Le projet israélien de construction d’un rideau de béton de 7 mètres de haut et 79 kilomètres de long sur la frontière fait craindre un retour des violences. Beyrouth assure que son territoire serait amputé.......Analyse..........
«Nous venons de passer Kafr Hammam et nous nous dirigeons à présent vers notre poste d’observation, à proximité des fermes de Chebaa, le long de la ligne bleue, avertit le major Vikramaditya Singh, à bord de son véhicule blindé de la Force intérimaire des Nations unies au Liban (Finul).
Nous nous y arrêterons quelques instants pour vérifier que tout va bien.» Avec une dizaine d’officiers de son régiment, le commandant indien effectue deux à trois patrouilles par jour dans les montagnes du Sud-Liban, jusqu’à la ligne bleue tracée par les Nations unies en 2000 au lendemain du retrait israélien du Liban.
Sa mission est de veiller au respect de l’application de la résolution 1701, adoptée par l’ONU après la guerre des 33 jours, qui a opposé les deux pays à l’été 2006.
«Nous travaillons depuis en étroite collaboration avec l’armée libanaise pour maintenir la paix dans la région, précise-t-il. Nous veillons ensemble au respect du cessez-le-feu et à l’absence de tout trafic d’armes.»
Près de 10 500 Casques bleus originaires de 41 pays mènent nuit et jour des opérations de sécurité dans la zone tampon du Sud-Liban.
Depuis le début de l’année, ils redoublent de vigilance. La raison : un projet israélien de construction d’un mur de 7 mètres de haut et 79 kilomètres de long sur sa frontière, en plus de la clôture de sécurité qui existe déjà. Mais le Liban conteste ce rideau de béton qui a émergé sur 500 mètres, à quelques kilomètres de la plage de Naqoura, et assure qu’il ampute son territoire de centaines de milliers de mètres carrés.
«Routine»
Beyrouth revendique également la souveraineté de treize points litigieux du tracé du barrage israélien sur la ligne bleue, en conformité avec la délimitation des frontières définies en 1923 avec la Palestine par le comité Paulet-Newcombe.
«Si Israël vient à traduire en actes ses provocations, il y aura une nouvelle guerre», a mis en garde début février le chef de l’Etat libanais, Michel Aoun. «C’est une incitation à la violence, abonde le député libanais Nabil Nicolas (Courant patriotique libre).
Pourquoi vouloir construire un mur alors que nous ne sommes pas d’accord sur la ligne de démarcation ?»
Et de menacer : «Les Israéliens ne savent vivre que sur l’agression mais, cette fois, qu’ils en soient sûrs, si un conflit est amorcé, ce ne sera pas une promenade comme ils le pensaient en 2006…»
Depuis des dizaines d’années, Israël a considérablement barricadé son territoire en multipliant les fortifications le long de ses frontières extérieures avec le Golan syrien, au nord-est, la Judée Samarie et la Jordanie à l’est, et l’Egypte et la bande de Gaza au sud-ouest.
Le projet de mur avec le Liban au nord n’est que la nouvelle démonstration de cette politique de séparation qui avait débuté en 2012, à Kafr Kila, une ville située au Sud-Liban.
Avec son casque militaire estampillé des initiales des Nations unies et son gilet pare-balles, Vikramaditya Singh assure cependant que la situation reste calme sur le terrain.
«Nous n’avons relevé aucun signe extérieur de cette recrudescence des tensions. Les écoles sont ouvertes, les enfants jouent toujours sur le bord de la route, les parents cultivent leurs champs. Les habitants continuent à vivre leur routine», affirme l’officier indien.
A une dizaine de mètres de la ligne bleue ce jour-là, au niveau d’un point appelé «le plateau de la propagande», un berger est de sortie avec son troupeau de moutons. Il se repose, adossé à un rocher.
«Vous voyez ! La population reste tranquille, nous sommes pourtant à quelques mètres des fermes de Chebaa, une zone sous haute tension», souligne le capitaine Irengban Gregory Singh, l’un des officiers du bataillon indien. Depuis le retrait israélien du Sud-Liban en 2000, le site des dix-huit fermes de Chebaa, de 25 km2, est au cœur d’un litige entre Israël, le Liban et la Syrie.
C’est l’un des treize points de la ligne bleue érigée par l’ONU que la classe politique libanaise ne considère pas comme définitive.
Pour Israël, cette zone appartient au plateau syrien du Golan qu’il occupe depuis 1967 alors que pour Damas et Beyrouth, elle revient de droit au Liban. «Des manifestations se tiennent régulièrement ici pour revendiquer la souveraineté des fermes», poursuit Irengban Gregory Singh.
Au mois de février, une vingtaine de personnes se sont pacifiquement mobilisées pour dénoncer le projet israélien de construction d’un mur, sous l’œil avisé de Tsahal, l’armée israélienne.
De l’autre côté de la ligne bleue, en contre-haut de la montagne, est installé un des postes d’observation des forces de défense israéliennes. «Chacun surveille les mouvements de l’autre, mais tout reste sous contrôle», certifie le major Vikramaditya Singh.
Dissensions
L’escalade des tensions suscite cependant l’inquiétude car le maintien de la paix demeure plus que jamais fragile dans le sud du pays. Un accrochage peut rapidement y dégénérer.
En 2015, un Casque bleu espagnol a perdu la vie lors d’un échange de tirs entre soldats israéliens et combattants du Hezbollah.
En 2010, c’est l’élagage d’un arbre par des Israéliens dans une zone contestée par le Liban qui avait fait quatre morts.
«Une nouvelle guerre aurait pu éclater à ce moment, réagit le porte-parole de la Finul, Andrea Tenenti, mais nous avons su désamorcer les tensions à travers le dialogue.»
Depuis la fin de la guerre de 2006, les Nations unies ont en effet mis en place un mécanisme «de renforcement de la confiance» entre les deux pays : des réunions mensuelles entre leurs deux armées sous le joug de la Finul.
Face à la récente escalade verbale entre le Liban et Israël, ces dernières se tiennent désormais toutes les semaines.
«C’est l’illustration d’une volonté de discussion de la part des deux parties. Il n’y a pas d’appétit pour un nouveau conflit», veut croire le porte-parole de l’ONU. Mais tous ne se montrent pas aussi optimistes.
Dans certaines ambassades européennes, on y voit le signe de points de dissensions inéluctables. Début avril, l’armée israélienne a repris la construction du mur à la frontière du Liban malgré le désaccord de Beyrouth et les avertissements de représailles de sa classe politique en cas de violations des points frontaliers disputés.
Source Liberation
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