mardi 3 octobre 2017

Ido Portal et ce que peut un corps.....(Vidéos)


Un spectre hante les industries du fitness et de la remise en forme: le spectre d’Ido Portal. Ainsi, dès qu’il sort de son repos, ce petit Israélien de 37 ans, à l’œil qui vous regarde bien et au corps vitruvien, arborant «bouc-barbe» de prophète, fait penser – on excusera cette pédanterie – à ce passage de L’Ethique de Spinoza: «Le corps, par les seules lois de sa nature, peut beaucoup de choses dont son esprit reste étonné» (Livre III, proposition 2, scolie)........Détails et vidéos........



Or, depuis que, dans sa vie, Ido Portal a fait du «mouvement» la mesure de toute chose, le cercle de ses affidés n’a eu de cesse de s’agrandir; et, à son contact, c’est peu de dire effectivement que notre «esprit» s’étonne de nouveau de ce que les machines de musculation Nautilus, et le paradigme de la forme par les biceps et les pectoraux congestionnés, s’étaient vite empressés de nous faire oublier au tournant des années 1970: nous avons des capacités exceptionnelles en matière de mouvement du corps.
Certes, les héritiers de l’hébertisme, tels que le CrossFit, le MovNat et autres disciplines au poids du corps, nous ont permis de renouer avec cette intuition-là. Ido Portal, lui, la porte à son point de cristallisation.
Et les fitness traditionnels, penauds, ont commencé de trembler sur leurs fondements.

Si faibles, et pourtant si forts

Grâce aux enseignements qu’Ido Portal prodigue en ses Movement Camps, nous revoilà donc fiers de ce corps hominien, à l’apparence si fragile en comparaison de la puissance féroce du lion; fiers de ce corps si lourdaud devant la pesanteur, alors que l’aigle, lui, s’en affranchit d’un battement; ce corps sans souffle apnéiste lorsque l’on considère les plongées interminables des baleines ou des dauphins; ce corps ridicule de lenteur quand on l’évalue à l’aune du guépard qui se projette.
Oui, ce corps si faible, cet homme si pusillanime déborde pourtant de beaucoup la condition animale en possibilités de métamorphoses. Et il vous suffira de suivre le «prodige d’Haïfa» dans ses explorations motrices pour finir de vous en convaincre.
Ainsi, la gravité pèse, la pesanteur colle, disions-nous? La belle affaire, Ido Portal comprime ses bamboo legs et pschitt prend son très bel envol: salto, vrille, flip-flap, saut papillon, salto costal, etc.
Le maître va jouer de chacune de ces figures, jusqu’à l’épuisement des enchaînements à produire, empruntant ici à l’acrobatie, là au cirque contemporain, plus loin, à la capoeira et à la danse.

Si bas, et pourtant si hauts

Puis, il suffit. Car ce pédotribe des temps modernes peut parfaitement décider de se laisser choir. Mais toujours avec la science de ceux qui savent que la chute n’est rien sans les modalités de son atterrissage. Tomber? Oui. Pourquoi pas. Mais avec style, je veux dire sans se heurter.
D’où il se tient, maintenant, la bienséance ne commande-t-elle pas que l’on se relève?
Ce serait gâcher tous les plaisirs sensoriels de la locomotion quadrupède: singe, ours, crocodile. Ces expériences, au ras du sol et de la peau, culminant d’ailleurs en difficulté lorsque Portal invite ses disciples à se déplacer comme l’inquiétant lézard.
Essayez ! Mais n’oubliez pas que, en ces matières, les yeux guident le corps. Sinon, gare aux épaules qui sifflent.
La précédente chronique de Pierre Escofet:  La folie très maîtrisée de Marcelo Bielsa
Poursuivons, car, si bas que nous soyons en cette terre, des envies de création peuvent se faire jour.
Sitôt dit, Ido fusionne deux ou trois mouvements – squat, au cortado, queda de rins – dans un système clos qu’il exécutera rubato, en s’attachant à préserver le flow de leur transition.
Mais l’homme est ainsi fait qu’à la fin il se lasse. Tôt ou tard, ce corps en reptation voudra, n’en doutons point, retrouver la lucidité panoramique de l’Homo erectus.
Une roulade en vue d’augmenter sa vélocité angulaire, et le voilà qui remonte. Sans poser les mains, s’il vous plaît.

Si aliénés, et pourtant si libres

En cette nouvelle station, il questionne son bon plaisir? Va pour une visite guidée en ce pays si fourni de la callisthénie: équerres, drapeaux, planches, appuis tendus renversés (handstand), muscle up, back lever, front lever, tractions à une main, rotations, etc.
Fidèle à la maxime «more expensive is the tooler, cheaper is the mover», on ne s’étonnera pas de l’intérêt de Portal pour cet agrès si riche et pourtant d’apparence si simple que constituent les anneaux.
Vous êtes fort en rotation interne des épaules, l’outil migrera en rotation externe. Les anneaux, c’est le métronome de nos faiblesses. Enfin, grand connaisseur de la tradition acrobatique, Ido Portal n’est pas manchot non plus lorsqu’il s’agit de manipuler des objets: bâtons, quilles, balles et ballons, etc.
Bref, de mouvements en mouvements, des plus simples aux plus complexes, nos sens s’aiguisent et se fédèrent dans le corps.
Cette unification procure de la joie d’autant qu’Ido Portal l’opère en nous avec une science consommée de la structuration de la difficulté. Notre cortex s’enrichit de connexions inédites. Une joie et des connexions perdues depuis des temps immémoriaux. Une liesse volée, aliénés que nous sommes à nos voitures, nos portables, nos écrans, nos chaises et nos bureaux.
Alors, oui, bougeons plus, bougeons mieux, bougeons dans la compréhension des mécanismes qui sous-tendent nos mouvements.
Et peut-être serons-nous enfin à la hauteur, de notre squelette et de ses nombreux «degrés de liberté».
Au bilan, Ido Portal nous y pousse. Cette invitation, peut-on encore la repousser ?





Source Le Temps
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