolution! Supprimer les intermédiaires, gérer les problèmes dans la proximité. Bon, d’accord, à Paris, ça a encore du mal à se mettre en place.»
Dans «Le merveilleux voyage de Wolkenbruch», en «shikse» (ndlr: fiancée non juive) moderne, elle découvre le milieu juif conservateur mais se garde de juger.
«Les réactions antisémites observées ces jours en France, je n’ai pas la prétention de les analyser, trop hypercomplexes. Même si n’importe quelle intolérance me touche, du racisme à la misogynie en passant par l’homophobie.»
Par contre, l’actrice se sent solidaire du personnage, une fille libre qui met sous sa couette un puceau juif, puis l’éjecte avec la lucidité d’une mante religieuse. «Ça peut interpeller, ce personnage. D’habitude, c’est l’homme qui manifeste ce type d’indépendance.»
Et d’ajouter, mutine: «Le réalisateur Michael Steiner a une folie qui n’est pas la mienne.» Le cinéaste, pourtant, s’est reconnu dans ce tempérament. «Moi, je viens du punk, dit-il, je peux reconnaître ça en Noémie, ce talent du mouvement, qui laisse place à la surprise, à l’improvisation. Je ne «dompte» pas les comédiens, je travaille avec eux.» Bilan: 300 000 entrées en Suisse alémanique.
Sur Netflix dans «Paris nous appartient», Noémie Schmidt peut espérer des millions de spectateurs.
C’est un pari un peu fou que ce bricolage filmique qui aspire à la revendication vierge d’appartenance partisane, démarre dans la foule de la manifestation «Je suis Charlie» en janvier 2015 et se conclut aux funérailles massives de Johnny en décembre 2017.
La production expérimentale financée «en désespoir de cause par crowdfunding» échappe au formatage mais finit sur une plateforme. Le paradoxe n’échappe pas à la militante.
«Les maisons de production françaises trouvaient le film trop libre, voulaient le modifier pour le rendre vendable. Puis Netflix s’est proposé de le diffuser tel quel.»
Cette équipe est menée par Elizabeth Vogler, une réalisatrice au patronyme bergmanien en référence au personnage de Liv Ullman dans «Persona», une cinéaste qui se cantonne dans le mystère «arty». Allait-elle vendre son âme au diable? «Nous avons eu un vrai débat interne, poursuit Noémie Schmidt en porte-parole.
Déjà, pour la génération internet que nous sommes, le cinéma n’est pas un lieu mais une forme. Et puis, entre une diffusion mondiale et une sortie dans 3 salles à Paris, c’était vite vu, par respect pour tous les gens qui avaient participé au financement.»
Elle soupire. «Faut gérer la notoriété, un lien brutal avec la réalité, qui parfois échappe, sombre dans l’absurdité totale. C’est le syndrome Netflix: un film tourné en s’amusant peut être vu dans 180 pays! Les gens ne vont pas le recevoir de la même manière. Et tous forcément ne vont pas comprendre.»
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