mardi 11 janvier 2022

Rafle de la synagogue à Bordeaux, le 10 janvier 1944 : que s’est-il passé ce jour-là ?


Bordeaux a célébré ce dimanche 9 janvier 2022 la mémoire des 335 victimes de la rafle anti-juive du 10 janvier 1944, la dernière des quatre grandes rafles menées en Aquitaine par les Allemands, depuis juillet 1942.......Détails........

10 janvier 1944. Les Allemands ont décidé de s’appuyer sur la police française pour être plus efficaces dans la déportation des juifs. À Bordeaux, ils demandent aux autorités françaises d’organiser cette rafle. 
Le préfet régional Maurice Sabatier en est informé en début d’après-midi. Les personnes devront être incarcérées à la caserne Boudet ou à la synagogue, ce qui constitue une première. La rafle débute à 21 h 05.
Près de 200 personnes ont célébré la mémoire des victimes de la rafle du 10 janvier 1944, ce dimanche 9 janvier, à la grande synagogue de Bordeaux. Une commémoration pour ne pas oublier le passé
Deux cent vingt-huit juifs sont arrêtés en Gironde : 135 à Bordeaux, 12 à Arcachon, 81 dans le reste du département. D’autres arrestations ont lieu à Pau et à Bayonne. 
Les 335 juifs (dont 50 enfants) arrêtés dans cette nuit du 10 au 11 janvier sont emprisonnés à la grande synagogue de Bordeaux, transformée en prison. Ils sont ensuite transférés, en train, jusqu’à Austerlitz. Le convoi quitte la gare Saint-Jean de Bordeaux le 12 janvier. 
Transportés en bus au camp de Drancy, ils intégreront ensuite le convoi numéro 66 du 20 janvier, composé de 1 153 juifs, à destination du camp d’extermination d’Auschwitz. 
Le plus jeune déporté du convoi a été arrêté à Bordeaux : Alain Gross, né le 29 septembre 1943, n’a que trois mois.

« Une armée pour arrêter un enfant »

Le célèbre neuropsychiatre Boris Cyrulnik a été le seul à s’échapper de l’enfer de la synagogue, après avoir été capturé. Enfant, il a été confié en 1942 par ses parents (tous deux morts en déportation à Auschwitz) à l’assistance publique, pour échapper aux nazis. 
Il est ensuite recueilli par une institutrice bordelaise, Margot Farge, qui le cache chez elle. Sur dénonciation, au petit matin du 10 janvier 1944, la rue Adrien-Baysselance où il habite est bouclée par des policiers français, des soldats allemands en armes et par leurs camions bâchés, afin de le conduire prisonnier dans la synagogue noire de monde : 227 personnes y sont déjà enfermées. Il réussit dans des conditions étonnantes, à 6 ans et demi, à s’en évader en se cachant sous le plafond des toilettes. 
Lorsqu’il sort de la synagogue, une fois les Allemands partis avec leurs prisonniers, une infirmière de la Croix-Rouge, Andrée Descoubès, le reconnaît, le fait monter dans une camionnette, où elle le cache. 
Boris Cyrulnik est sauvé, il a échappé à la déportation. Miraculé de cette rafle, il mettra quarante ans avant de remettre les pieds à Bordeaux, en 1985.

Elles ont survécu à la rafle

Blanche Chauveau (11 ans) et sa sœur Josette Mélinon (5 ans) ont aussi échappé au convoi vers Drancy. Ce jour-là, elles ont perdu leur cousine Myriam Errera, mais aussi leur grand-mère et des tantes. 
Elles témoigneront avoir été sauvées grâce à l’obédience catholique de leur père qui a dû montrer des certificats de baptême sur sept générations. Surtout ceux des grands-mères, car la judéité se transmet par les femmes. 
On les a retirées de la prison, située alors rue Jules-Ferry, le matin du 12 janvier. À 15 heures, le train de déportés partait avec leur mère dedans.
Raflée avec son mari, André Murrate (35 ans), et parquée dans la Synagogue de Bordeaux, Berthe Murrate (35 ans), a miraculeusement survécu à Auschwitz. Âgée de 90 ans, elle témoignera aux assises de la Gironde, en février 1998, lors du procès Papon.
Le Bordelais Michel Slitinsky (1925-2012), lui, a réussi à s’enfuir lorsque les policiers français sont venus arrêter sa famille. 
Vers 3 heures du matin, les policiers frappent à la porte de l’appartement familial rue de la Chartreuse, dans le quartier Mériadeck à Bordeaux. Son père et son frère ont déjà été déportés en octobre 1942 et gazés à Auschwitz. Sa mère et sa sœur sont arrêtées. 
L’adolescent de 17 ans s’arme d’un fer à repasser et s’échappe par les toits. Il entre ensuite dans la clandestinité, puis rejoint le maquis et la Résistance, en Auvergne.
Au terme d'une procédure longue de seize ans, le procès de Maurice Papon, secrétaire général de la préfecture de la Gironde durant la Seconde Guerre mondiale, s'ouvrait le 8 octobre 1997 devant la cour d'assises de Bordeaux. Six mois plus tard, le 2 avril 1998, l'ancien fonctionnaire de Vichy était condamné pour "complicité de crimes contre l'humanité", pour son rôle dans des déportations de Juifs de la région bordelaise vers le camp de Drancy, d'où ils ont ensuite été acheminés vers le camp d'extermination d'Auschwitz.
Après la Libération, Michel Slitinsky se battra ensuite pendant des années pour collecter les preuves de la culpabilité des responsables français de cette période. Il est à l’origine du procès de Maurice Papon. 
Ce dernier, alors secrétaire général de la préfecture de la Gironde, futur ministre de la Ve République, a été un des organisateurs de la rafle de Bordeaux où vivaient avant-guerre plus de 5 000 juifs. 
Condamné en 1998 à dix ans de réclusion criminelle pour complicité de crimes contre l’Humanité, libéré en 2002 pour raisons médicales, il est mort en 2007 à l’âge de 96 ans.

Durant la Seconde Guerre mondiale, environ 1 600 juifs ont été déportés depuis Bordeaux. Un nombre infime d’entre aux a survécu.

Source Sud Ouest

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