À l'occasion de la fête nationale iranienne, le président fédéral allemand a adressé ses félicitations au président Hassan Rohani au nom de ses compatriotes. Cette pratique diplomatique commune scandalise outre-Rhin........Analyse.........
«Un diplomate qui s'amuse est moins dangereux qu'un diplomate qui travaille», disait l'écrivain français Georges de Porto-Riche.
Le 11 février, à l'occasion de la fête nationale iranienne qui coïncide cette année avec les 40 ans de la République islamique d'Iran, le président de la République fédérale d'Allemagne Frank-Walter Steinmeier a envoyé au président iranien Hassan Rohani un télégramme qui suscite l'incompréhension parmi ses compatriotes.
«À l'occasion de la Fête nationale de la République islamique d'Iran, je tiens à vous adresser, également au nom de mes compatriotes, mes plus chaleureuses félicitations», peut-on y lire.
Le texte n'avait pas été rendu publique, mais le quotidien allemand Bild l'a révélé la semaine dernière.
La tournure du message a choqué outre-Rhin, où l'on reproche au président d'avoir associé l'ensemble de ses compatriotes à ce message trop positif.
La République islamique d'Iran, virulemment antisioniste, est notamment accusée de financer le Hamas et le Hezbollah et de faire fi des droits de l'homme au sein de ses frontières.
Josef Schuster, président du Conseil central des Juifs d'Allemagne, a exprimé son mécontentement dans les colonnes du Bild: «Dans le télégramme de félicitations du président fédéral à l'occasion de l'anniversaire de la révolution en Iran, la diplomatie de routine semble avoir remplacé la pensée critique. Il est incompréhensible que la sensibilité nécessaire au sujet de l'Iran ait apparemment fait défaut au bureau présidentiel.
Si l'on avait vu la nécessité de féliciter à l'occasion de cet anniversaire, le Président fédéral aurait au moins dû trouver des mots clairs de critique à l'égard du régime».
Il l'a au contraire pressé de «faire clairement comprendre à l'Iran la posture critique des Allemands au nom desquels il s'exprime».
Plusieurs éditoriaux ont dénoncé le message, et le représentant de Human Rights Watch en Allemagne, Wenzel Michalski, l'a qualifié de «choquant». Rapidement, le hashtag «#NichtInMeinemNamen» («Pas en mon nom») s'est répandu sur les réseaux sociaux.
Plusieurs internautes s'interrogent sur le choix de Frank-Walter Steinmeier, lui qui avait pourtant refusé de féliciter Donald Trump pour son élection en 2016, alors qu'il était ministre des Affaires Étrangères.
Steinmeier et Schuster se seraient entretenus au téléphone, selon le bureau du président fédéral.
Le président fédéral aurait déclaré: «Les droits de l'homme sont bafoués en Iran et l'Iran joue également un rôle déstabilisateur dans la région. Le danger d'un Iran doté de l'arme nucléaire est d'autant plus grand».
« Les droits de l'homme sont bafoués en Iran et l'Iran joue un rôle déstabilisateur dans la région. Le danger d'un Iran doté de l'arme nucléaire est d'autant plus grand .»
En Allemagne, c'est à la chancelière élue par les députés du Bundestag que revient l'exécution de la politique fédérale.
Le président de la République fédéral a cependant un rôle de représentation diplomatique, et de telles pratiques sont courantes. Le bureau du président a ainsi indiqué qu'un tel message correspond à la «pratique étatique de longue date de la République fédérale d'Allemagne» qui «permet des contacts plus profonds et critiques».
C'est en 1980 que le président allemand a, pour la première fois, adressé ses félicitations à la République islamique d'Iran le jour de sa fête nationale. La pratique a été interrompue entre 2007 et 2013, sous le mandat du président iranien Mahmoud Ahmadinejad, puis a repris en 2014.
Seuls quelques rares pays comme la Corée du Nord, la Syrie et le Soudan ne reçoivent pas de messages de ce type, dont le ton est généralement positif.
Le télégramme invite le président iranien Hassan Rohani à «écouter même les voix critiques» de son pays. Il s'agit de la seule référence à la politique controversée du régime.
En 2006, le président Horst Köhler avait également adressé un message controversé au dictateur biélorusse Alexandre Loukachenko.
Malgré l'isolement diplomatique international de la Biélorussie, Horst Köhler avait choisi de lui adresser ses vœux, mais avec bien plus de finesse que son successeur: il lui avait souhaité «un avenir pour votre pays dans la liberté, la paix et la prospérité», sous-entendant ainsi clairement leur absence.
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