vendredi 15 janvier 2016

Haftara Bo : Survivre à la destruction



Jérémie, contemporain de la destruction du premier Temple, décrit l’invasion de l’Égypte par les Babyloniens. Il prévoit le rédemption pour Israël. Voici le texte traduit suivi de deux analyses....



Texte traduit :


La parole qui fut adressée par l’Éternel à Jérémie, le prophète, sur l’arrivée de Nebucadnetsar, roi de Babylone, qui voulait frapper le pays d’Égypte.
Annoncez-le en Égypte, Publiez-le à Migdol, Publiez-le à Noph et à Tachpanès ! Dites : Lève-toi, prépare-toi, Car l’épée dévore autour de toi !
Pourquoi tes vaillants hommes sont-ils emportés ? Ils ne tiennent pas ferme, car l’Éternel les renverse.
Il en fait chanceler un grand nombre ; Ils tombent l’un sur l’autre, et ils disent : Allons, retournons vers notre peuple, Dans notre pays natal, Loin du glaive destructeur !
Là, on s’écrie : Pharaon, roi d’Égypte, Ce n’est qu’un bruit ; il a laissé passer le moment.
Je suis vivant ! dit le roi, Dont l’Éternel des armées est le nom, Comme le Thabor parmi les montagnes, Comme le Carmel qui s’avance dans la mer, il viendra.
Fais ton bagage pour la captivité, Habitante, fille de L’Égypte ! Car Noph deviendra un désert, Elle sera ravagée, elle n’aura plus d’habitants.
L’Égypte est une très belle génisse... Le destructeur vient du septentrion, il arrive...
Ses mercenaires aussi sont au milieu d’elle comme des veaux engraissés. Et eux aussi, ils tournent le dos, ils fuient tous sans résister. Car le jour de leur malheur fond sur eux, Le temps de leur châtiment.
Sa voix se fait entendre comme celle du serpent ; Car ils s’avancent avec une armée, Ils marchent contre elle avec des haches, Pareils à des bûcherons.
Ils abattent sa forêt, dit l’Éternel, Bien qu’elle soit impénétrable ; Car ils sont plus nombreux que les sauterelles, On ne pourrait les compter.
La fille de l’Égypte est confuse, Elle est livrée entre les mains du peuple du septentrion.
L’Éternel des armées, le Dieu d’Israël, dit : Voici, je vais châtier Amon de No, Pharaon, l’Égypte, ses dieux et ses rois, Pharaon et ceux qui se confient en lui.
Je les livrerai entre les mains de ceux qui en veulent à leur vie, Entre les mains de Nebucadnetsar, roi de Babylone, Et entre les mains de ses serviteurs ; Et après cela, l’Égypte sera habitée comme aux jours d’autrefois, Dit l’Éternel.
Israël sera délivré
Et toi, mon serviteur Jacob, ne crains pas ; Ne t’effraie pas, Israël ! Car je te délivrerai de la terre lointaine, Je délivrerai ta postérité du pays où elle est captive ; Jacob reviendra, il jouira du repos et de la tranquillité, Et il n’y aura personne pour le troubler.
Toi, mon serviteur Jacob, ne crains pas ! dit l’Éternel ; Car je suis avec toi. J’anéantirai toutes les nations parmi lesquelles je t’ai dispersé, Mais toi, je ne t’anéantirai pas ; Je te châtierai avec équité, Je ne puis pas te laisser impuni.


Analyse du Rav Kohn :


Jamais plus de sauterelles en Egypte

 Dans cette haftara, qui rappelle l’effondrement de l’Egypte décrit par notre paracha, Hachem annonce, par la voix de Son prophète Jérémie, qu’Il va punir les multitudes d’Alexandrie (traduction du Targoum Yonathan), ainsi que Pharaon et toute l’Egypte (Jérémie 46, 25 et 26).
Il existe cependant un lien plus étroit avec cette paracha, constitué par le verset 23 : « Ils coupent sa forêt, dit Hachem, quoiqu’elle soit impénétrable, car ils sont plus nombreux que les sauterelles, et on ne peut les compter. »
La parachath Bo commence en effet par le récit de la huitième des plaies d’Egypte, les sauterelles, de sorte que le lien entre la paracha et la haftara prend une connotation particulière par la double évocation du vol prédateur de ces insectes.
Ce lien est d’autant plus remarquable que Rabbeinou ‘Hananel, cité par le Keli yaqar (ad Chemoth 10, 1), rapporte qu’il n’y a plus jamais eu en Egypte, depuis ces deux invasions, d’arrivées destructrices de sauterelles, et que, même lorsque les contrées voisines en sont infestées, elles ne pénètrent plus dans ce pays pour le dévaster.
Et Rabbeinou ‘Hananel d’expliquer ce phénomène étonnant par le verset qui précise qu’il « ne resta pas une seule sauterelle dans tout le territoire de l’Egypte » (Chemoth 10, 19), comme si ce passage constituait l’annonce pour toujours qu’il n’y aurait jamais plus de sauterelles sur le territoire égyptien.



Analyse de Oury Cherki:


L’Egypte – serpent circulaire

Dans la Haftara de Bo, le prophète Jérémie (46, 20-22) compare l’Egypte à deux animaux : un veau et un serpent. « L’Egypte, une magnifique génisse », « même les mercenaires qu’elle abrite sont comme des veaux à l’engrais », « son cri sera strident comme [le sifflement] du serpent ».
La comparaison de l’Egypte à un serpent indique un rapprochement entre ce peuple et le serpent originel qui a fait fauter le premier homme. Le serpent de la Genèse représente l’intelligence naturelle, qui est sinueuse, terrestre et mortelle, ce qui, en soi, n’a rien de mauvais (nos sages n’ont-ils pas dit que le mauvais penchant avait chevauché le serpent, et non qu’il était le serpent?). Ce qui lui manque est la faculté de s’élever vers des hauteurs morales que la conscience du libre arbitre permet d’atteindre.
L’Egypte, comme le serpent, n’est qu’un produit dérivé, nettement plus perfectionné, des données de la nature. Le Nil, une puissance de la nature, permet d’abreuver le désert le plus aride, d’éviter aux égyptiens de se soucier de famine… mais les prive également du besoin de prier. Tout l’inverse d’Erets Israël, où « c’est de la pluie du ciel que tu t’abreuveras » (Deut. 11, 11), obligeant l’homme à s’élever moralement et prier.
L’Egypte ne connaissait pas la liberté. Pas la liberté de l’homme, ni celle du système politique ni même celle des lois de la nature.
Les mages égyptiens du temps de Joseph ne pouvaient envisager un changement dans le fonctionnement de l’Egypte qui entraînerait la famine. C’est la raison pour laquelle les pharaons égyptiens portaient la forme d’un serpent sur leur front, précisément à l’endroit où le peuple juif porte les phylactères (Téfiline). Pour marquer l’asservissement de l’homme à la nature. Une des particularités de la nature est le cycle, symbolisé par le veau, dont le sabot est rond.
La nature est à « l’effigie d’un bœuf qui broute l’herbe » (Psaumes 106, 20), qui incline la tête vers le sol pour se nourrir, contrairement à l’homme qui porte la nourriture à lui. Le serpent aussi marque par sa forme arrondie, représentant le cycle perpétuel de la nature.
A l’inverse de la forme arrondie du serpent, la Thora ordonne aux juifs de placer au dessus du front des boîtiers carrés. Ces traits droits sont l’indication d’un système de valeurs qui différencie le haut du bas et possède une échelle de valeurs morale.
Les boîtiers contiennent un condensé de la connaissance de la révélation transcendantale, matérialisé par la main forte déployée lors de la sortie d’Egypte, sortie de la servitude, à la fois spirituelle et matérielle.
Les lanières des phylactères, qui peuvent être faites en peau de veau, indiquent l’élévation au dessus du veau. Le veau sert d’intermédiaire à l’essentiel, les phylactères.
Des fouilles archéologiques en Egypte ont même dévoilé une allusion aux phylactères de Rachi et de Rabénou Tam, lorsque sur le front du pharaon Toutankhamon a été découvert un double symbole – un aigle et un serpent. Ces symboles correspondent, selon la kabbale, aux Séphirot de sagesse et royauté, correspondant à ce monde et au monde à venir, ainsi qu’aux deux opinions de nos sages au sujet des phylactères.
Voilà un exemple du principe de la kabbale comme quoi l’écorce (le serpent de l’Egypte) précède le fruit (les phylactères d’Israël).


Source Massorti et Chiourim et Noahideworldcenter