Un cylindre et des tentacules, et voilà peu ou prou la morphologie de l’anémone de mer. Pourtant, le génome de cet invertébré marin, séquencé pour la première fois en 2007, est d’une complexité proche de celle du génome humain. Il y a là un paradoxe qu’une équipe de chercheurs de l’institut Pasteur et du CNRS, en collaboration avec des chercheurs de l’institut Weizmann, en Israël, a levé : l’espèce Nematostella vectensis présente en effet une diversité cellulaire bien plus riche que ne le laisse penser sa morphologie.......Détails........
Pour le mettre en évidence, l’équipe a utilisé une technique relativement récente, qui connaît une véritable explosion ces dernières années : le séquençage de transcriptome (les ARN issus de la transcription du génome) à l’échelle de la cellule individuelle.
La technique consiste à dissocier l’organisme en cellules individuelles, par différents moyens comme des enzymes ou une action mécanique, jusqu’à obtenir une suspension de cellules. On isole ensuite chaque cellule, puis on en séquence l’ARN.
« On peut ainsi obtenir le profil transcriptionnel de tous les types cellulaires d’un organisme. C’est un progrès énorme. Et c’est la première fois que cette technique est utilisée sur un animal non bilatérien (qui ne présente pas de symétrie gauche-droite) », explique Lucas Leclère, chargé de recherche au laboratoire biologie du développement de Villefranche-sur-Mer.
Plus d’une trentaine de types de neurones différents
L’étude du transcriptome permet de savoir exactement quels gènes sont exprimés dans chaque cellule et donc de distinguer différentes catégories de cellules.
Les chercheurs ont ainsi déterminé qu’une anémone de mer est constituée d’une centaine de types différents de cellules. « On ne pensait pas qu’il y en avait autant », indique Heather Marlow, spécialiste en biologie du développement à l’institut Pasteur et l’une des principales auteures de l’étude. Ces cellules se regroupent en huit grandes classes : cellules digestives, musculaires, neuronales… Chaque classe est elle-même divisée en plusieurs sous-catégories, définies par l’expression de marqueurs spécifiques.
Ainsi, plus d’une trentaine de types de neurones ont par exemple été identifiés. L’équipe a aussi montré que même si les éléments de base sont les mêmes pour les neurones de bilatériens et de cnidaires (dont font partie les anémones), la diversité neuronale semble suivre des règles différentes, ce qui suggère une évolution indépendante dans les deux lignées.
Mais pourquoi l’anémone de mer est-elle un sujet d’étude si intéressant ? En 2007, le séquençage du génome de l’anémone avait révélé que, de façon surprenante, il présente plus de ressemblances avec celui de l’homme ou d’autres vertébrés qu’avec celui des nématodes ou des mouches.
L’anémone possède environ 18 000 gènes contre 20 000 chez l’homme, et une bonne partie de ces gènes sont organisés en motifs similaires à ceux des gènes humains correspondants.
Cela fait de l’anémone de mer un modèle idéal pour étudier le génome animal, comprendre les interactions qui se jouent entre les gènes et mieux comprendre le fonctionnement de nos propres cellules.
De plus, la branche évolutive des cnidaires s’étant séparée de celle des bilatériens il y a plus de 600 millions d’années, « l’anémone peut donc aussi nous aider à comprendre l’origine et l’évolution des multiples types de cellules qui constituent les organismes des animaux, et notamment leur système nerveux », explique Heather Marlow.
« Le séquençage du transcriptome à l’échelle de la cellule individuelle devrait par ailleurs permettre d’étudier de nouvelles branches de l’arbre des animaux. »
Source Pour la Science
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