La start-up israélienne Moovit, derrière le calculateur d'itinéraire collaboratif pour les transports en commun, commence à monétiser ses précieuses données en B2B.......Interview de Nir Erez, CEO et cofondateur de Moovit.......
JDN. Quel est le concept de Moovit ?
Nir Erez. Moovit est une application qui facilite la vie des usagers dans les transports en commun. Un peu à l'instar de Waze, nous collectons anonymement des données de nos 200 millions d'utilisateurs à chaque fois qu'ils sont connectés à l'application.
Ces données nous aident par exemple à identifier d'éventuels ralentissements sur certains itinéraires. Moovit est désormais utilisée dans plus de 2 500 villes dans 82 pays.
L'entreprise a été fondée en 2011 et compte parmi ses investisseurs Sequoia Capital, Intel Capital ou encore l'opérateur français de transport Keolis.
Comment vous différenciez-vous de Google Maps ?
Principalement grâce aux données que nous détenons et que nous collectons depuis de multiples sources.
Nous utilisons en premier lieu les données publiques à chaque fois que celles-ci sont disponibles ou que les opérateurs privés de transport nous les communiquent. Nous collectons aujourd'hui des données de plus de 7 000 opérateurs à travers le monde.
Près de la moitié d'entre eux nous donnent un accès en temps réel à leur système. Mais ce qui nous différencie des autres applications est notre communauté de plus d'un million de volontaires qui contribuent à l'amélioration du service.
Parmi eux, plus de 300 000 éditeurs – aussi appelés "mooviters" - assurent l'exactitude des données.
Quel est le profil de ces membres très actifs ?
Les mooviters sont des personnes qui ont compris que, grâce à leur aide, nous pouvons développer notre service dans leur ville beaucoup plus rapidement. Ces membres ont souvent déjà vécu l'expérience frustrante de ne pas obtenir des informations exactes lorsqu'ils ont utilisé les transports en commun.
Par exemple, dans près de 10% des villes, les arrêts de bus se trouvent à 100 ou 200 mètres plus loin que leur emplacement sur la carte !
Ces utilisateurs contribuent à l'amélioration du service pour eux-mêmes, mais aussi pour leur famille, leurs amis et parce qu'ils ont la sensation d'aider leur communauté. Il y a là une notion de 'patriotisme local'.
Quel est le business model de l'application ?
Pendant nos cinq premières années, avec le soutien de nos investisseurs, nous avons choisi de nous concentrer sur notre produit et notre croissance à l'international.
Nous avons seulement commencé la monétisation de Moovit l'an dernier en optant pour un modèle B2B. Nous tirons ainsi nos revenus de la vente de nos données aux villes et aux opérateurs privés de transport via notre offre baptisée MUMA (Moovit Urban Mobility Analytics).
Nous comptons déjà plusieurs villes parmi nos clients, notamment en Espagne, en Italie et aux Etats-Unis.
Pourquoi les villes sont-elles intéressées par ces données ?
Grâce à l'ensemble des données que nous récoltons sur les mouvements des personnes, nous disposons d'une vision claire de la demande en transport à l'échelle d'une ville.
Nous savons par exemple combien de personnes prennent tel ou tel bus à un horaire précis, ou bien la durée moyenne d'attente à une station de train. Ces informations sont précieuses pour les urbanistes et agences de transport qui souhaitent rendre leurs systèmes plus efficients.
Nous leur fournissons ainsi des analyses très précises et à un prix largement inférieur aux traditionnelles études qui peuvent coûter jusqu'à plusieurs millions de dollars.
Vous avez également développé une plateforme nommée MAAS (Mobility as a service) permettant aux villes et aux agences de transport de gérer leurs flottes de véhicules. Comment fonctionne-t-elle ?
C'est effectivement l'un de nos focus pour cette année en termes de revenus. Si les grands opérateurs et certaines villes disposent souvent de leur propre application pour gérer leurs flottes de véhicules, ce n'est pas le cas de tous. Notre plateforme permet aux petites agences de transports de visualiser en temps réel la localisation de leurs bus. Ces véhicules sont équipés d'un capteur ou d'un appareil Android.
Cette traçabilité permet de voir, par exemple, si certains sont en retard sur leur parcours. Pour les opérateurs et les villes qui utilisent déjà leur propre application, nous leur permettons d'intégrer leurs données directement dans notre plateforme mais aussi d'intégrer d'autres services comme le partage de voiture, de vélos, etc.
In fine, ces données contribuent également à améliorer le service pour l'ensemble des utilisateurs de Moovit !
Vous êtes souvent comparé à Waze. A juste titre ?
Waze et Moovit ont été conçus avec des objectifs différents. L'objectif de Waze était de développer une carte alors que le nôtre est de jouer un rôle important dans la mobilité urbaine.
Je pense en effet que les transports publics deviendront primordiaux dans notre quotidien dans les années à venir. Les futures voitures autonomes seront probablement régulées de la même manière que les transports publics.
Les villes se chargeront de définir leur nombre ainsi que le prix des trajets. Notre objectif sera donc d'aider ces métropoles à mettre en place leurs futurs systèmes de mobilité qui intégreront l'ensemble des moyens de transport, dont ces véhicules autonomes.
Peut-on imaginer pour Moovit un avenir similaire à celui de Waze, à savoir une acquisition par un géant de la Tech tel que Google ou Apple ?
Nous n'avons jamais imaginé notre futur en pensant à une acquisition. Nous préférons nous concentrer avant tout sur le développement de nos revenus pour devenir une entreprise rentable.
Nous devrions d'ailleurs le devenir dans un futur proche.
Quels sont vos objectifs pour les années à venir ? Une entrée en Bourse est-elle à l'ordre du jour ?
Nous pourrons entrer en Bourse ou bien rester une entreprise privée. A vrai dire, la structure que nous choisirons n'a pas tant d'importance, l'IPO n'étant qu'un simple outil financier permettant de lever des capitaux.
D'ici quatre ans, notre objectif est de dépasser le milliard d'utilisateurs, et de prendre part à chaque trajet urbain, que ce soit à travers nos utilisateurs ou du côté des municipalités en les aidant à mieux organiser leurs transports publics.
Source Journal du Net
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