Écrivain français d'origine polonaise, Marek Halter publie ses mémoires : "Je rêvais de changer le monde" (Robert Laffont/XO). Pour la première fois, il y évoque l'ensemble de sa vie, de son enfance dans le ghetto juif de Varsovie sous l'occupation nazie jusqu'à ses tout derniers combats.......Interview et Video.........
En plus d'un demi-siècle de vie publique, Marek Halter a croisé de très nombreuses personnalités politiques et intellectuelles à travers le monde. Des relations qu'il raconte avoir mises au profit de la lutte pour la paix. Aujourd'hui, à 83 ans, cela reste son premier cheval de bataille.
Euronews l'interviewe à l'occasion de sa présence à Lyon pour une séance de dédicaces le 6 mars 2019.
Isabelle Kumar, euronews :
"Marek Halter, intellectuel, écrivain, combattant pour la paix. Votre histoire est extraordinaire et vous la racontez dans vos mémoires : "Je rêvais de changer le monde".
Mais vous avez dit que cet acte d'écrire, je vous cite, c'est comme "plonger vos mains dans la marmite bouillante de la mémoire". Comment avez-vous ressenti cette expérience d'écrire vos souvenirs ?"
Marek Halter, écrivain français d'origine polonaise :
"Ce n'était pas simple parce que quand on décide d'écrire ses mémoires, cela veut dire qu'on accepte l'idée que la vie est déjà derrière nous. Sinon, on attendrait.
Du coup, on se rend compte qu'on est mortel. Et on se demande combien de temps on a encore (devant nous).
Et je ne les l'aurais peut-être jamais écrites si ma femme n'était pas tombée malade, elle a attrapé une malade incurable pour l'instant - Parkinson - et comme j'ai lu beaucoup de livres, y compris Goethe : "Docteur Faustus", j'ai proposé à la mort qui pour moi, est comme un diable - c'est le mal absolu -, un pacte :
"Tu laisses tranquille Clara le temps que je termine mes mémoires".
Parce que j'aimais bien lui lire les passages. Et chose extraordinaire : elle est morte au moment où j'ai terminé mes mémoires.
Et il me restait seulement une phrase à ajouter : c'est la dernière phrase de mon livre : "Clara est morte". C'est fabuleux. On croit en Dieu ou pas, au destin ou au hasard... peu importe !"
Isabelle Kumar :
"Quand vous aviez dix ans, vous avez rencontré Staline et vous avez dit que c'est une rencontre qui vous a fortement marqué et qui a changé votre vie."
Marek Halter :
"Il a désacralisé à mes yeux, la fonction de chef. Moi, j'avais dix ans, c'était le premier anniversaire de la victoire sur le nazisme, donc on m'a envoyé avec une délégation, donner les fleurs à Staline, place Rouge. Il y a une photo d'ailleurs dans mon livre [rires].
Et d'un seul coup, j'ai vu un homme qui était beaucoup plus petit que sur les portraits que je voyais dans les halls de gare. Il sentait le tabac froid, c'était terrible.
Donc j'ai fait deux pas en arrière : au lieu de lui donner les fleurs, j'ai reculé. Donc c'est lui qui est venu vers moi pour chercher les fleurs [rires]. Et d'un seul coup, je me suis dit : "C'est un homme comme nous."
Isabelle Kumar :
"Et cette rencontre vous a changé : par exemple quand vous avez essayé de négocier la paix entre les Israéliens et les Palestiniens..."
Marek Halter :
"Exactement : ça m'a complètement libéré, il n'y avait pas de problème. Quand j'ai vu Yasser Arafat pour la première fois, il n'y avait pas de problème. On a discuté.
Il ne comprenait pas très bien mon personnage : un juif pro-israélien qui vient le voir. Quand j'ai persuadé Shimon Peres de le rencontrer, je l'ai appelé, je lui ai dit : "Yasser, Shimon Peres veut vous rencontrer chez moi à Paris." (Il a répondu :) "Tu penses que c'est raisonnable ?"
Je lui ai dit : "Personne le saura, ce sera chez moi à la maison." Et c'est comme ça qu'a commencé la négociation qui a abouti aux accords d'Oslo."
Isabelle Kumar :
"Finalement, dans le titre de votre livre : "je rêvais", la phrase est au passé..."
Marek Halter :
"Ce n'est pas passé."
Isabelle Kumar :
"Non ? Parce qu'il vous reste des défis ?"
Marek Halter :
"Bien sûr... J'ai un projet : je pense que là, si je le réussis, il y aura la paix au Proche-Orient.
Il y a un élément nouveau qui a surgi depuis 50 ans : ce sont les femmes. Donc mon idée est simple : réunir 300.000 femmes - moitié palestiniennes, moitié israéliennes -, faire venir toutes les télévisions - dont euronews - et faire monter ces deux cortèges immenses vers Jérusalem avec une seule pancarte (sur laquelle on aura écrit) : Shalom, Salam. Paix.Personne n'osera tirer sur cette foule.
Et après, les embrassades entre ces deux foules immenses de femmes. Et je vous garantis qu'un an après, on ne parlera plus du conflit israélo-palestinien."
Vous nous aimez, prouvez-le....