Le Parti travailliste israélien, de concert avec Benyamin Nétanyahou, a condamné les positions antisionistes de Jeremy Corbyn. Une décision diplomatique risquée......Analyse........
Le Labour, qui se déchire sur la définition de l’antisémitisme et plus précisément une clause qui considère que toute critique «disproportionnée» tendant à «délégitimer» l’existence de l’Etat hébreu s’y apparente.Pour les supporteurs de Jeremy Corbyn, cela revient à censurer la critique d’Israël. Le problème étant que le leader travailliste, durant ses décennies d’activisme pro-palestiniens, n’a pas hésité à frayer avec des révisionnistes patentés, des antisémites décomplexés et même des militants du Hamas condamnés pour terrorisme.
En revanche, sa position sur la résolution du conflit a toujours été floue. Il n’a reconnu qu’en 2016 «le droit d’Israël d’exister, selon les frontières originelles de l’accord de 1948» (référence au plan de partage de l’ONU refusé par les pays arabes).
La défense de Corbyn par ses ouailles est sommaire : le socialiste londonien a toujours été «du bon côté de l’Histoire», porté par un anti-impérialisme chevillé au corps.
Les accusations dont il fait l’objet seraient orchestrées par les lobbys pro-israéliens et l’aile «blairiste» du Labour, qui auraient transformé la lutte contre l’antisémitisme en «chantage».
Enième théorie du complot où les sionistes tirent les ficelles, répondent un nombre croissant de figures de gauche, mal à l’aise avec cette rhétorique.
L’affaire a pris une tournure internationale mi-août avec l’intrusion dans le débat du Premier ministre israélien, Benyamin Nétanyahou, après les révélations du Daily Mail.
Le tabloïd anglais avait déterré des photos de Corbyn déposant une gerbe en Tunisie en 2014 à la mémoire de membres du commando palestinien Septembre noir, responsable de l’assassinat d’athlètes israéliens lors des JO de Munich en 1972.
Face aux dénégations vaseuses de Corbyn, «présent mais pas impliqué», Nétanyahou avait alors appelé sur Twitter «la gauche, la droite, et tout ce qu’il y a entre les deux» à une «condamnation sans équivoque» de Corbyn pour avoir honoré les auteurs «du massacre de Munich et comparé Israël aux nazis». Corbyn avait répliqué en évoquant la répression israélienne de la «Marche du retour» à Gaza, qui a fait près de 170 morts, ce printemps.
L’intervention de Nétanyahou témoigne, selon l’ex-directeur de la politique étrangère au Conseil de sécurité israélien Shany Mor, d’une nervosité israélienne grandissante face à la stature de Corbyn : «Depuis les années 70, il y a, aux marges de la gauche, des opposants obsessionnels à Israël, qui dépassent la simple critique politique en diabolisant l’Etat hébreu comme un mal ultime.
Sauf que là, cette idéologie aux accents conspirationnistes est aux portes du pouvoir dans un pays très important diplomatiquement.» Au printemps, le Parti travailliste israélien avait coupé tout lien avec le Labour.
D’autres pointent un «deux poids, deux mesures», Nétanyahou ayant absous le Premier ministre hongrois, Viktor Orbán, malgré des positions accablantes, en échange de son soutien sur la scène internationale.
«Quitte à schématiser sarcastiquement, il y a aujourd’hui en Europe des politiciens qui, soi-disant, adorent les Juifs mais détestent Israël, et d’autres qui n’aiment pas les Juifs mais chérissent Israël, opine Shany Mor. Et utilisent une position pour couvrir l’autre.
Diplomatiquement, il s’agit de peser les intérêts des communautés juives locales et ceux d’Israël. Le choix opéré par Nétanyahou peut se comprendre mais n’est pas viable à long terme.»
Résumé brutalement par l’éditorialiste israélo-britannique Anshell Pfeffer dans le quotidien de gauche Haaretz : «Orbán est un antisémite malin. Corbyn en est un stupide.»
Dans le même journal, seul Gideon Levy, figure de la gauche radicale et partisan d’un Etat binational, s’est porté au secours de Corbyn : «Il fut un temps où un antisémite était un homme qui détestait les Juifs. Aujourd’hui, un antisémite est un homme que les Juifs détestent.»
Dimanche, dans une lettre envoyée au Guardian, la coalition des partis arabes représentés au Parlement israélien a déclaré son soutien à Corbyn, à rebours du consensus régnant à la Knesset.
Source Liberation
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