mardi 26 novembre 2019

La star du MMA, l'Américaine Paige VanZant, de passage à Tel Aviv


Sur la plage de Tel Aviv, entre les tours du litto­­ral et la mer, une blonde agrippe une barre de trac­­tion. À la force des biceps, Paige VanZant vient y coller son menton une, deux, trois fois. En ce mois de novembre 2019, le soleil cogne sur ses abdos saillants, sertis par un pier­­cing au nombril. La jeune femme pince les lèvres et pour­­suit l’ef­­fort, avant de lais­­ser la place à son mari. Austin Vander­­ford s’en­­traîne pour son prochain combat de MMA en ligue Bella­­tor, dans la capi­­tale israé­­lienne.......Détails........


Elle, prépare une confron­­ta­­tion encore plus pres­­ti­­gieuse. « J’ai dit à l’UFC que j’étais prête », glisse-t-elle en réfé­­rence à l’Ul­­ti­­mate Figh­­ting Cham­­pion­­ship, la plus puis­­sante orga­­ni­­sa­­tion de MMA de la planète.
Après avoir battu Rachael Osto­­vich en janvier, l’Amé­­ri­­caine de 25 ans a dû décla­­rer forfait à cause d’une frac­­ture au bras droit. Mais elle a l’ha­­bi­­tude des bles­­sures. 
« Je pour­­rais en faire une longue liste », écrit-elle dans sa biogra­­phie, Rise: Survi­­ving the Fight of My Life. 
« Mon corps a subi des coupures, des entailles, des fissures, des piqûres, des entorses, des torsions ou des déchi­­rures. Cela dit, je n’ai pas peur de me faire mal. Je vois les bles­­sures comme des périls occa­­sion­­nels, atten­­dus et inévi­­tables. » 
Une adver­­saire devrait lui être propo­­sée en début d’an­­née prochaine.
Ses trac­­tions termi­­nées, VanZant retrouve son mari sur le sable. Sous le soleil décli­­nant qui vient cette fois cares­­ser sa peau, elle l’em­­brasse et publie la vidéo sur Insta­­gram. Plus de 2,3 millions de personnes la suivent. 
Le 15 novembre, elle en fait de même pour le féli­­ci­­ter à sa sortie de l’oc­­to­­gone. Vander­­ford est venu à bout du russe Grachik Bozi­­nyan. 
Dans la presse, pas un article n’ou­­blie de souli­­gner que le « Gent­­le­­man », qui a échoué à obte­­nir un contrat UFC l’an passé, est aussi « le mari de Paige VanZant ». C’est elle la star.
« Je crois vrai­­ment – et je ne sais pas si les socié­­tés promo­­tion­­nelles nous donne­­ront un jour une vraie réponse – que les femmes vendent mieux que les hommes », pointe-t-elle lors de notre entre­­vue à Lisbonne au début du mois. « Quelques-uns sortent du lot comme Conor McGre­­gor, mais si vous regar­­dez un pano­­rama, les femmes rapportent plus d’argent, elles attirent l’at­­ten­­tion, donc amènent plus de monde. » 
Lors du combat UFC 242 d’Abou Dabi, en septembre 2019, Khabib Nurma­­go­­me­­dov a touché 6 millions de dollars, alors que la femme la mieux payée, Joanne Calder­­wood, n’a perçu que 45 000 dollars. 
Pendant que Ronda Rousey rempor­­tait 140 000 dollars en 2016, Chris Weid­­man en récol­­tait 500 000.
« Nous devrions être consi­­dé­­rés comme égaux », enchaîne VanZant. « Les femmes sont payées moins que les hommes et nous devrions tous obte­­nir ce que nous méri­­tons. 
Je veux juste connaître ma vraie valeur. » La combat­­tante est d’ailleurs si popu­­laire sur Inter­­net qu’à tout prendre, elle encaisse plus de béné­­fices en postant des photos sur Insta­­gram qu’en entrant dans l’oc­­to­­gone. 
En 2018, elle était d’ailleurs invi­­tée par le Web Summit à présen­­ter son usage des réseaux sociaux. Cette année, elle a de nouveau fait étape au Portu­­gal, début novembre, juste avant de rallier Israël. Elle y a retrouvé Cris Cyborg, une des combat­­tantes les plus craintes du circuit.
Sous contrat avec l’UFC de 2015 à juillet 2019, Cris Cyborg, ancienne joueuse de hand­­ball brési­­lienne, compte 21 victoires pour deux défaites. 
En tant que femme la mieux clas­­sée du MMA l’an passé, elle a amassé 1,08 million de dollars, contre 3,03 millions pour son alter ego mascu­­lin, Conor McGre­­gor. 
En septembre, elle a signé « le plus gros contrat de l’his­­toire du MMA fémi­­nin » avec la ligue Bella­­tor. Depuis, la Polo­­naise Joanna Jedr­­zejc­­zyk a déclaré vouloir suivre l’exemple de Ronda Rous­­sey pour deve­­nir la meilleure combat­­tante de MMA au monde, malgré sa récente défaite en UFC contre la Russe Valen­­tina Shev­­chenko.
Cette dernière accom­­pa­­gnait d’ailleurs Cris Cyborg et Paige VanZant à Lisbonne. Les trois femmes s’es­­ti­ment, souligne l’Amé­­ri­­caine : « C’est un grand sacri­­fice de faire du MMA et je respecte l’ef­­fort que les autres ont produit pour en arri­­ver là. À la fin de chaque confron­­ta­­tion ou presque, les combat­­tantes s’en­­lacent ou se serrent la main. » 
Mais cet effort que VanZant pour­­suit chaque jour en enchaî­­nant les trac­­tions avec son mari est couronné par une récom­­pense ines­­ti­­mable. « Le MMA m’a endur­­cie menta­­le­­ment, il m’a apporté de la confiance et une meilleure conscience de mon envi­­ron­­ne­­ment », indique Paige VanZant. « Pour ma géné­­ra­­tion de femmes, c’est impor­­tant. »
Sous le soleil de Tel Aviv, la peau de Paige VanZant est lisse, vierge de toute coupure, entaille, fissure, piqûre, entorse, torsion ou déchi­­rure. Ses plaies se sont refer­­mées et, elle le répète à l’envi, elle est prête à combattre. « Mais il y a une bles­­sure que j’ai toujours gardée enfouie », admet-elle. 
C’est « une douleur que j’ai au plus profond de mon être et qui a été conscien­­cieu­­se­­ment tue pendant des années, même pour ma famille ; une douleur qui a affecté mon corps mais qui a surtout abîmé mon âme. »
Née le 26 mars 1994 dans l’Ore­­gon, sur la côte est, Paige Slet­­ten est la fille d’un lutteur et d’une profes­­seure de danse. 
Avec son frère Stevie, elle a le droit de « tout essayer », alors, tantôt elle danse auprès de sa mère, tantôt elle enfourche son BMX pour rouler avec les garçons du quar­­tier, dérou­­tés par son tutu rose. « Mon père ne me trai­­tait pas comme une petite prin­­cesse précieuse, il encou­­ra­­geait ma fougue », se souvient-elle. Quand sa fille se bagarre, M. Slet­­ten lui donne des conseils plutôt que de s’inquié­­ter.
Pour l’heure, la jeune Paige se fait surtout remarquer pour sa grâce. Au lycée, où elle est deve­­nue cheer­­lea­­der après avoir parti­­cipé à une pub, cette petite répu­­ta­­tion lui vaut l’in­­té­­rêt d’un certain Ivan. À l’oc­­ca­­sion d’Hal­­lo­­ween, ce garçon plus âgé l’in­­vite à une soirée. Ses parents ont beau refu­­ser de la lais­­ser sortir, l’ado­­les­­cente fait le mur et se retrouve devant un verre de vodka pastèque. 
A-t-elle déjà bu de l’al­­cool ? Oui, ment-elle. Alors les gorgée s’en­­chaînent et lorsque, ivre, elle émet l’idée de rentrer, on insiste pour qu’elle reste. Soudain, la pièce set met à tour­­ner. Devant elle, il n’y a plus qu’un kaléi­­do­­scope flou, puis le plafond. Paige se retrouve plaquée au sol, sans son télé­­phone, et quelqu’un lui tient les poignets. 
« C’est mon tour main­­te­­nant », entend-elle avec horreur.
Sur les conseils de son père, Paige se met au MMA à l’âge de 15 ans. Aidée par son agilité de danseuse, elle apprend cette disci­­pline encore très mascu­­line en échan­­geant les coups avec des hommes, qu’im­­porte ce qu’on peut racon­­ter. « Je suis tombée amou­­reuse du MMA », sourit-elle. 
« J’ai arrêté la danse et mis de côté les études pour me donner à fond. Ma famille me soute­­nait et j’ai appris à ne pas m’en­­tou­­rer de gens qui me disent ce que je dois faire. » 
Après avoir remporté un combat amateur à 18 ans, Paige VanZant fait ses débuts en pro par une victoire le 30 juin 2012. Un an et demi plus tard, son nom figure au bas d’un contrat de l’UFC.
« Je suis ravie d’avoir été une des premières combat­­tantes en UFC car ça a marqué le début d’une nouvelle ère », rembo­­bine-t-elle. « Le simple fait de regar­­der des femmes se battre donne du pouvoir aux autres. Et je leur conseille vrai­­ment de s’y mettre. 
Pourquoi nos corps ne seraient-ils pas faits pour ça ? » Entre autre vertus, le MMA « apprend l’es­­prit de compé­­ti­­tion, l’auto-défense et permet de connaître sa force », vante-t-elle. Malheu­­reu­­se­­ment, les arts martiaux mixtes traînent encore une répu­­ta­­tion de sport dange­­reux, comme Paige ne pouvait échap­­per aux regards circons­­pects quand son tutu rose dépas­­sait de chaque côté du BMX. Les clichés ont la vie dure.
Alors que les compé­­ti­­tions offi­­cielles seront enfin offi­­ciel­­le­­ment auto­­ri­­sées en France au mois de janvier, Anita Karim porte haut les couleurs du Pakis­­tan dans l’oc­­to­­gone et Zahra Al-Qura­­shi celles de l’Ara­­bie saou­­dite. La diffu­­sion de la disci­­pline n’a pas de fron­­tière. 
« Beau­­coup d’étran­­gers aiment le MMA et voudraient avoir des combats de l’UFC », se réjouit Paige VanZant. « Il faut que des gens comme moi qui ne ressemblent pas à des combat­­tants s’y mettent pour montrer que ce n’est pas seule­­ment pour les personnes violentes, c’est un art avec des tradi­­tions et du respect. »

Source Ulyces
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